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ARCHIVES GÉNÉRALES DE MEDECINE, Paris 1832
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ARCHIVES GÉNÉRALES
DE MEDECINE.
DE
MÉDECINE;
CHEZ
JOURNAL
PUBLIÉ
PAR UNE SOCIÉTÉ DE MÉDECINS,
COMPOSÉE DE MEMBRES DE L'ACADÉMIE ROYALe de médecine,
DE PROFESSEURS, DE MÉDECINS ET DE
HÔPITAUX CIVILS ET MILITAIRES, etc.
CHIRURGIENS
TOME XXX.
A PARIS,
BÉCHET jeune, Libraire de la Faculté de Médecine, place
de l'École de Médecine, no 4;
MIGNERET, Imprimeur-Libraire, rue du Dragon, no 20.
DES
ET
OBSERVATIONS.
SEPTEMBRE 1832.
Quelques réflexions sur l'histoire de la médecine; parJ. E. DezeimeriS, D. M. P., bibliothécaire-adjoint
à la Faculté de Médecine (1).
« Facilior ad prudentiam medicam via est per historiam,
» quam per usum ipsum, utpotè cum hic seris demùm ab >> annis veniat, historia erudiat etiam juvenem. » CONRING, Præf. ad Salmuthi obs.
Si l'on voulait tirer une définition de l'histoire de la médecine, du rapprochement de tous les ouvrages historiques publiés jusqu'à ce jour, on ne serait pas peu en peine de trouver, au milieu des formes disparates qu'ils présentent, quelques caractères généraux qui leur fussent
(1) Ayant eu, dans une circonstance pressante, à faire un travail sur un sujet laissé à mon choix, j'ai écrit précipitamment les réflexions qu'on va lire sur celle des parties des sciences médicales dont j'ai toujours fait mon étude de prédilection. Je demande grace pour la forme, dont il ne m'était pas permis de m'occuper quand je n'avais que le temps d'écrire les premières pensées qui se représentaient à mon esprit, long-temps occupé, il est vrai, de ces matières. Si l'on rencontre, dans ce mince opuscule, quelques réflexions justes sur les avantages qu'on peut retirer de l'étude de l'histoire de la médecine, quelque vue utile sur la manière dont cette histoire doit être traitée, on y aura trouvé tout ce que je pou vais avoir la prétention dy mettrer
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commons. Si, mettant de côté tous ceux dont les auteurs ne se sont pas fait une idée bien nette de l'objet qu'ils avaient à remplir, on cherche à tracer le domaine de l'histoire de la médecine, à fixer les règles de sa composition, ou, si l'on veut, sa poétique sur le modèle des meilleurs livres que nous possédions en ce genre, on pourra éviter les fausses notions, mais à coup sûr on ne s'élèvera qu'à des conceptions étroites et incomplètes.
Il faut donc chercher dans l'histoire de quelque autre science, ou mieux encore dans la nature des choses, ce modèle encore idéal dont on voudrait voir l'histoire de la médecine se rapprocher. Il le faut, si l'on veut bien comprendre tout ce que doit renfermer cette histoire; il le faut surtout si l'on veut sentir de quelle utilité peut être cette étude; car le point de vue d'utilité est celui qui se laisse le moins apercevoir dans la plupart de nos histoires les plus curieuses, et pourtant c'est celui auquel tous les autres doivent être subordonnés, puisque après tout la médecine figure au rang des arts utiles, et non pas parmi les beaux-arts.
L'histoire dont nous nous occupons est la connaissance du passé, et tout ce qui se rapporte aux sciences médicales ou à l'art de guérir, et celle des instructions qui en résultent pour les travaux du présent et les recherches de
l'avenir.
L'idée énoncée dans ce peu de mots est peut-être trop abstraite et, en même temps trop complexe pour qu'on puisse en saisir la portée au premier coup-d'œil; elle va s'éclaircir en se décomposant en chacun des élémens divers qu'elle résume.
Cette idée renferme d'abord celle d'une exposition des résultats positifs obtenus par la culture de la science dans tous les temps et dans tous les pays. C'est là la matière première de l'histoire, la base fondamentale sur laquelle tout le reste doit être appuyé.
A côté se placé l'étude des vicissitudes qu'a éprouvées la science, le tableau de ses progrès aux siècles brillans de la Grèce et de Rome, de ses revers au temps de la fausse philosophie des premiers siècles chrétiens et durant la barbarie du moyen âge, de sa renaissance, liée à celle des lettres et avec l'origine de la liberté, de l'essor rapide et sûr qu'elle a pris vers la perfection depuis la réforme philosophique de Bacon et de Locke et l'établissement des sociétés vouées à l'observation de la nature. Parmi les élémens nombreux dont se compose cette étude et que nous ferons connaître par des développemens ultérieurs, nous n'indiquerons, pour le moment, que l'examen des rapports qui lient, dans tous les temps, le sort de la médecine à celui de la civilisation et de la culture de l'esprit en général, la considération plus particulière de l'influence des systèmes qui se sont succédé en philosophie sur les doctrines de notre science, l'appréciation des encouragemens ou des obstacles qu'elle reçut des institutions politiques générales, de celles qui lui sont particulières, et de la position qu'occupèrent dans la société, selon les temps et les circonstances, les hommes qui la cultivèrent.
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Enfin, il faut considérer comme rentrant dans l'idée générale qu'on doit se former de l'histoire de la médecine, la détermination des lois que l'esprit humain (essentiellement perfectible de sa nature) suit dans la série des progrès qu'il réalise. Ce résultat, le plus élevé qu'on puisse se promettre de l'histoire étudiée dans un esprit philosophique, et dont la connaissance importe si hautement à l'établissement définitif des bonnes méthodes, ou autrement dit de la logique médicale, a été formulé récemment par deux écoles philosophiques qui se croient appelées à donner désormais des lois à l'esprit humain, et il l'a été de manière à prouver que ni l'une ni l'autre de ces écoles n'a
puisé les principes qu'elle établit dans l'étude historique, qui est ici l'étude des faits, mais qu'elle les a hasardés à priori, ou qu'elle s'est contentée d'un coup-d'œil rapide et superficiel sur le passé.
L'histoire de la médecine, prise dans toute l'étendue qu'elle doit avoir pour être complète, se compose d'une série d'études, dont chacune exige de celui qui veut la cultiver, certaines qualités de l'esprit qu'on trouve rarement unies dans le même homme à toutes celles que réclament les autres; d'où la rareté des bons historiens, et l'absence d'un ouvrage qui réponde à toutes les exigeances du genre. Ces études diverses se rapportent naturellement à trois classes, que je désigne par les noms d'histoire générale ou politique, histoire littéraire, et histoire technologique.
L'histoire générale, ou extérieure, comme la nomment les Allemands, est l'exposition des circonstances politiques ou autres, qui ont eu quelque influence sur les progrès de la médecine ou sur sa décadence. L'état de la civilisation, à l'époque qu'on veut connaître, la tendance du siècle au perfectionnement social, ou son déclin, la pente qui l'entraîne vers la décadence, les encouragemens donnés aux études, ou les obstacles qu'on leur oppose, les institutions scolaires ou les établissemens académiques, la condition civile des médecins, l'état des lettres et des sciences, et plus particulièrement des sciences d'observation, celui de chaque branche de la médecine elle-même et son influence sur les autres, l'exposition des systèmes philosophiques dominans, des méthodes logiques accréditées, tels sont les élémens principaux de l'histoire extérieure de la médecine. Leur diversité suffit pour faire sentir, au premier coup-d'œil, combien cette partie de l'histoire doit présenter de difficultés; mais il faut creuser l'intimité du sujet pour comprendre toute leur étendue.
Car elles ne consistent point seulement dans la multitude des sources qu'il faut consulter, dans l'insuffisance des documens qu'il est possible de se procurer, dans l'absence, relativement à beaucoup de points, de tout renseignement spécial préparé pour servir à cet usage; outre ces difficultés matérielles, qui ne demandent après tout, pour être vaincues, qu'une ardeur et une patience infatigables à recueillir des matériaux, et une certaine industrie à les mettre en œuvre, il en est d'autres qu'il n'est donné qu'à un petit nombre d'esprits supérieurs de surmonter complètement.
L'histoire politique de la médecine ne se borne point, en effet, à une simple exposition de toutes les circonstances que nous venons d'énumérer. Cette exposition en forme la base, en fournit les matériaux, mais ne la constitue point; elle consiste essentiellement dans l'appréciation juste et rigoureuse de l'influence exercée par toutes ces conditions sur la marche ultérieure de la science et de l'art. L'historien n'a point assez fait quand il a établi sur des preuves incontestables qu'Hippocrate sépara la médecine de la philosophie, ni quand il a déterminé d'une manière plus précise qu'on ne l'a fait généralement en quoi consista cette séparation; une tâche plus délicate lui est imposée, c'est celle d'apprécier pour quelle part doit être compté cet événement entre les causes de la révolution qu'Hippocrate opéra dans la science dont il a été nommé le père. Tout n'est poiut dit sur l'influence que dûrent éprouver les sciences médicales de la découverte de la circulation, quand on a raconté les vues de Servet sur le trajet du sang des cavités droites aux cavités gauches du cœur, en passant à travers les poumons; les idées de Cesalpin sur le même point, ses remarques et ses expériences sur la direction du sang dans les artères et dans les veines; la description de ces divers phénomènes, don
née par Colombo et Aranzi, d'une manière encore phis rapprochée de la vérité; la découverte des valvules des veines, par Cannani, Casserio et Fabrizio d'Aquapendente; enfin la théorie, si complète et si solidement établie, de Harvey: la tâche n'est point encore accomplie, quand on a fait connaître l'orage que souleva la publication du livre du célèbre anatomiste anglais; vainement croirait-on enfin. avoir touché le but, après qu'on est entré dans tout le détail des disputes que suscita la nouvelle découverte, après avoir marqué chaque progrès que fit la discussion vers l'établissement et l'admission générale de la vérité; on désire encore quelque chose, et quelque chose de plus important que tous ces détails : c'est de savoir pour quelle part la découverte de Harvey contribua à amener les modifications profondes qui s'opérèrent, vers cette époque, dans les sciences physiologiques, et même dans la pratique de l'art de guérir.
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y a
II dans ces problèmes autre chose qu'une question de faits et de dates, autre chose qu'une question de bibliographie, quoiqu'on ait cru les avoir complètement résolus avec des faits, des dates et de la bibliographie. On pourrait dire, en langage médical, qu'il y a de plus une question d'étiologie; et l'on sait de quelle perspicacité a besoin le médecin pour reconnaître la part d'influence qu'a eue uue cause dans la production d'une maladie, quand beaucoup d'autres y ont concouru.
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Il faut donc être pourvu de cet esprit philosophique et scrutateur qui sait démêler l'origine d'une série de résultats à travers la complication des causes, et poursuivre les conséquences d'un principe au milieu des résultats d'autres principes différens ou opposés.
Parmi les influences qu'on est obligé de connaître, sous peine de ne rien comprendre aux vicissitudes de la science, et même de ne trouver que des énigmes dans la plupart des
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théories médicales, la plus importante, şans comparaison, est celle des systèmes philosophiques. Les écoles de médecine, en effet, ne furent trop souvent que l'écho de celles des philosophes; influence presque toujours fatale, et qu'on doit considérer, sans nul doute, comme le plus puissant obstacle qui se soit jamais opposé aux progrès de l'art de guérir. Jusqu'au siècle qui a précédé le nôtre, et plus près de nous encore, la philosophie fut presque loujours considérée comme une science qui rend raison des choses, qui pénètre leur essence, et qui explique leur existence et leur nature (1). Or, cet esprit d'explication fut de tout temps le plus mortel ennemi de l'esprit que demandent les sciences d'observation. Je suis bien loin de refuser mon hommage à la véritable philosophie. La médecine doit toute sa reconnaissance, et, plus qu'on ne croit, elle est redevable de la splendeur dont elle brille aujourd'hui à la philosophie de Bâcon, de Gassendi, de Locke, de Newton, de Voltaire, de Condillac, de Diderot, du baron d'Holbach, de Cabanis et de Tracy. Mais Bâcon, Gassendi, Locke, Newton, Voltaire, Condillac, Diderot, d'Holbach, Cabanis et de Tracy ne se firent jamais chefs de systèmes; ils apprirent à étudier la nature pour connaître ses phénomènes, pour les prévoir et les calculer, mais non pour en pénétrer l'essence et pour en expliquer les causes. Les services rendus par ces grands hommes aux sciences d'observation ne sauraient faire oublier le tort irréparable que leur firent pendant tant de siècles les
(1) Dans un cours de philosophie encore classique à la fin du dernier siècle, on lit ce qui suit : « Philosophia est judicinm de enti« bus, ut in se sunt, evidens per causas. Judicia de entibus, ut sunt «< in ordine ad nos nempè quæ feruntur de existentiâ nostrarum «< impressionum et quibus dicitur quid nobis de entibus videatur, « vera sunt', certa, et evidentia; sed philcsophica non sunt quia non « sunt per causas..... Quia non feruntur de entium natura. »
rêveries, sublimes si l'on veut, mais pourtant chimériques de Pythagore, de Xénophane et de Mélissus, de Platon et de son école, des stoïciens, des éclectiques et des néoplatoniciens, des mystiques, des théosophes, des cabalistes, des réalistes, des panthéistes, des cartésiens, tous spiritualistes sous différens noms. Heureusement, il y eut presqu'en tout temps un petit nombre d'hommes d'une tournure d'esprit fort différente, qui ne pensèrent pas qu'on dût faire consister la science des être organisés dans l'histoire d'un être imaginaire gratuitement surajouté à ce que l'observation permet de découvrir en eux.
Pour résumer: l'histoire de la médecine est entraînée à chaque à instant à s'occuper des luttes du spiritualisme contre le matérialisme, de la philosophie qui explique et qui bâtit des systèmes à priori, contre celle qui observe et conclut, qui fait des expériences, rapproche les observations et induit des principes, et qui, quand les faits refusent d'entrer dans les catégories reçues, ne se fait pas scrupule de les laisser provisoirement isolés, et d'avouer son ignorance.
On a de si beaux modèles de la manière dont doit être étudiée l'influence de l'état de la civilisation et des institutions politiques sur les lettres et sur les sciences, qu'il est inutile de s'y arrêter. Que pourrais-je dire qui ne fût bien au-dessous de l'idée qu'en ont tous ceux qui ont lu les ouvrages de Winkelmann, Meiners, Tiedemann, Tiraboschi, Bouterweck, Ginguené, et de plusieurs autres.
L'histoire littéraire est la connaissance de toutes les productions écrites de l'esprit appliqué à la culture de la médecine, et de tous les monumens de l'art. L'étendue de cette histoire demande qu'elle soit partagée en plusieurs sections. Elle comprend 1.° le recensement complet de tout ce qui a été écrit depuis l'origine de la science jusqu'à nous; 2.° l'examen philologique et critique de
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́ces ouvrages; 3.o la description des antiquités médicales; 4. la biographie des médecins, en tant que les circonstances de leur vie ont eu quelque influence sur le caractère de leurs travaux; 5.° la bibliographie choisie des ouvrages importans et originaux, disposés selon l'ordre des époques et des doctrines, et marquant la série des grandes découvertes ou des grandes erreurs ; 6.° la bibliographie par ordre de matières; 7.° enfin la méthodologie, qui, mettant à profit toutes les données fournies par les études qui précèdent, trace la voie la plus courte et la plus sûre pour arriver à la connaissance de tout ce qui mérite d'être appris.
Toutes ces parties ont leur importance, et il en est plusieurs sans lesquelles on ne saurait faire un pas hors du cercle des études scolastiques les plus vulgaires. Je sais bien qu'on est tenté de dire que rien n'est plus fastidieux et plus inutile que cette énumération complète des ouvrages de tous les temps, dont l'immense majorité ne mérite que le mépris ou l'oubli; mais reconnaître qu'il en est dans le nombre qui méritent d'être distingués, n'estce pas déclarer, sans y prendre garde, qu'ils ont dû être préalablement comparés avec tous les autres ? Sans doute il serait absurde d'imposer à quiconque veut se procurer une connaissance approfondie des travaux remarquables de tous les temps, l'obligation de fouiller sans choix dans le chaos des grandes bibliothèques. Ici, comme dans l'étude d'une maladie, comme dans la recherche des moyens de la guérir, chacun doit fournir un appui à sa faiblesse, en s'aidant des secours que peuvent lui procurer les travaux de ses prédécesseurs. Avec l'immense extension qu'a prise et que prend tous les jours la littérature médicale, il ne faut pas plus prétendre à en examiner par soi-même toutes les parties, qu'on ne prétend à recréer l'art de guérir, à le refaire de toutes pièces, en n'employant d'au
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tres matériaux que ceux qu'on trouve dans sa propre expérience. Il faut bien reconnaître la faiblesse de notre nature et les bornes de nos facultés: Ars longa, vita brevis ! Et c'est en présence de cette nécessité bien sentie, qu'on ne peut s'empêcher de laisser éclater l'expression de sa reconnaissance et de son admiration pour ces hommes laborieux dont les recherches critiques nous ont épargné la peine d'entreprendre après eux ce triage des bons livres et des productions insignifiantes; de ces hommes désintéressés qui, comme l'immortel auteur des Bibliothèques de médecine, le grand Haller, ont usé leur vie à la lecture d'ouvrages sans valeur, pour nous éviter de perdre un jour notre temps à les examiner. Quoi de plus propre à montrer la nécessité de l'histoire que ce privilège qu'elle a de nous transmettre en un instant tous les résultats instructifs de recherches qui ont absorbé la vie de vingt savans, et de nous épargner les dégoûts qu'on éprouve à fouiller dans la vieille littérature quand on n'est pas éclairé d'avance l'indication des bonnes sources.
par
J'omets ce qu'il y aurait à dire sur la bibliographie par ordre de matières, qu'on a généralement assez mal conçue et mal exécutée, pour passer à une autre partie de l'histoire de la médecine, ou plutôt à une histoire toute nouvelle, dont il n'existe encore que quelques fragmens : c'est celle que j'ai nommé histoire technologique.
Les doctrines médicales, les systèmes généraux, cons tituent-ils à eux seuls la médecine tout entière ? Non, sans doute; et loin de là, les plus complets laissent en dehors de leur domaine plus de faits et de notions, sans rapports avec leurs principes ou en opposition avec eux, qu'ils ne peuvent en embrasser. La médecine d'un siècle, et les théories ou systèmes de la même époque, sont choses fort différentes et d'étendue bien inégale. Un système peut dominer la science, enceindre dans son réseau tout ce
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qu'elle offre de plus saillant, mais il n'absorbe point pour cela son existence pour y substituer la sienne, mais il n'est point identique avec elle, mais il n'anéantit point tout ce qui échappe à ses chaînes et n'a pu être englobé dans sa sphère. Dans la bouche de Galien, ce grand dominateur de la médecine, dont l'empire absolu dura quatorze siècles, cette sentence: la médecine, c'est mon système, n'eût pas été moins ridiculement fausse, que dans celle de Louis XIV ces paroles fameuses : l'état, c'est moi. On fut pendant bien des siècles dans l'opinion qu'on avait fait l'histoire d'une nation quand on avait écrit la vie des princes qui la gouvernèrent, des grands dont elle subit les caprices, et des guerriers qui la ravagèrent. La philosophie du siècle dernier rappela enfin que l'homme n'emprunte point sa principale dignité de la place qu'il occupe dans la société ou de la caste à laquelle il appartient, et que, dans une nation, le peuple doit être compté pour quelque chose. Depuis Voltaire, Hume, Robertson, on n'oserait plus écrire l'histoire civile et politique à la façon des anciens annalistes.
L'influence de cette révolution s'est fait sentir sur l'histoire de plusieurs sciences. En écrivant celle de l'art dans l'antiquité, Winkelmann comprit parfaitement que sa tâche ne se bornait pas à donner des notices sur les grands artistes, ni à exposer le génie et les vues particulières des plus célèbres d'entre eux; il sentit qu'il devait tracer un tableau de l'art, pris dans toutes ses parties, aux diverses époques de l'antiquité; qu'il fallait que son ouvrage pût représenter l'art tout entier à celui qui voudrait l'étudier tel qu'il fut chez les Egyptiens, les Etrusques, les Grecs et les Romains, et aux diverses périodes marquées par quelque révolution chez ces derniers peuples. L'histoire des mathématiques, celles de l'astronomie, de la jurisprudence, des belles-lettres, furent traitées dans le
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même esprit. La médecine, presque seule, en est encore à faire celle de ses rois et de ses héros. Le dernier ouvrage historique un peu considérable qui ait été publié n'est qu'une histoire des doctrines, et la rigueur du principe y est même appliquée avec tant de sévérité, que Baillou, Sydenham, Torti, Bonet, Morgagni, Sandifort, etc., sont obligés d'y comparaître à titre de doctrinaires et comme écrivains systématiques. On devine sans peine quels personnages doivent y jouer ces grands hommes, à qui les doctrines et les systèmes dûrent si peu, mais qui ont rendu de si grands services á la médecine.
Celui qui aurait exposé les principes de la doctrine physiologique, de la doctrine médicale italienne, de la doctrine de la polarité et de celle de Hahnemann, seules véritables doctrines qui existent de notre temps, pourrait-il se flatter d'avoir fait l'histoire de la médecine du dix-neuvième siècle? Non certes. Et s'il fallait choisir entre le sacrifice de ces doctrines et celui de toute cette partie des connaissances que notre historien aurait laissée en dehors de son tableau du siècle, il est un grand nombre de médecins dont le choix ne serait pas long-temps incertain. Eh bien ! la plupart des histoires que nous possédons se renferment dans le point de vue retréci que je viens d'indiquer. Si elles prennent quelquefois plus d'extension, si elles empiètent hors du domaine des doctrines et des systèmes, hors des généralités, c'est par exception, et en s'écartant du plan général qui a présidé à leur composition.
Et cependant l'histoire doit être la représentation exacte et complète de la médecine, telle qu'elle exista aux diffé. rentes époques du passé. Quand elle vous a conduit depuis l'origine des choses jusqu'au temps de Celse, elle a dú vous apprendre, autant que le permettent les monumens subsistans, tout ce que Celse savait en médecine, et dans l'ordre suivant lequel se produisit chaque décou
verte. Si vous en poursuivez la lecture jusqu'à Galien, le tableau des sciences médicales et de l'art de guérir tracé du temps de Celse devra se trouver enrichi de tout ce qu'y avaient ajouté les anatomistes, les physiologistes, ceux qui cultivèrent l'hygiène, la pathologie et toutes ses branches, la thérapeutique, la matière médicale, la chirurgie, les accouchemens, etc., etc.; il devra aussi porter la trace des souillures que lui imprimèrent les systématiques de cette époque, les pneumatistes, les éclectiques, les empiriques superstitieux adonnés à la magie et à l'astrologie, etc. En un mot, une époque étant donnée, il faut, après en avoir fait l'histoire générale, après y avoir ajouté de l'histoire littéraire de qui peut entrer dans un ouvrage régulier et qui n'exige pas de sa nature d'être traité séparément, tracer un tableau de tout ce qui constitua la médecine d'alors. Et ce tableau doit être présenté dans un cadre scientifique, dans un ordre systématique des matières, et non pas dans une série de notices sur les médecins, ce qui serait rassembler des matériaux histori ques, mais non écrire une histoire de la science. Il s'entend de soi-même que quand l'histoire d'une époque a été convenablement faite, celle de la suivante ne doit comprendre que le tableau des additions et des modifications qui lui sont dues.
Je ne sais si j'ai bien fait comprendre toute l'étendue de ma pensée. Je la soumets aux réflexions du lecteur, et je la recommande à son attention. Je ne ferai pas difficulté d'avouer que j'y attache quelque importance, parce que l'expérience m'a appris les avantages qu'on peut retirer de l'histoire de la médecine ainsi travaillée, et parce que je ne doute pas qu'on ne doive attribuer à l'absence d'un ouvrage fait tout entier dans cet esprit, le peu térêt qu'a inspiré jusqu'à ce jour l'histoire de la médecine aux hommes qui cherchent dans un livre non les délices
d'in
de l'antiquaire, les plaisirs du roman, ou les agrémens d'une histoire curieuse, mais une instruction médicale solide et profitable (1).
Mais est-il vrai qu'on puisse attendre et qu'on soit en droit d'exiger de l'histoire de la médecine tous les avantages d'une parcille instruction?
Qu'une semblable question soit encore un sujet de controverse, c'est là la preuve la plus forte de l'état peu avancé de l'art historique chez les médecins. Ecartons les préventions que firent naître l'ignorance et la paresse, et qu'ont entretenues les mauvais livres, et cherchons-en la solution avec franchise et ingénuité.
Je commence par déclarer que dans l'état présent des sciences médicales, vu l'immense développement qu'elles ont pris et la difficulté d'en embrasser toute l'étendue, toute étude qui ne serait qu'agréable ou curicuse, mais qui n'aurait pas une utilité directe et positive, ne mériterait pas qu'on s'en occupât, et devrait être rejetée. C'est sur ce principe que nous allons juger l'histoire de la médecine.
La science n'atteignit point dans les siècles qui précédèrent le nôtre, elle n'a point atteint de nos jours le plus haut degré de splendeur qui lui soit réservé. L'esprit humain est perfectible, et nul ne peut prétendre à fixer la limite qu'il ne dépassera jamais. Mais il n'est perfectible que sous.certaines conditions, et dans des directions qu'il est facile de déterminer. Ce n'est point l'esprit en lui-même qui se perfectionne. L'homme n'est aujourd'hui que ce qu'il était il y a trente siècles. Le génie de Byron ne fut
(1) C'est pour remplir la lacune qui vient d'être signalée, que fut entrepris le Dictionnaire historique de la médecine ancienne et moderne, dont l'impression, long-temps suspendue par des circonstances indépendantes de notre volonté, va être reprise pour n'être plus désormais interrompue.
point supérieur à celui d'Homère, et celui d'Hippocrate n'a point été éclipsé par le génie de M. Broussais.
Aussi les productions de l'esprit qu'il tire de lui-même et qui sont l'œuvre spontanée de sa puissance, ne reçoivent-elles de l'écoulement des siècles que quelques ornemens secondaires qui ne les rapprochent pas sensiblement de la perfection; mais, dans tout le reste, les facultés de l'entendement restant les mêmes le domaine de l'esprit s'agrandit incessamment, à moins que de grandes catástrophes ne viennent un jour disperser ou anéantir les trésors qu'il a ramassés. On aperçoit dès-lors la condition fondamentale de ses progrès; il avancera vers la perfection s'il réunit aux connaissances qu'il posséda la veille les découvertes du lendemain. S'il consentait à oublier toujours les premières pour se livrer au culte de celles-ci, il se condamnerait à rouler perpétuellement dans un cercle d'idées toujours nouvelles, mais toujours également étroites; il n'avancerait plus d'un seul pas au-delà du passé. Il faut donc qu'il exerce ses facultés d'observation et d'induction, mais qu'il se garde de renoncer aux priviléges merveilleux de la mémoire. Tout cela est d'une évidence que personne n'oserait contester; or, la connaissance du passé n'est autre chose que l'histoire ; la nécessité de l'histoire dans les sciences d'observation est donc invinciblement démontrée. Ceux qui ont l'air de la dédaigner, parce qu'ils l'ignorent, n'ont donc au fond d'autre opinion que celle-ci : c'est que tout ce qu'elle renferme d'utile se trouve dans des ouvrages qui n'en portent pas le nom, dans les livres dogmatiques. Ils tombent, je le leur déclare, dans l'erreur la plus complète; mais que dis-je, il n'est pas un d'entre eux qui ne perde lui-même sa conviction au premier besoin qu'il éprouve de constater sur un point quelconque le véritable état de la science; pas un qui ayant à traiter le sujet le plus restreint, d'une manière complète
et pour le soumettre au jugement du public, ose le faire uniquement d'après ses propres recherches et en ne s'aidant que du dernier ouvrage publié sur la matière, il voudra s'assurer que deux, trois, quatre ouvrages antérieurs ne contiennent rien de plus. «Mais, lui dirai-je, pourquoi ces quatre et non beaucoup d'autres ? C'est qu'ils sont les plus récens et les meilleurs. Vous convenez donc qu'on a dû prendre la peine de les comparer avec ceux auxquels vous les préférez; et pourquoi ne pas remonter plus haut? Un ouvrage moderne peut être mais n'est pas nécessairement supérieur en tout à ceux qui l'ont précédé. Les anciens ne contiennent rien de bon qui n'ait passé dans les derniers. Vous avez donc étudié l'histoire ? Non; mais c'est ce que tout le monde sait, c'est une opinion qui depuis long-temps n'est plus contestée. Il suffit, je vois ce que vaut la vôtre, et je comprends que la meilleure histoire ait peu d'attraits pour vous. »
Je laisse donc les objections, dans l'embarras où je suis d'en trouver qui aient été faites par des hommes compétens pour juger l'histoire; et je vais indiquer les principaux avantages que je lui trouve, desquels plusieurs lui appartiennent en propre et ne sauraient être puisés ailleurs. Je ne parlerai que de ceux qui se montrent dépendans de l'étude historique en général, mais non de tous ceux qui résultent de chaque branche de l'histoire en particulier, car ce serait m'engager dans des détails qui m'entraîneraient beaucoup trop loin.
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Il convient, avant tout, de faire une distinction entre les parties des sciences médicales à l'étude desquelles l'histoire peut être appliquée comme instrument de recherche. Les unes se composent de faits de détails, et de notions tellement positives, indubitables, que leur ensemble forme un tout approchant de la perfection. Telles sont certaines parties de l'anatomie, dans lesquelles on
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peut voir et reconnaître ce qui a été vu et décrit une fois, sans qu'il soit nécessaire d'apprendre quel fut l'habile prosecteur qui découvrit le premier ce qu'on avait ignoré jusqu'à lui. Ici l'histoire a bien son intérêt, mais elie n'importe que médiocrement aux progrès ultérieurs de la science. Son domaine se compose essentiellement des par ties dans lesquelles il reste encore quelque découverte à faire, quelque obscurité à éclaicir, quelque incertitude à lever, quelque erreur à détruire; de celles, en un mot, qui n'ont pas encore atteint la perfection. Et quelle n'est point, hélas! l'immensité de ce domaine !!! S'il ne s'agit que d'en prendre connaissance, de constater l'état de la médecine et de reconnaître ses desiderata, comme on l'a vu précédemment, l'histoire seule peut nous l'apprendre avec exactitude; mais si l'on a la prétention d'aller plus loin, si l'on veut partir de là pour faire faire un pas de plus à la science, c'est encore de l'histoire qu'il faudra emprunter les premiers secours; elle a plus d'un titre à être invoquée par celui qu'anime une si noble ambition.
Je ne m'arrêterai pas à chercher des argumens pour établir que nulle autre étude n'est plus capable de donner de l'étendue à toutes les facultés de l'entendement. La variété des objets dont elle s'occupe et le point de vue élevé d'où elle doit les considérer le fait assez comprendre.
Un des plus grands obstacles à la recherche libre, impartiale et profitable de la vérité, c'est l'enthousiasme avec lequel on embrasse les idées qui nous sont présentées comme neuves, et dans lesquelles l'inventeur a cru trouver, comme c'est l'ordinaire, le dernier mot de l'esprit humain sur l'objet auquel elles se rapportent. L'histoire nous montre tant d'espérances déçues, tant de pré-tentions gigantesques qui n'aboutirent qu'à des résultats microscopiques, que quicenque la connaît peut se porter à l'examen des nouveautés qu'il découvre ou que d'autres
proclament, avec un esprit de réserve et de scépticisme qui lui laisse toute l'indépendance de son jugement. I n'aura garde de se hâter, dans son empressement, à s'asseoir au rang des législateurs de la science, d'élever une théorie sur un petit nombre de faits qu'un heureux hasard ou son industrie lui auront révélés, instruit qu'il est qu'une telle précipitation fut la cause de la plupart des erreurs qui déshonorèrent tant de fois une science dans laquelle la plus prudente réserve n'est pas moins un devoir d'honnête homme qu'une règle de logique. Et d'ailleurs, pour réprimer la fougue de son imagination, l'histoire pourra lui présenter en opposition avec le petit nombre de faits sur lesquels elle bâtit ses systèmes, une masse imposante de faits contradictoires qui en brisent tout l'échafaudage.
L'histoire enseignera enfin, et ce principe, moi qui n'ai garde de prétendre au titre de philosophe, je le proclame hardiment en face d'une école philosophique qui enseigne quelques grandes vérités parmi beaucoup d'erreurs, l'école saint-simonienne, et en opposition avec une autre qui, depuis dix ans, remplit le monde du bruit de ses hautes prétentions, sans avoir rien enseigné de positif, l'école éclectique, l'histoire enseignera que la médecine n'a qu'une base, l'observation, qu'une voie rationnelle d'être érigée au rang de science, l'induction, qu'une seule méthode, en un mot, par laquelle elle a été constituée ce qu'elle est, et qui suffit et suffira toujours à ses progrès, la méthode expérimentale; elle dira, que jamais une hypothèse ne procura la moindre découverte à la médecine, ne lui fit faire un progrès quelconque ; que cette science ne trouva jamais que dommagé et que ruine dans les systèmes à priori, et que, bien loin qu'il y ait dan's chacun de ces systèmes une parcelle de vérité qu'on doive s'attacher à recueillir pour la combiner éclectique-ment avec les parcelles fournies par tous les autres, on
ne saurait, au contraire, les répudier avec trop de force; on ne saurait secouer avec trop de soin la rouille qu'ils out déposée sur la médecine, et dont elle portera long-temps
les traces.
Se peut-il qu'on soit obligé de rappeler ces grandes vérités? de les soutenir, en France, après le dix-huitième siècle, après les immenses progrès qu'ont faits les sciences physiques et naturelles, et qui sont dus uniquement (il y aurait folie à ne pas le reconnaître) à l'emploi de la méthode expérimentale! Eh bien, oui ; ce qu'il eût été impossible d'imaginer il y a quelques années, s'est réalisé sous nos yeux. La méthode expérimentale a été mise en cause, et l'on s'est vanté de l'avoir convaincue d'incapacité, l'étroitesse de vues, de mesquinerie en tout genre, et même de grossières erreurs.
Les philosophes éclectiques n'ont pas caché leur prédilection pour la méthode à priori; ce n'est que pour ne pas mentir à leur titre qu'ils ont semblé admettre que la méthode qui observe et qui conclut, qui part des faits, et qui induit des principes, puisse être utile à quelque chose. Concession plus apparente que réelle, puisqu'ils n'ont pas fait dif£culté de lui préférer la leur dans une étude où quiconque ne serait pas philosophe, et conserverait sen bon sens d'homme comme tout le monde, dirait qu'il y a de l'extravagance à prétendre en appliquer une autre.
Non-sculement, en effet, ils pensent que l'on peut, par une vue spontanée et comme prophétique de l'esprit, constituer systématiquement une science, sans se donner la peine de recueillir les faits qui composent son domaine, de les rapprocher et d'en déduire des principes, ce qui serait une méthode trop rude et trop laborieuse, mais même ils pensent que ce procédé est le meilleur et presque le seul qu'on puisse appliquer à l'étude de l'histoire (1).
(1) Demandez à un homme ordinaire quelle est la condition né
Faire de l'histoire à priori! Voilà ce qui avait dépassé jusqu'ici et ce qui dépassera long-temps encore la portée d'esprit du commun des homines. Du reste, cette nou
cessaire par dessus toute autre, la condition indispensable pour connaître les systèmes de philosophie, il vous dira que c'est de les étudier. Demandez-lui quel est le moyen sans lequel on ne pourrait savoir qu'en tel pays et en tel siècle, il a existé un, deux ou trois de ces systèmes, il vous dira que ce moyen est de prendre connaissance des monumens de ce pays et de ce siècle, ou des monumens des pays et des siècles les plus rapprochés, qui ont pu les faire connaître. Demandez-lui quelle méthode pourrait conduire à saisir les rapports qui existent entre ces systèmes, il vous dira qu'après les avoir étudiés un à un et en avoir pris une exacte connaissance, il faut les rapprocher les uns des autres, et voir ce qu'ils ont de commun et ce en quoi ils diffèrent. Adressez-lui vingt autres questions du même genre, les hommes comme tout le monde savent à l'avance en quel sens il y répondra. Si vous le taxez d'homme à vue courte et à méthode impraticable, si vous lui déclarez qu'il y a une méthode plus simple et plus sûre de savoir tout cela, que c'est de le deviner au lieu de l'apprendre, l'homme à la méthode expérimentale ne manquera pas son tour de vous déclarer fou; et si vous n'êtes pas philosophe, vous aurez quelque peine à vous en défendre au jugement des auditeurs. Mais si vous êtes un philosophe éclectique, vous ajouterez: « La raison ne consent point à ne savoir ce qui fut que comme ayant été, et ce qui est que comme étant. Elle veut savoir pourquoi ce qui a précédé a précédé, pourquoi ce qui a suivi a suivi. Elle veut savoir tout ce qu'elle sait d'une manière raisonnable, dans un ordre qui soit celui de la raison. Elle veut se rendre compte des faits, les comprendre dans leurs causes, et les rappeller à leurs lois dernières, c'est-à-dire à quelque chose de nécessaire. La méthode expérimentale ne peut vous l'apprendre ; elle est d'ailleurs trop rude et trop laborieuse. Cela étant, n'y a-t-il pas, vous demanderez-vous, pour apprendre l'histoire, une méthode meilleure que celle de l'étudier? Voyons.
>> Qui est en jeu dans l'histoire? Quelle est l'étoffe avec laquelle se fait l'histoire? Quel est le personnage historique? Evidemment c'est l'homme, c'est la nature humaine. Il y a beaucoup d'élémens divers dans l'histoire. Quels peuvent être ces élémens? Evidemment cncore, les élémens de la nature humaine. L'histoire est donc le développement de l'humanité, et de l'humanité scule; car il n'y a que l'humanité qui se développe, parce qu'il n'y a que l'humanité qui
veauté que proclament les éclectiques, c'est dans leur conscience qu'ils l'ont trouvée, et dans la connaissance qu'ils ont des lois ou de la nature nécessaire de toutes choses. Il ne faut point s'étonner qu'elle ait jusqu'ici échappé aux historiens; ils ne s'étaient pas avisé de fouiller
soit libre. Maintenant, quelle est la première difficulté sous laquelle succomberait la méthode expérimentale ? C'est le nombre infini des élémens possibles de l'histoire dans lesquels cette méthode devrait s'engager et se confondre nécessairement. Mais s'il ne peut y avoir dans l'histoire d'autres élémens que ceux de l'humanité, et si nous pouvions d'avance, avant d'entrer dans l'histoire, être en possession de tous les élémens de l'humanité, nous saurions qu'il ne peut y avoir ni plus ni moins que tels élémens. Certes, nous serions déjà fort avancés, car nous aurions entre les mains toutes les pièces de la machine dont nous voulons étudier le jeu. Il y a plus : quand on a tous les élémens, j'entends les élémens essentiels, les rapports de ces élémens se découvrent comme d'eux-mêmes. C'est de la nature des élémens divers que se tirent, sinon tous les rapports possibles, du moins leurs rapports généraux et fondamentaux. Or, qu'est-ce que les rapports généraux et fondamentaux des choses? Ce sont les lois des choses. Ces lois une fois établies, il ne reste plus qu'à les transporter dans l'histoire. Et en effet, à moins que la nature des choses ne s'abdiquât elle-même, en se développant, il faut bien, bon gré malgré, que ces élémens se retrouvent dans l'histoire avec leurs rapports fondamentaux, c'est-à-dire avec leurs lois. » (Cousin, Cours de philosophie, 4. leçon.) Voilà donc l'histoire faite sans aucune étude historique, et il n'y a pas d'autre méthode possible et raisonnable. Par surabondance de précaution, on peut, quand l'histoire de la philosophie est ainsi achevée, se donner la satisfaction de voir qu'on a rencontré juste et qu'on n'a pas imaginé un faux système, en la soumettant à l'épreuve rude et laborieuse de la méthode expérimentale, c'est-à-dire, en l'étudiant comme tout le monde avait jusqu'ici étudié l'histoire. Or, cette épreuve de la méthode vulgaire ne peut manquer de confirmer le résultat de la méthode philosophique. En effet, il implique trop que la raison humaine ait un développement déraisonnable, d'est-à-dire qui ne soit pas régu, lier et soumis à des lois. Bien qu'en réalité, pourrez-vous dire encore, la seule méthode active, la seule méthode dont nous nous servions pour chercher la vérité historique, soit la méthode à priori, pour pouvoir nous dire éclectiques, nous déclarons que nous avons réuni les deux méthodes, hypothétique et expérimentale, et que l'éclec
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dans cette mine, et d'aller chercher là les monumens des siècles écoulés et des doctrines fondées ou détruites.
Les saint-simoniens, au contraire (j'entends parler des philosophes et non de ceux qui ont travesti en un système religieux la philosophie de leur maître) les saints-simoniens prétendent avoir appris dans l'histoire, et par conséquent fondé sur les faits, les principes de la logique qu'ils professent, principes qui peuvent seuls, suivant eux, donner le secret des progrès de l'esprit humain dans toute espèce de science, el tracer pour l'époque actuelle, de même que pour une époque quelconque de l'avenir, la marche qu'il conviendra de suivre selon les temps et les circonstances, pour s'élever à de nouveaux progrès.
Au fond, la logique saint-simonienne se rapproche de l'éclectique par l'importance qu'ils attachent à la méthode à priori : elle ne s'en distingue que par l'usage particulier qu'ils veulent en faire, et qui consiste à faire alterner, selon les siècles, l'usage de la méthode expérimentale et celui de la méthode des hypothèses.
C'est avec un sentiment profond de regret que je sens
tisme nous a donné un système réalisé, l'alliance de l'idéal et du réel, quelque chose enfin de raisonnable.
Si vous proclamez cela d'un ton d'oracle, si votre discours brille à la fois des talens du poète et de l'orateur, l'auditoire, étourdi de toutes ces merveilles, pourra bien vous donner gain de cause ; et si la discussion provoque des éclats de rire, vous pourrez bien avoir, pour quelque temps, les rieurs de votre côté. Mais croyez-moi, dans une lutte entre le bon sens et l'imagination, celle-ci ne saurait avoir long-temps le dessus; et l'on ne peut pas rester long-temps persuadé que, pour connaître la philosophie de Thalès et celle de Pythagore, et leur co-existence la même époque, l'une dans l'AsieMineure, et l'autre dans la Grande-Grèce, la philosophie des sophistes d'Athènes, celles de Socrate, Platon, Aristote, Epicure, Zénon, Chrysippe, Pyrrhon, etc., les caractères propres de chacune d'elles, et leurs rapports de patrie, d'époque, d'analogie, de filiation, etc., que pour avoir sur tout cela des notions claires et positives, la seule bibliothèque dans laquelle on ait à fouiller, soit.... la conscience!!!
la nécessité à laquelle on est réduit de combattre d'aussi étranges systèmes, dans un temps où il y avait lieu d'espérer qu'on n'aurait plus à s'en occuper que pour rappeler l'influence funeste qu'ils exercèrent pendant tant de siècles sur la marche de toutes les sciences. Mais si l'on veut se donner la peine d'examiner le petit nombre d'ouvrages qui ont été publiés, depuis quelques années, sur la partie générale ou philosophique de la médecine, sur la science proprement dite, on n'apercevra que trop l'impression déplorable qu'ont faite sur certains esprits. ces deux écoles philosophiques, et le caractère hypothétique et dangereux qu'elles ont imprimé aux productions dont nous parlons. Ce n'est donc point un soin superflu, c'est une nécessité de les combattre. Je vais le faire aussi brièvement qu'il me sera possible. On verra qu'un coupd'œil rapide sur l'histoire de la médecine suffit pour ruiner les fondemens de leurs doctrines, et qu'il n'est pas une scule époque dans le passé dont l'exemple ne crie à l'avenir: «Gardez-vous des systèmes à priori! par quelques « correctifs que les éclectiques prétendent mitiger les dangers de cette méthode, dans quelques combinaisons que veuillent la faire entrer les saints-simoniens, « elle débutera, comme elle fit toujours, par des hypothèses plus ou moins séduisantes, et elle conduira, « comme elle conduisit, à des résultats purement gratuits « et sans valeur, quand ils ne seront pas extravagans. »
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Est-il vrai que depuis son origine jusqu'à nous, la médecine se soit toujours avancée d'un pas régulier et néces saire vers la perfection? Est-il vrai qu'elle n'ait jamais fait un pas rétrograde, sous l'influence de quelque condition intérieure, ou des circonstances du dehors? Est-il vrai que ce progrès fatal et régulier ait été dû à l'emploi alternatif de la méthode expérimentale et de la méthode à priori, prises chacune exclusivement dans l'époque qui
lui fut propre (1)? Est-il vrai que tous les systèmes qui ont existé reposaient sur quelques principes d'une vérité incontestable, et qui ne devinrent faux que par l'extension exagérée qu'on leur donna (2)? Est-il vrai qu'on puisse extraire de chacun d'eux cette quintessence précieuse, la combiner avec celle des autres, et établir dans ce mélange ce que les éclectiques appellent l'harmonie des contraires? (3) Est-il vrai que chaque système, ayant succédé à un système que la critique avait renversé parce qu'il n'était plus en rapport avec les faits qu'il devait embrasser,
(1) On a disputé sur la préférence à accorder à la méthode à priori ou à la méthode expérimentale, «< idée aussi extravagante, dit Saint-Simon, que celle d'examiner ce qui vaut le mieux pour l'action d'une pompe de hausser ou de baisser le piston, question à laquelle on répond: quand le piston se trouve dans la partie supérieure du corps de pompe, il faut le baisser; quand il est dans la partie inférieure il faut l'élever; c'est son mouvement alternatif de haut en bas et de bas en haut qui entretient l'action de la pompe : l'école (expérimentale) ne s'est pas aperçue qu'elle devait généraliser et particulariser alternativement, qu'elle devait s'attacher alternativement aux considérations à priori et à celles à posteriori; mais elle a décrété que les savans devaient suivre la route que Locke et Newton avaient prise; elle a posé un principe de circonstance en croyant poser un principe général. » (Saint-Simon.)
(2) On n'a dans l'histoire à proscrire aucun des grands systèmes qui la partagent, et qui, quelque exclusifs et défectueux qu'ils soient, sont nécessairement empruntés à quelque élément réel, car il n'y a pas de système absolument chimérique. (Cousin.)
(3) Tout est vrai pris en soi; mais ce qui pris en soi-même est vrai peut devenir faux si on le prend exclusivement. (Cousin.)
L'éclectisme est une philosophie essentiellement optimiste, dont le seul but est de tout comprendre, et qui par conséquent accepte tout et concilie tout. Elle ne cherche sa force que dans l'étendue; son unité n'est qu'une harmonie, l'harmonie de tous les contraires. Ainsi, pour la méthode, elle retient sans doute le goût des recherches à posteriori, l'observation et l'induction, enfin l'analyse ; mais elle donne à l'analyse pour support une synthèse primitive, qui, devenant la base de l'analyse, lui fournit une matière sur laquelle elle peut s'exercer. (Cousin.)
parce qu'il était trop étroit, dût être nécessairement plus large et par conséquent meilleur ? Est-il vrai enfin que, si un système général, admis de tout le monde, et en qui 'tout le monde ait foi, n'imprime une direction déterminée, n'impose des procédés formels aux recherches de tous les médecins, les travaux isolés soient en pure perte, et sans profit pour la science? Si l'histoire de la médecine, si les faits répondent négativement à toutes ces questions, les doctrines éclectique et saint-simonienne seront renversées de fond en comble, au moins en médecine, et nul méde cin n'en pourra plus désormais accepter les principes, à moins d'abjurer l'usage de sa raison, pour croire les philosophes sur parole. Voyons donc ce que dit l'histoire de tous les siècles, examinons et discutons les faits.
(C'est ce que nous ferons dans un second article).
Du choléra enté sur la gastrite et la gastro-entérite; observations recueillies par A. DUPLAY, à l'hôpital de la Charité, dans le service de M. RAYER.
Lorsque le choléra survient pendant le cours d'une autre maladie, il intervertit ordinairement la marche de l'affection première, tantôt il en précipite la terminaison d'une manière fatale, tantôt, au contraire, il semble en favoriser la guérison par la perturbation violente qu'il détermine dans toute l'économic. C'est ainsi que nous l'avons vu agir de différentes manières chez des individus affectés de tubercules pulmonaires, de pneumonies, de scarlatine et de fièvres intermittentes. Dans ces derniers temps, des malades affectés de gastrites chroniques et de gastro-entérite ont été pris de choléra dans nos salles, pendant qu'ils étaient soumis au traitement de ces premières affections; il n'est pas sans intérêt d'examiner d'une
part l'influence qui a été exercée par le choléra sur la marche de ces maladies, et de l'autre l'influence qu'a pu avoir sur elles le traitement mis en usage pour opérer la réaction.
Lorsque dans une maladie inflammatoire il survient un surcroît d'acuité sous l'influence d'une causé quelconque, on voit les symptômes propres à cette inflammation s'exagérer, revêtir une forme plus grave, mais sous laquelle on peut encore reconnaître la maladie primitive. Qu'une gastrite aiguë, qu'une gastro-entérite viennent tout-à-coup à prendre plus d'acuité; un appareil fébrile plus intense avec accélération du pouls, une rougeur, une sécheresse plus considérables de la langue, une exaspération des symptômes locaux annoncent le surcroît d'intensité de la maladie. Or, l'on devrait retrouver cette augmentation des symptômes inflammatoires dans les cas où le choléra survient pendant le cours de la gastrite ou de la gastro-entérite, si le choléra n'était, comme on l'a dit, qu'une gastro-entérite très-intense. Les faits suivans prouvent qu'il n'en a pas été ainsi.
Obs. I.re Gastro-entérite aiguë. Application de sangsues. Cholera. Changement subit dans la maladie. Traitement par les toniques. Guérison. La nommée Manseau, tailleuse, âgée de 19 ans, demeurant rue Mazarine, n° 56, éprouvait depuis trois semaines des douleurs dans l'abdomen, une diarrhée très-abondante, des vomissemens, et une fièvre qui revenait chaque jour. La malade prend pendant tout ce temps des lavemens émolliens et des boissons gommées; mais son état ne s'améliorant pas, elle entre à l'hôpital de la Charité le 28 juin, et elle est placée au no 9 de la salle Sainte-Marthe. Elle présente alors les symptômes suivans :
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Facies un peu coloré; voix naturelle; langue humide et légèrement rouge à sa pointe; nausées; un vomisse
Pangwall:
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ment depuis la veille; épigastre douloureux à la pression; abdomen sensible; plusieurs selles en diarrhée jaunâtre ; pouls fréquent; chaleur vive à la peau; la sécrétion de l'urine s'opère très-bien. (40 sangsues sur l'abdomen, gomme édulcorée, quart de lavement avec laudanum gouttes xviij, cataplasme émollient).
Le 29, la face est froide et violacée; les yeux sont cernés et caves; la voix est fortement enrouée; la langue est bleuâtre, un peu au-dessous de la température ordinaire; nausées continuelles, vomissemens. Le pouls est très-petit, on le sent très-difficilement aux radiales; selles abondantes, séreuses, contenant en suspension une grande quantité de flocons blanchâtres; urines presque nulles ; erampes passagères, refroidissement, teinte violacée des mains et des pieds, avec conservation du pli cholérique à la peau quand on la pince entre les doigts. (Malaga, onces viij, eau vineuse glacée, sinapismes aux pieds et aux mains, quart de lavement de ratanhia avec laudanum gouttes xviij).
Le 30, froid général, avec teinte violacée de la face et des extrémités; langue au-dessous de la température ordinaire; vomissemens. Les selles ont été moins abondantes pendant la nuit; suppression complète des urines; voix encere faible et enrouée; plaintes, agitation, grand malaise; le pouls semble plus fort que la veille, c'est là le seul symptôme de réaction qui existe. (Malaga onces viij; eau vineuse; sinapismes aux pieds et aux mains; quart de lavement de ratanhia).
1er juillet, il y a un peu de réaction; la langue a repris sa température ordinaire; la face n'est plus froide, elle n'est plus violacée; les mains, encore au-dessous de la température du reste du corps, ont perdu aussi leur teinte violette; le pouls est plus fort que la veille; il y a encore plusieurs vomissemens et des nausées; les selles se sont
supprimées complètement, et la sécrétion de l'urine ne s'est pas encore rétablie ; il y a toujours beaucoup de malaise; la malade paraît très-abattue. (Même prescription la veille).
que
Le 2 juillet, la réaction est plus franche. Le 3 juillet, elle semble s'arrêter; les mains sont fraîches; la face est un peu au-dessous de la température naturelle. Le 4, les yeux sont un peu injectés ; il y a un peu d'assoupissement, des nausées, quelques vomissemens; la langue est un peu collante; le pouls est fort; la sécrétion de l'urine s'est rétablie depuis la veille. On cesse l'emploi du vin de Ma-laga et on continue l'eau vineuse glacée.
Les jours suivans, l'injection des yeux disparaît, l'état de la malade s'améliore de plus en plus; enfin elle sort guérie le 2 août.
Avant de nous livrer aux réflexions qui découlent de ce fait, et afin que l'on ne prenne pas pour le début du choléra l'état dans lequel se trouvait cette malade lors de son entrée à l'hôpital, il est bon de rappeler les symptômes commémoratifs et la date de l'invasion de la maladie. Il y avait trois semaines qu'elle avait commencé ; depuis trois semaines notre malade avait des vomissemens et une diarrhée bilieuse assez abondante avec un état fébrile continu. Lors de son arrivée à l'hôpital, la force, la fréquence du pouls, l'augmentation de la température annonçaient un état inflammatoire, que la rougeur et la sécheresse de la langue, les nausées, les vomissemens, les selles bilicuses et la sensibilité de l'abdomen faisaient rapporter au canal intestinal. Pourrait-on voir dans cet état, qui durait depuis trois semaines, le début du choléra? Mais pour celui qui le verrait ainsi, il n'y aurait plus de motif de s'arrêter; autant vaudrait alors, dans les cas où le choléra est survenu chez des individus affectés depuis plusieurs années de gastrites chroniques, faire remonter à plusieurs années
l'invasion du choléra. Cette femme, pour nous, ne présentait, à son arrivée dans nos salles, aucun symptôme cholérique; elle portait une gastro-entérite aiguë dont les antiphlogistiques auraient certainement triomphé, si une maladie toute différente n'était venue se jeler pour ainsi dire à la traverse.
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Mais par quel groupe de symptômes l'apparition du choléra s'est-elle annoncée chez notre malade? Certes, ce n'est pas par une augmentation des symptômes inflammatoires; l'appareil fébrile a disparu presque subitement; un refroidissement général a remplacé la chaleur que l'on observait la veille; à la force et à la fréquence que le pouls présentait ont succédé sa petitese et son absence presque complète. Cette rougeur de la langue qui se remarquait la veille a disparu et se trouve remplacée par une teinte. violette accompagnée d'abaissement dans sa température. Les vomissemens seuls et les selles ont augmenté, mais pour changer de nature et pour prendre un caractère propre au choléra. Dira-t-on que la gastro-entérite de cette malade a été exagérée ? qu'elle a été remplacée par une gastro-entérite plus intense? Mais que l'on irrite, par les excitans les plus actifs, le canal intestinal d'un individu affecté d'une gastro-entérite, que l'on porte l'excitation jusqu'à rendre cette maladie mortelle, on parviendra à produire graduellement des symptômes d'agonie que l'on pourra rapprocher de ceux du choléra en forçant l'analogie; tandis que jamais l'ou ne produira l'appareil des symptômes cholériques si formidables en quelques heures, et que jamais, surtout, l'on ne donnera lieu à la production de la matière cholérique.
Mais, admettons pour un moment que le choléra soit une gastro-entérite parvenue à son apogée; ne voyons dans son apparition chez notre malade qu'une seconde phlegmasie qui s'est entée sur la première, ou bien une
exacerbation, une extension de la même maladie comment se fait-il que cette seconde irruption inflammatoire soit survenue justement à l'époque où l'on avait fait ce qu'il fallait pour arrêter et combattre la phlegmasie? Depuis trois semaines qu'elle était en butte à une inflammation des voies digestives, la malade n'avait usé que de la diète et des boissons adoucissantes. L'on pratique une évacuation sanguine par une application de quarante sangsues, et sous l'influence de ce traitement antiphlogistique, la phlegmasie redouble d'intensité. Certes, une telle recrudescence eut été moins surprenante lorsque l'inflammation n'était traitée que par les boissons et la diète, et elle s'explique mal quand on la voit survenir après une évacuation sanguine. Aussi l'observation de ce fait et de plusieurs autres du même genre est-elle venue corroborer en nous une incrédulité déjà fort grande sur la nature phlegmasique du choléra-morbus.
Si, d'un autre côté, l'on rapproche de cette impuissance des antiphlogistiques pour arrêter le choléra ou cette prétendue inflammation du tube digestif, le mode de traitement que nous avons employé pour le combattre, peut-être trouvera-t-on dans ce dernier rapprochement un nouveau sujet de doute sur la nature phlegmasique du choléra. Comment admettre que le canal intestinal étant enflammé dans toute son étendue au point de produire l'altération profonde des traits, le refroidissement des extrémités, l'absence presque complète du pouls avec vomissemens et selles presque continuels, on puisse employer impunément à l'intérieur les excitans les plus actifs ? Comment un traitement aussi énergique n'a-t-il pas hâté la mort de cette femme en augmentant la violence de la phlegmasie? Pourquoi ces accidens de refroidissement, d'anxiété, d'arrêt de la circulation donnés par les nosologistes comme des symptômes d'agonie dans les phlegmasies abdomina
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les, n'ont-ils pas été exagérés par l'administration intérieure des excitans? Pourquoi, au contraire, sous l'in'fluence de ces moyens, le facies s'est-il amélioré, la peau a-t-elle recouvré sa chaleur normale et le pouls sa force? Pourquoi les accidens de l'estomac ont-ils fini par disparaître complètement ? Nous le demandons, est-ce là ce que l'on voit ordinairement dans les phlegmasies intestinales, et n'est-on pas en droit de penser qu'une maladie d'une nature différente est venue se substituer à l'inflammation des voies digestives; modifier la sensibilité de la muqueuse au point de rendre innocent le contact des excitans les plus énergiques?
Dans le fait suivant, on voit se reproduire d'une manière peut-être encore plus remarquable ce changement qui s'opère dans la sensibilité de la muqueuse gastrique, lorsque le choléra se manifeste chez des individus affectés de phlegmasies des voies digestives.
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Obs. II. Gastrite chronique. Saignées locales. Choléra. Traitement par les toniques. Disparition du choléra. — La nommée Couvelard, couturière âgée de 20 ans, entre à l'hôpital de la Charité le 9 juillet 1832; elle est couchée au n.o 8 de la salle Sainte-Marthe. Cette femme était malade depuis un an à peu près; elle avait fait un traitement anti-syphilitique quelques mois avant pour des ulcérations qu'elle portait dans les fosses nasales et le pharynx. Depuis trois mois, elle avait perdu l'appétit, elle avait maigri considérablement, elle vomissait tout ce qu'elle prenait ; à peine pouvait - elle supporter quelques cuillerées de bouillon. Lorsqu'elle entra à l'hôpital elle était dans l'état suivant :
9 juillet extrême amaigrissement; langue rouge, sè che, luisante comme vernissée; haleine fétide; nausées, vomissemens très-fréquens; épigastre sensible à la pression; pas de diarrhée dans le moment, quoique la malade
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y soit très-sujette : la poitrine résonne bieu; la malade dit n'avoir jamais rien éprouvé de ce côté; pouls petit, fréquent; chaleur à la peau; redoublement fébrile chaque soir.
On donne de l'eau gommée, on fait une application de quinze sangsues à l'épigastre, que l'on couvre de cata plasmes, et l'on donne des lavemens émolliens.
L'état de la malade reste le même et ne présente aucun changement jusqu'au 15 juillet.
A cette époque les vomissemens augmentent tout-àcoup; il survient une diarrhée abondante de matières floconneuses blanchâtres; le pouls est excessivement petit; la langue devient violacée et froide; la face, les extrémités se refroidissent aussi, et des crampes se manifestent dans lės jambes; les urines se suppriment complètement; la voix s'affaiblit; on n'hésite pas à changer complètement le
traitement.
On applique des sinapismès aux extrémités inférieures et supérieures; on donne pour boisson de l'eau vineuse glacée, et d'heure en heure une cuillerée de vin de Malaga; on prescrit deux lavemens de ratanhia avec laudanum, gouttes xviij.
Le 16 juillet, la face est froide, les yeux sont caves; langue au-dessous de sa température ordinaire; voix faible; vomissemens; quelques selles en diarrrhée; extrémités froides; pouls presque imperceptible; pas d'urine depuis la veille. (Synapismes; Malaga 3vi; eau vineuse; 2 quarts de lavemens).
Le 17, la malade est dans le même état. Le 18, il y a un peu d'augmentation du pouls; la face n'est pas aussi froide; les extrémités sont également moins froides que la veille; moins de vomissemens; diarrhée encore abondante; pas d'urine. (Malaga 3 iv; eau vineuse; 2 quarts de lavement).
Le 18, face un peu colorée, chaude; chaleur à la peau,
excepté aux mains; pouls assez fort; vomissemens bilieux; encore quelques selles en diarrhée; urines peu abondantes. (Eau vineuse glacée, 2 quarts de lavement).
A dater de ce moment, les accidens cholériques se dissipent, la malade vomit pendant deux jours des matières bilieuses. Au bout de ce temps, les vomissemens cessent; ils ne reparaissent que huit jours après, et à des intervalles éloignés; enfin la malade rentre dans les mêmes conditions que lorsqu'elle a été saisie par le choléra.
Pendant plus d'un mois elle reste dans cet état, vomissant de temps à autre, mais pouvant supporter cependant des potages soir et matin. Enfin dans les derniers jours de septembre, sans cause connue, il survient de la fièvre, la malade tousse un peu, et en quelques jours elle succombe à une pneumonie sans crachats caractéristiques. Son autopsie nous révèle les altérations sui
vantes :
Le cerveau, les meninges n'offrent rien de remarquable. La cavité droite de la poitrine renferme environ deux verres de sérosité trouble; le poumon correspondant est couvert d'une couche de fausses membranes trèsminces. La partie supérieure du poumon est saine; son tissu est perméable à l'air, mais vers sa partie moyenne il existe çà et là quelques petites masses tuberculeuses du volume d'une noisette, encore à l'état de crudité. Vers la partie postérieure du lobe moyen il existe plusieurs points d'hépatisation, et vers sa partie moyenne se trouve une cavité capable de loger une noix ordinaire, remplie d'un liquide sanieux et d'une odeur fétide, dont les parois molles et filamenteuses semblent fermées par le détritus du tissu pulmonaire. Cette cavité ressemble beaucoup plus à celles qui sont produites par une gangrène du poumon qu'à celles que l'on voit succéder au ramollisse
ment d'une masse tuberculeuse; du reste, le tissa pulmonaire environnant, le tissu de tout le lobe inférieur, sont hépatisés en rouge dans certains points, et en gris dans certains autres. Le côté gauche de la poitrine ne présente pas d'épanchement; le sommet du poumon du même côté présente aussi quelques masses tuberculeuses isolées et non ramollies. Le cœur est sain. L'estomac est d'un volume ordinaire; la face interne est pâle dans toute son étendue; la muqueuse a subi un léger épaississement, mais elle conserve toute sa consistance; elle est remarquable par l'aspect mamelonné qu'elle présente. Le duodénum est sain; l'intestin grêle, pâle dans toute son étendue, présente vers sa partie inférieure et près de la valvule ileo-cœcale, quelques follicules isolés plus développés qu'ils ne le sont ordinairement. Les plaques de Peyer sont pâles et dans leur état naturel. Il existe une seule ulcération d'une ligne et demie de largeur près de la terminaison de l'intestin grêle. Le gros intestin, renfermant une grande quantité de matières moulées, est remarquable aussi par un développement assez considérable de ses folli cules. Le foie présente vers sa partie supérieure deux dépressions linéaires auxquelles le péritoine, comme plissé, adhère très-intimement. Ces espèces de sillons, formés par une substance ferme et comme fibreuse, se continuent dans la substance de l'organe avec une masse d'un tissu jaunâtre, friable, analogue au tissu tuberculeux, et environnée d'une espèce de kyste à parois lisses. La même altération existe dans un autre point du tissu du foie. La vésicule, la bile ne présentent rien de remarquable. Les autres organes de l'abdomen sont à l'état normal.-Nous n'avons pas besoin d'observer que la mort de la malade est entièrement étrangère aux accidens cholériques, et que, par conséquent, les particularités qui ont accompagné l'apparition du choléra et son traitement n'en restent pas moins remarquables.
En effet, dans cette seconde observation nous voyons encore l'emploi des excitans produire la cessation des accidens cholériques sans augmenter la gastrite chronique dont la malade était primitivement affectée. Une chose singulière, c'est la facilité avec laquelle la malade, qui ne supportait pas les boissons ordinaires avant l'invasion d' choléra, put supporter pendant quelque temps, sans vomir, l'usage du vin de Malaga et de l'eau vineuse. La susceptibilité de l'estomac semblait avoir été suspendue pendant un certain temps à la suite du choléra.
Le fait suivant présente une rapidité excessive dans la marche de la maladie. Les antiphlogistiques employés pour combattre l'affection gastro-intestinale que la malade portait lors de son entrée à l'hôpital, furent encore inutiles pour prévenir le développement du choléra. Les toniques échouèrent et furent insuffisans pour exciter la réaction.
Obs. III-Gastro-entérite. Application de sangsues. Invasion du choléra. Traitement par les toniques. Mort
Françoise-Marie Norat, journalière, âgée de 57 ans,. demeurant rue Taranne n° 8, entre à l'hôpital de la Charité le 18 juin, et est placée au no 6 (bis) de la salle SaintMarthe. Cette femme, d'une bonne santé habituellement, était malade depuis quatre jours. Elle avait des nausées fréquentes, des coliques, une diarrhée assez abondante, ét une fièvre très-forte : elle s'était pendant tout ce temps, contentée de prendre des boissons adoucissantes.
Le 18, la face était colorée, la voix naturelle, la langue était rouge et tendait à se sécher; la soif était vive; il y avait des nausées mais pas de vomissemens. L'épigastre était sensible à la pression ainsi que l'abdomen; il y avait eu dans la journée quatre selles en diarrhée; les matières rendues étaient d'un jaune verdâtre, et la sécrétion de l'urine se faisait comme à l'ordinaire; le pouls était fort
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et fréquent; il y avait beaucoup de chaleur à la peau. (Gomme citronnée; 2 cataplasmes sur l'épigastre; un quart de lavement d'amidon et pavot; diète).
Le 19, l'état est le même; la voix naturelle; la langue est toujours rouge et collante. Nausées, chaleur à la peau, fièvre intense; diarrhée de même nature que la veille. (25 sangsues à l'épigastre, cataplasme sur l'abdomen, bain de siége, un quart de lavement d'amidon et de pavot).
Le 20, la maladie a complètement changé de face: immobilité complète des traits, yeux injectés et dans la rotatiou en haut ; assoupissement; réponses très-difficiles, tardives; voix essentiellement cholérique; langue froide; crampes passagères; il y a eu plusieurs vomissemens pendant la nuit et plusieurs selles excessivement liquides; les pommettes sont froides et violacées ainsi que les extrémités; la peau conserve le pli cholérique; quant au pouls il est nul aux radiales et à peine sensible aux autres artères. (Malaga viij; eau vineuse glacée; sinapismes; compresses d'ammoniaque sur le sternum; un quart de lavement de ratanhia avec éther gouttes xviij).
La maladie s'aggrave de plus en plus et la mort survient pendant la journée.
Autopsie 30 heures après la mort. L'extérieur du corps ne présente rien de remarquable. Les sinus de la dure mère contiennent une grande quantité de sang; l'arachnoïde présente sur les côtés et à la base des hémisphères cérébraux des ecchymoses très-étendues; la substance blanche et la substance grise conservent leur coloration et leur consistance naturelles.
Les poumons de chaque côté sont bien crépitans en devant; en arrière ils présentent un engouement léger; les veines pulmonaires versent un sang noirâtre très-abondant quand on incise le tissu du poumon; la portion de plèvre qui revêt le poumon, celle qui revêt les côtes, sont
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parsemées d'une foule de petites ecchymoses; le cœur, rempli de sang et conservant toute sa fermeté, est parsemé, à son extérieur, d'une multitude de petites pétéchies; la trachée artère, les bronches sont violacées.
L'estomac, sain dans presque toute son étendue, présente une injection rouge assez forte au niveau de son grand cul-de-sac; la muqueuse n'a du reste rien perdu de sa consistance. Le duodénum et l'intestin grêle dans sa première portion offrent çà et là quelques petites plaques d'un rouge brun très-foncé entièrement analogue à celles que l'on remarquait sur la plèvre et sur l'arachnoïde; dans sa dernière portion, il existait une teinte d'un rouge foncé uniformément répandue dans l'étendue de trois pieds environ; des follicules saillans et de la même teinte que la muqueuse, existaient aussi dans la même étendue; les plaques de Peyer n'étaient pas plus saillantes qu'à l'ordi
naire.
Le gros intestin jusqu'au rectum présentait aussi de vastes ecchymoses d'une teinte brune très-foncé; le foie, la rate et les autres organes de l'abdomen ne présentent rien qui mérite d'être mentionné.
Il existe beaucoup d'analogie entre cette observation et la première. Cette dernière malade portait comme la première une inflammation gastro-intestinale, lorsqu'elle entra à l'hôpital de la Charité. Les symptômes qu'elle présentait le prouvent d'une manière incontestable, et certes ce n'était pas le début du choléra, quoique l'affection remontât beaucoup moins loin que dans la première observation. Il est à remarquer que c'est encore après l'application des sangsues à l'épigastre, que les symptômes du choléra se sont montrés; dans l'espace de quelques heures, l'affection a complètement changé de face comme nous l'avons déjà fait remarquer pour la première observation.
Quant à l'insuffisance des moyens excitans mis en usage
pour opérer la réaction, nous ferons observer que la malade était âgée de 57 ans, et qu'à cet âge, quelle que soit la méthode que l'on emploie, il est bien rare d'arracher les malades aux dangers de la période algide.
Quelles conclusions peut-on tirer de ces faits et de faits analogues observés dans nos salles? C'est que, lorsque le choléra vient s'enter sur des inflammations du tube digestif, les symptômes d'inflammation, loin d'être accrus, cessent tout à coup; à l'état inflammatoire général que l'on observait, succède un état complet d'apyrexic. De plus l'irruption du choléra semble modifier l'état de l'estomac, à tel point que des individus qui ne pourraient pas supporter les boissons ordinaires, supportent les excitans les plus forts. Chez quelques-uns d'entre eux, cette sensibilité de l'estomac qui semblait avoir été détruite pendant l'invasion du choléra, reparaît lorsque les symptômes cholériques sont passés, mais sans avoir été exaltés par l'emploi des toniques et des excitans. Nous ajouterons enfin que ces faits nous semblent bien propre à faire réfléchir sur la nature du choléra-morbus; et à faire rejeter l'idée d'une gastro-entérite.
Mémoire sur l'emploi du sous-carbonate de fer dans le traitement des douleurs d'estomac chez les femmes; par MM. BONNET, interne à l'Hôtel-Dieu; et TROUSSEAU, agrégé de la Faculté de Médecine, médecin du Bureau central, etc., etc. (II. article.)
me
De l'emploi thérapeutique du sous-carbonate de fer.Toutes les fois que l'on est conduit par l'expérience ou par les inductions analogiques à tenter l'emploi d'une médication dans une maladie difficile à guérir, les résultats sont toujours mélangés d'un certain nombre d'insuccès,
et parmi les malades qui guérissent, les uns reviennent à la santé rapidement et sans douleur; les autres ne recouvrent l'exercice régulier de leurs fonctions qu'après beau coup de peines et de souffrances. Que doit faire le médecin au milieu de résultats si divers? Rechercher d'abord les conditions de tempérament, de maladie, qui disposent aux guérisons et celles qui doivent faire craindre des insuccès. Mais se bornera-t-il à cette contemplation stérile, et sera-t-il satisfait lorsqu'il pourra prévoir les effets avantageux ou nuisibles de sa première médication? Non sans doute; il cherchera dans le rapprochement des faits, des idées qui le conduisent à des résultats plus heureux ; il grouppera les cas de réussite, et de leur comparaison il se forinera un type de l'ensemble des conditions qui prédisposent aux succès. Ce type une fois admis, il appréciera en quoi s'en éloignent les malades qu'il n'a pu guérir, et dès-lors il saura quelles préparations il doit leur faire subir; car toutes ces préparations devant avoir pour but de ramener les malades au type idéal que l'observation lui a fait connaître, s'il a reconnu que la constitution qui prédispose au succès est celle où l'on ne trouve prédominance d'aucun tempérament, il pratiquera des saignées si le sujet est sanguin; il emploiera les calmans s'il est nerveux, etc., etc.; et lorsqu'il aura, s'il est possible, uniformisé ses malades par des moyens aussi divers que le sont les modes suivant lesquels ils s'éloignent du type, il commencera sa médication générale, et peut-être la poursuivra-t-il avec autant de succès que s'il avait rencontré de prime- abord les conditions les plus favorables.
La marche que nous venons de décrire, nous l'avons suivie dans notre travail; aussi commencerons-nous par l'histoire des gastralgies que le sous-carbonate de fer a guéries promptement et sans augmentation de douleur ; ces histoires nous serviront à trouver l'ensemble des
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conditions qui prédisposent aux succès; et lorsque nous aurons trouvé la réunion des caractères qui peuvent faire prévoir ce résultat, nous rechercherons en quoi différaient de nos premiers malades ceux qui n'ont pu guérir qu'après avoir éprouvé de vives douleurs dans les premiers jours du traitement, et ceux dont l'état ne fut nullement amélioré sous l'influence des préparations ferrugineuses; en traitant de ces derniers nous indiquerons les essais que nous avons tentés pour les guérir par des médications diverses.
Des gastralgies guéries sans coliques au début du traitement. — A ce premier ordre de gastralgies se rapporte le plus grand nombre de nos observations; il serait long et fastidieux de les rapporter toutes avec détail : nous ne ferons qu'indiquer celles qui paraissent offrir le plus d'intérêt et qui peuvent le mieux servir à faire connaître les
autres.
I. Obs. La plus jeune des femmes (1) dont nous ayons à rapporter l'histoire était âgée de 21 ans. Jusqu'à l'âge de 16 ans elle avait joui d'une santé parfaite. A cette époque apparut la première éruption menstruelle, les règles s'établirent difficilement, sans entraîner pourtant aucun accident grave. A 18 ans elle était assez bien réglée. A 20 ans, elle vint à Paris, où elle vécut désormais. Depuis son arrivée dans la capitale, elle a vu le flux menstruel s'arrêter plusieurs fois et sans cause appréciable pendant deux, trois et jusqu'à huit mois. Elle éprouvait alors des maux de tête assez fréquens, et à cela près, elle se portait bien. Jamais elle n'éprouvait de douleurs utérines; elle n'avait pas de flueurs blanches, et son teint était resté invariablement bon. La poitrine ne décelait aucune lésion,
(1) Exceptez toutefois deux demoiselles de 18 ans, dont l'histoire a été égarée.
jamais d'hémoptysie, non plus d'hématémèse, d'hémorrhoïdes, etc.
Au commencement de l'année 1829, elle commença à ressentir des douleurs qu'elle rapportait à l'estomac. Ces douleurs, qu'elle comparait à des pesanteurs ou à des pincemens, se montraient principalement une heure ou deux après le repas, et surtout si elle avait mangé de la viande. Ce n'était dans le principe qu'une indisposition légère, qui ne se reproduisait qu'à des intervalles assez éloignés; mais bientôt le mal s'aggrava, et il se passa peu de jours sans qu'elle en ressentit quelques atteintes. La souffrance allait aussi en croissant, et elle arriva enfin à un tel degré de violence que la malade pria ses maîtres de demander pour elle les conseils du médecin de la maison. Celui-ci crut devoir interdire le vin, le café, dont la malade faisait d'ailleurs un usage fort modéré; il insista aussi sur un régime, et prescrivit les viandes, les fruits et les légumes; il avait fait aussi appliquer avant tout des sangsues en petit nombre au creux de l'estomac; elle dut boire de la tisane d'orge, du lait, de l'eau de gomme.
Ce régime la soulagea pendant quelque temps; les douleurs devinrent évidemment beaucoup moindres : mais un mois s'était à peine écoulé que les douleurs revinrent avec autant de violence qu'auparavant, bien que la malade eût suivi scrupuleusement la ligne que le médecin lui avait tracée. D'elle-même elle diminua encore la quantité d'alimens, et de jour en jour elle s'imposait une diète plus sévère, s'apercevant qu'elle souffrait toujours d'autant plus qu'elle mangeait davantage : enfin elle en arriva au point de ne prendre que juste ce qu'il fallait pour ne pas mourir de faim, et par une fatalité cruelle, elle ressentait, pour digérer une seule cuillerée de riz au lait, autant de douleurs que naguère après un repas copieux.
On la jugea atteinte d'une gastrite chronique; et déjà
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le médecin, plus épouvanté, avait prononcé devant les maîtres de la malade le mot de cancer du pylore.
La malade avait singulièrement maigri; toutefois elle conservait encore de la vivacité, de la gaîté, et continuait à servir ses maîtres avec un zèle et une affection bien rares.
C'est à cette période de la maladie que nous fûmes appelés à lui donner des soins, et nous la trouvâmes dans l'état que nous venons de décrire. Afin de mieux diriger son régime, nous lui demandâmes quels étaient les alimens qu'elle digérait le plus facilement; elle nous répondit qu'elle souffrait beaucoup moins lorsqu'elle mangeait des fruits cuits ou des pruneaux, mais qu'elle y avait renoncé d'après les ordres formels et réitérés de son médecin. Nous l'engageâmes alors à renoncer au lait qu'elle ne pouvait digérer, et à se nourrir jusqu'à nouvel ordre de compotes de pruneaux et de poires; en même temps nous prescrivîmes les pilules suivantes : 2 sous carbonate de fer, extrait de chicorée, parties égales. Faites des pilules de six grains.
La malade en dut prendre d'abord une matin et soir; puis, après quelques jours, deux, puis trois, quatre, cinq, et jusqu'à dix; Celles du matin se prenaient à jeun, celles du soir au moment de se mettre au lit. Elle devait régler la dose d'après les données suivantes.
Si le médicament causait des douleurs plus vives, un sentiment de pesanteur plus considérable, ou de la diarrhée, on en diminuerait la dose jusqu'à ce que ces accidens nouveaux disparussent; et on l'augmentait au contraire à mesure que les douleurs d'estomac devenaient moins vives, et dans le cas même où elles n'avaient été modifiées en rien.
•
Vers le huitième jour du traitement, la malade prenait quatre pilules malin et soir, et déjà elle souffrait beaucoup
·
moins, l'appétit devenait plus vif, et elle mangeait du pain avec ses fruits cuits. Peu de jours après, le mieux augmentant, elle nous demanda si elle pouvait manger de la viande; nous le lui permîmes volontiers en lui recommandant très particulièrement de ne pas choisir les viandes réputées de facile digestion; mais bien celles qu'elle digérait jadis avec le plus de facilité, fut-ce du jambon ou tout autre aliment que beaucoup d'estomacs ne peuvent supporter. Elle choisit du mouton rôti, en prit peu d'abord, puis davantage, et enfin, vers le vingtième jour, elle mangeait presque autant qu'avant de tomber malade, et les maux d'estomac qu'elle éprouvait encore lui semblaient si légers en comparaison de de ceux qu'elle endurait naguère, qu'elle se disait tout à fait guérie. Or, elle prenait huit pilules matin et soir.
Sur ces entrefaites, elle suivit ses maîtres dans une terre voisine de Paris, et chargée d'accompagner les meubles que l'on transportait dans une voiture peu converte, et par un temps humide, elle se sentit prise de froid, et, le lendemain, les coliques d'estomac revinrent avec autant d'intensité que par le passé; elle diminua d'elle-même la dose de ses pilules et la quantité d'alimens qu'elle prenait; et après quatre jours, elle était parfaitement remise de l'accident qui avait entravé la marché de sa convales
cence.
Nous la revimes deux mois après. Elle était dans l'état de santé le plus satisfaisant; elle nous raconta qu'elle avail suivi moins rigoureusement notre ordonnance; qu'au lieu de dix pilules matin et soir, elle n'en prenait la plupart du temps que quatre ou six; qu'elle mettait souvent deux ou trois jours d'intervalle, et même que depuis trois semaines elle y avait entièrement renoncé.
L'embonpoint ordinaire était revenu, les forces étaient rétablies; mais les règles n'avaient pas reparu, l'estomac supportait avec facilité toute espèce d'alimens.
II y a maintenant trois ans que cette femme est guérie. Elle n'a pas éprouvé de nouvelles atteintes de la maladie pour laquelle elle avait réclamé nos soins. Les règles se sont montrées deux ou trois fois chaque année, sans que le retour et l'irrégularité de la menstruation aient paru influer en rien sur la santé.
Obs. II - La malade qui fait le sujet de cette observation est petite, sèche et faible; elle a des flueurs blanches depuis l'âge de 15 ans; ses menstrues, qui parurent vingt mois plus tard, ont toujours été régulières, mais pâles et peu abondantes; vers sa dix-neuvième année, elle commença à ressentir des douleurs d'estomac, qui furent accompagnées de vomissemens chaque jour renouvellés, et une circonstance assez remarquable qui se présenta dans le cours de sa maladie, fut une extinction de voix qui parut et disparut à plusieurs reprises à et des intervalles d'un ou deux mois. Parmi les nombreux médecins qu'elle consulta, un seul parvint à la soulager; il fui ordonna des frictions avec l'huile de camomille, et des applications sur l'épigastre avec du gros vin dans lequel on avait fait macérer des roses de Provins.
La gastralgie durait depuis six ans, lorsqu'elle acquit une nouvelle intensité, et que les flueurs blanches devinrent plus abondantes. Trois mois après cette augmentation des douleurs, la malade entra à l'hôpital; elle était alors âgée de 25 ans.
L'écoulement était jaune-verdâtre et d'une abondance extrême; les maux d'estomac étaient très-douloureux, quoique les vomissemens qui diminuaient depuis trois années eussent cessé depuis quelques mois; les selles étaient régulières, les maux de tête fréquens.
On donne le premier jour trois pilules de sous-carbonate, la malade n'éprouve aucune modification.
Le lendemain elle en prit quatre, ses douleurs d'esto
mac disparurent et n'ont pas eu de retour. Les doses furent augmentées les jours suivans. Les flueurs blanches diminuèrent, ainsi que la céphalalgie.
Le huitième jour la malade prenait douze pilules; l'écoulement fut un peu plus abondant que les jours précé dens, mais beaucoup moins qu'à son entrée ; elle était à l'approche de ses règles.
Le dixième jour elle sortit parfaitement guérie de sa céphalalgie et de ses maux d'estomac ; ses flueurs blanches coulaient toujours quoiqu'en moindre quantité; depuis cinq ans elle aussi bien trouvée. On lui cons'était ne pas seilla de continuer le sous-carbonate de fer à la dose d'une cuillerée à café matin et soir; nous ne l'avons depuis
pas revue
Obs. III-Une femme âgée de 28 ans, vient à l'HôtelDieu, pour être traitée d'une gastralgie accompagnée de maux de tête et de flueurs blanches; la santé générale n'est point altérée, elle a conservé sa fraîcheur et son embonpoint.
Ses douleurs d'estomac durent depuis sept ans, elles sont accompagnées d'un besoin presque continuel de manger. Au retour du printemps et de l'automne, elle a des vomissemens qui durent un mois ou deux, et se reproduisent trois ou quatre heures après les repas.
Un an après l'invasion des douleurs d'estomac la céphalalgie se fit sentir de temps à autre et se reproduisit pendant les années qui suivirent. La troisième année de la maladie parurent les flueurs blanches qui, après quelque temps de durée, se prolongèrent dans tout l'intervalle qui séparait les règles. Celles -ci étaient pâles, peu abon. dantes, et duraient seulement trois ou quatre jours. Nous n'avons pas noté l'époque à laquelle avaient commencé ce dérangement dans les règles, ainsi que des palpitations de cœur qui revenaient tous les trois ou quatre jours.
Pendant les sept années qui s'écoulèrent entre l'invasion de sa maladie et son entrée à l'Hôtel Dieu, la malade fut soumise à différentes reprises au traitement antiphlogistique, elle prit de temps à autre des potions calmantes ; ces moyens lui procurèrent toujours un soulagement momentané, mais n'eurent jamais un effet durable.
A son entrée à l'hôpital, on commença par douze grains de sous carbonate de fer. Le premier jour elle eut des étourdissemens, sentit une faiblesse générale et fut près de tomber lorsqu'elle voulut se lever et se promener dans la salle; le lendemain on doubla la dose : les phénomènes nerveux ne se reproduisirent point.
Après un traitement de six jours, les douleurs d'estomac et tous les phénomènes qui les accompagnaient furent guéris, la céphalalgie était moins forte; les flueurs blanches n'avaient pas diminué, la malade sortit de l'hôpital très-satisfaite; on lui conseilla la continuation des moyens jusquues là mis en nsage; nous ne l'avons pas revue depuis sa sortie.
Obs. IV.
Une femme lymphatique âgée 28 de ans, pâle et sans fièvre, fait le sujet de cette observation. Elle a depuis quatre ans des flueurs blanches très-abondantes, les maux d'estomac ne sont venus qu'un an plus tard; ils sont continus et accompagnée de boulimie, la viande seule les augmente, les autres alimens procurent un soulagement momentané. Les règles sont irrégulières et en retard.
Neuf jours suffirent pour guérir les douleurs d'estomac. La malade prit jusqu'à dix pilules par jour; lorsque lę onzième jour elle sortit de l'hôpital, ses flueurs blanches avaient beaucoup diminué, et la coloration de la face était devenue plus vive.
Ve Obs. La malade la plus âgée que nous ayons traitée avec succès complet était âgée de 47 ans, assez bien constituée; mais elle avait des flueurs blanches depuis 26 ans.
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1
A l'âge de 42 ans elle commença à sentir des douleurs d'estomac; celles-ci étaient accompagnées des symptômes que nous avons signalés; les alimens n'en augmentaient point l'intensité, et depuis cinq ans elles duraient conjointement avec les flueurs blanches, lorsque des douleurs de tête vinrent s'y joindre. Les règles étaient pâles et en retard depuis un temps qui n'a point été noté; elles n'étaient point supprimées à l'époque où la malade vint à l'HôtelDieu. Le sous-carbonate de fer fut associé au cyanure de potassium. Après trois jours de traitement, les douleurs de tête et celles de l'estomac furent guéries. Le traitement continué pendant plusieurs jours, suivant les règles indiquées plus haut, ne parut exercer aucune influence sur les flueurs blanches. La malade sortit parfaitement guérie de ses maux de tête et de sa gastralgie.
Nous pourrions ajouter un assez grand nombre d'observations à celles que nous venons de citer; mais comme leur multiplication ne ferait que présenter des exemples semblables à ceux qui ont été décrits avec détails, nous bornerons là le nombre des observations dans lesquelles la guérison de la gastralgie par le sous carbonate de fer a été prompte et sans augmentation des douleurs.
Toutes ces observations ont été faites chez des femmes de 18 à 47 ans. Sans doute, ces époques de la vie ne sont point les limites extrêmes en deçà et au-delà desquelles la guérison est impossible; la rapidité avec laquelle les symptômes se sont amendés chez les plus jeunes comme les plus âgées, ne permet pas de le penser.
Mais si l'on considère que toutes les femmes dont nous parlons dans ce chapitre avaient encore leurs règles, `et qu'il est impossible d'indiquer quels changemens doit apporter dans l'organisme l'absence complète du flux menstruel, on comprendra que l'analogie, comme l'expérience, ne nous permettent point de dire avec précision ce qui
doit arriver si les règles n'ont point encore paru, ou si elles ont cessé par les progrès de l'âge.
Nous avons eu soin d'indiquer dans toutes nos observa tions, le tempérament et la constitution des malades; on a pu remarquer qu'il n'en est pas une seule qui fût ou sanguine ou nerveuse; toutes se rapprochaient plus ou moins de cette constitution ordinaire que l'on ne peut rapporter à aucun type, et que nous pouvons dès à présent considérer comme une prédisposition favorable. Cette conséquence, tirée des faits que nous avons fait connaître, acquerra un nouveau degré de certitude, lorsque nous aurons montré que la guérison est toujours difficile, impossible même chez les femmes d'un tempérament ou sanguin ou nerveux. En comparant entre elles les malades affectées de gastralgie qui ont guéri sans douleurs par l'emploi du sous-carbonate de fer, nous n'avons observé que des cas où le dérangement dans les fonctions de l'utérus ou dans celles de l'estomac a précédé tous les autres symptômes. Cet ordre de succession est-il le seul qui soit compatible avec une guérison rapide et sans douleurs ? Nous ne le pensons pas; et si nous n'avons pas observé de semblables guérisons chez des femmes qui, avant tous les autres symptômes, avaient éprouvé des céphalalgies ou des palpitations, cela tient, sans doute, à l'extrême rareté des cas dans lesquels les céphalalgies ou les palpitations sont les premiers symptômes : nous ne les avons vu précéder les douleurs d'estomac que chez deux malades : l'une d'elles, affectée de chlorose, guérit avec une extrême rapidité; l'autre n'eut des coliques que pendant les deux premiers jours du traitement : sa guérison n'en fut pas moins prompte et durable.
Des cas dans lesquels le sous-carbonate de fer a guéri les gastralgies après les avoir augmentées momentanément.-Nous nous proposons de rechercher dans ce cha
pitre 1.° quelles sont les circonstances dans lesquelles le sous-carbonate de fer augmente momentanément les gastralgies; 2.° quel est le prognostic qu'on doit porter sur cette augmentation momentanée des douleurs; 3.° quels sont les moyens par lesquels on peut la prévenir. Nous commencerons par les observations.
VI. Obs. Une jeune fille de 17 ans, pâle, et d'un aspect chlorotique, vint à l'Hôtel-Dieu pour y être traitée d'une fièvre typhoïde bénigne. Une fois guérie de sa fièvre, elle se plaignit de douleurs d'estomac qui duraient depuis dix mois; ces douleurs avaient toujours été accompagnées d'un besoin fréquent de manger que la convalescence rendait plus vif; les alimens soulageaient toujours pendant la première heure qui suivait leur ingestion. Quatre mois après leur début, ces gastralgies avaient été suivies de flueurs blanches, et quatre mois plus tard, de céphalalgies, d'étourdissemens et de tintemens d'orcilles. Les règles, quoique régulières, étaient, depuis l'invasion de la matadie, pâles et peu abondantes. Cinq jours après la guérison des symptômes fébriles, on commença le sous-carbonate de fer à la dose de 12 grains le premier jour et de 24 le second. La malade ressentit de très-fortes coliques, du dévoiement, et son ventre devint sensible à la pression. Ges accidens n'empêchèrent pas de continuer le sous-carbonate à la dose de 24 grains pendant le troisième et le quatrième jour; il ne se manifesta plus aucun accident. Dès le cinquième jour toutes les douleurs étaient dissipées ; on augmenta graduellement la dose des pilules jusqu'à dix par jour; la malade sortit de l'hôpital le 8. jour du trailement, avec recommandation de le continuer.
VII. Obs. M.me Herpedan, d'une taille élevéc, d'une forte constitution, d'un tempérament sanguin, accouche pour la première fois à l'âge de 27 ans. Depuis cet accouchement, qui est très-laborieux, elle éprouve à
l'épigastre de vives douleurs qui se font sentir avant et quelque temps après les repas, qui souvent produisent un soulagement momentané; la toux, la pression en augmentent l'intensité.
Les règles durent quinze jours, le sang coule par caillots volumineux, dans leurs intervalles, la malade est sujette à des flueurs blanches très abondantes. A ces symptômes se joignent de la céphalalgie, de la faiblesse, de la tuméfaction passagère du ventre.
Treize mois après l'accouchement, ces douleurs avaient augmenté; la malade avait été obligée de se tenir habituellement couchée; elle souffrait dans les membres. Cette augmentation d'accidens durait depuis deux mois, lorsqu'elle entra à l'Hôtel-Dieu le 3 septembre 1831.
A cette époque, elle éprouvait les symptômes que je viens d'indiquer; elle était assez colorée, sans fièvre, et le toucher ne faisait reconnaître aucune altération de la matrice; elle ne pouvait cependant se lever. On prescrivit des pilules de sous-carbonate de fer, de six grains chaque. On en donna d'abord deux, puis quatre, six, en augmentant de deux chaque jour jusqu'au quatrième jour. Les douleurs d'estomac, au lieu de diminuer, allèrent toujours en augmentant et furent accompagnées de fièvre. La malade voulut se lever; la gastralgie fut si vive qu'elle fut obligée de se recoucher; les flueurs blanches avaient cependant un peu diminué. Les selles étaient très-rares. L'on donna une once d'huile de ricin, et l'on continua les pilules à la dose de 48 grains.
Le 6. jour, les flueurs blanches étaient arrêtées. Les douleurs d'estomac, jusque-là augmentées, étaient beaucoup moins fortes; l'appétit revenait.
Pendant les jours suivans, on augmenta successivement d'une pilule, et l'amélioration fut progressive. Le 9. jour, les douleurs d'estomac avaient complètement disparu
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l'appétit était très-vif; les maux de tête, qui avaient suivi la même augmentation et la même diminution que ceux d'estomac, étaient dissipés. L'écoulement des flueurs blanches n'avait pas reparu. Les selles seulement étaient très-rares, et lorsqu'elles avaient lieu, d'un noir aussi foncé que celui du cirage.
Depuis ce temps, la mala de est restée cinq jours dans l'hôpital, prenant dix pilules par jour. Elle est sortie fort bien portante, et n'éprouvant aucun symptôme qui pût faire craindre une récidive. M. me ✰✰✰
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VIII. Obs. âgée de 32 ans, est d'un tempérament sanguin; sa face est colorée et sa vivacité trèsgrande. Elle éprouve depuis trois ans des douleurs d'estomac qui se font sentir la nuit lorsqu'elle se réveille, et lui donnent une sensation analogue à celle que produit le besoin de manger. Aussitôt après son lever, qu'elle hâte quelquefois à cet effet, elle prend quelques alimens.
Ces douleurs ont paru à la suite d'un accouchement; elles sont presque continuelles, et rarement elles cessent pendant un ou deux jours. Quelque temps après le manger, elles s'accompagnent d'aigreurs, d'envies de vomir, de pesanteur à la région de l'estomac ; des flueurs blanches ont paru un mois avant les douleurs d'estomac; elles sont continuelles, plus fortes avant et après les règles. Celles-ci sont toujours un peu en retard. Des céphalalgies très-fréquentes fatiguent la malade depuis près de dix ans. Lorsque l'on commença l'emploi du sous-carbonate de fer, les deux premiers jours on donna deux pilules matin et soir; il y a eu des coliques, de la diarrhée; on continua à la même dose, puis allant jusqu'à six et huit pilules. La malade prenait cette dose le septième jour du traitement, lorsque les flueurs blanches et les maux d'estomac, qui avaient graduellement diminué, disparurent en même temps. Les maux de tête n'avaient
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éprouvé qu'une légère amélioration. La malade sortit le douzième jour, avec la recommandation de continuer le sous-carbonate de fer.
IX. Obs. La femme qui fait le sujet de cette observation est âgée de 47 ans, fortement constituée; elle a des flueurs blanches depuis l'âge de 26 ans; des douleurs d'estomac ne sont venues que seize ans plus tard; les céphalalgies ne datent que de sept mois; ses règles sont pâles et toujours en retard.
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On commença par deux pilules de sous-carbonate de fer; pendant les deux premiers jours, il y eut augmentation dans les douleurs, mais sans diarrhée et sans coliques. Le lendemain, on continua les pilules à la même dose ; les douleurs ne furent pas exaspérées, et dès le troisième jour, les douleurs d'estomac étaient guéries; les céphalalgies et les flueurs blanches restèrent les mêmes, malgré la continuation du sous-carbonate de fer; il est à remarquer qu'elles avaient de long-semps précédé les maux
d'estomac.
Nous n'insisterons pas sur la sixième observation; la cause des coliques est ici trop évidente: la malade était dans la convalescence d'une maladie aiguë des in testins, qui avait placé ses organes dans des conditions défavorables à l'administration d'un tonique tel que le sous-carbonate de fer. Quelques jours de retard, l'administration d'une dose moins considérable, eussent suffi probablement pour prévenir les coliques et la diarrhée qui se produisirent dans ce cas.
Les observations septième et huitième nous présentent deux femmes d'une constitution vigoureuse, pléthorique, dont l'une a tous les quinze jours des règles abondantes qui durent plus d'une semaine, et dont l'autre a un flux menstruel régulier et abondant. Chez l'une et l'autre, des coliques, de la diarrhée, sont la suite de l'adminis
tration du sous-carbonate de fer, et l'on voit que dans un cas les coliques se prolongent pendant neuf jours, que dans l'autre elles durent pendant deux jours, et qu'il est impossible de dépasser la dose de dix-huit grains sans reproduire tous ces accidens. Des deux dernières, l'une est âgée de 47 ans et d'une forte constitution; l'autre, quoique faible, a des règles très-abondantes et très-rapprochées.
Si l'on rapproche ces observations de celles que nous avons indiquées dans le chapitre consacré aux guérisons complètes et sans accidens, si l'on se rappelle qu'aucune des femmes dont l'histoire a été mentionnée, n'avait des règles abondantes; qu'aucune n'avait le tempérament sanguin, et que dans les deux cas où ces conditions se trouvaient réunies, des coliques accompagnées quelquefois de diarrhée, ont entravé le traitement, on sera porté à conclure, que l'existence du tempérament sanguin, d'une forte constitution, ou des règles abondantes, prédispose aux douleurs, suites de l'emploi du sous-carbonate de fer. Remarquez à l'appui de cette proposition, que la femme qui fait le sujet de la septième observation, eut des coliques pendant cinq jours, et que cette femme était d'une forte constitution, avait des règles très-rapprochées et très-abondantes. Chez les femmes qui présentaient, à un moins haut degré, les attributs d'un tempérament sanguin, les douleurs furent moins vives et moins prolongées. Le rapport entre la cause modificatrice et l'effet qu'elle devait produire, est donc ici prononcé. Dans la huitième observation, nous avons indiqué les aigreurs, les envies de vomir; et comme ces accidens ne sont pas notés chez les malades dont les observations sont consignées dans le premier chapitre, nous sommes portés à croire qu'ils peuvent faire présumer l'existence des coliques, sans qu'ils paraissent toutefois influer sur la guérison.
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Nous venons d'indiquer, autant que l'observation a pw nous le permettre, les cas dans lesquelles les coliquessont la suite de l'administration du fer; ce symptôme est-il de mauvais augure? C'est ce que l'on doit penser d'après les idées générales qu'on se fait sur l'action des médicamens; plusieurs rapprochemens fortifient cette manière de voir.
Si l'on extrait de chacune des observations consignées dans le premier chapitre, le temps qui s'est écoulé entre le commencement de la médication et la disparition des douleurs d'estomac, on trouvera les nombres 8, 2, 6, 3, 9, dont la somme est 28, et la moyenne 5 et demi. Si l'on fait le même relevé pour les observations du second chapitre, on trouvera 4, 7, 11, 15, dont la moyenne est 9. La durée des douleurs d'estomac a donc été, dans ce cas, d'un tiers plus considérable que dans le premier. Il est une considération non moins importante, qui montre que l'existence des coliques indique un traitement plus long. C'est que toutes les femmes qui n'ont pas guéri ont eu des coliques, et que les conditions qui prédisposent à l'insuccès complet sont les mêmes, à la différence d'intensité près, que celles qu'on retrouve chez les femmes dont les douleurs augmentent.
Si les coliques sont toujours de mauvais augure, il importe de placer les malades dans des conditions propres à les prévenir; les méthodes que l'on doit suivre pour arriver à ce but n'ont point été examinées expérimentalement; mais le raisonnement semble nous y conduire d'une manière rigoureuse. Nous avons indiqué les conditions les plus favorables à la réussite du traitement par le carbonate de fer, l'ensemble de ces conditions est pour nous un type auquel il faut, autant qu'il est possible, ramener ceux chez lesquels le sous-carbonate de fer détermine préalablement des coliques. Or, comme nous avons
C
remarqué que le tempérament sanguin est la cause presque constante de ces insuccès, il est convenable dans les cas où on l'observe l'existence de ce tempérament, de commencer par le traitement antiphlogistique. Ainsi l'on pourrait préalablement pratiquer une saignée, faire appliquer des sangsues sur la région de l'estomac. Ce dernier moyen produit constamment, ainsi que nous l'ont appris les rapports des malades, un soulagement qui dure plusieurs jours. On pourrait profiter de ce relâche pour commencer l'administration de sous-carbonate de fer; Il serait aussi prudent de se contenter de six grains pendant un ou deux jours; probablement les doses un peu élevées dont on a fait usage dès le début ont contribué à produire des coliques; l'observation où l'on a pu dépasser dix-huit grains en est la preuve.
Dans un article subséquent, nous examinerons les cas dans lesquels le sous-carbonate de fer ne suffit point pour guérir les gastralgies.
Essai sur l'inflammation, l'ulcération et la gangrène des os; par J. F. MALGAIGNE, de Charmes, D. M. P., ex-médecin de division en Pologne, etc.
Avant qu'on eût ramené les maladies à quelques types primitifs, identiques de leur nature, mais variant d'aspect selon la diversité des tissus eux-mêmes, la nomenclature pathologique était aussi bizarre et confuse que les théories étaient elle-mêmes peu exactes. Delà ces nombreuses variétés des fièvres, avant que l'anatomie pathologique les eût si heureusement rayées des cadres nosologiques; delà cette confusion aussi grande peut-être dans la synonymie des affections cutanées. On peut encore de nos jours appliquer ces réflexions aux maladies du système osseux. C'est en vain que l'on chercherait dans les auteurs, la signification précise de ces mots de carie, de
nécrose, de corruption, vermoulure, spina-ventosa, ostéo-sarcome, ostéo-steatome, rachitis, ostéo malaxie, non que les définitions manquent; mais parce que ne s'appuyant point sur l'anatomie pathologique, elles sont à la fois en désaccord entre elles et avec les objets qu'elles devraient désigner. Déjà sir A. Cooper a commencé la réforme en ralliant sous le nom générique d'exostoses plusieurs de ces vieilles et obscures dénominations. Nous essaierons dans ce mémoire de démontrer par la dissec tion les caractères de l'inflammation, de l'ulcération et de la gangrène des os, désignées le plus souvent indistinctement, de nos jours, sous les noms d'arthrocace, de carie et de nécrose.
Obs. Ire. Une amputation de jambe fut faite au Valde-Grâce, salle 20, no 6, dans les premiers jours de mai 1829, sur le nommé Louveau. Voici ce que présenta le membre amputé :
Un ulcère superficiel sur le métatarse, plusieurs ouvertures fistuleuses sur le tarse. Les parties molles etaient très-gonflées et donnaient une sensation non équivoque de fluctuation. Les fistules communiquaient avec la gaîne du grand péronier latéral. Le tendon de ce muscle, depuis un pouce environ au-dessus de l'astragale jusqu'au cuboïde, était ramolli, cómme macéré, facile à déchirer, réduit en fibrilles qui avaient perdu presque toute adhérence entre elles. La bourse synoviale dans la même étendue était épaisse d'environ une ligne, grisâtre, fongueuse et ramollie. Plusieurs ramifications des fistules se rendaient : 1° dans la graisse qui entoure le tendon d'achille: ce tendon était sain; 2° dans les gaines synoviales des trois muscles postérieurs de la jambe, lesquelles ainsi que les tendons offraient dans une très-courte étendue la même dégénérescence que celle du grand péronier; 3° sous le muscle pédieux jusqu'au périoste des os du tarse. Le périoste était grisâtre, épaissi, mollasse; il n'existait plus
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aucune adhérence entre lui et la face externe du calcanéum; néanmoins cet os était blanc et sain selon toute apparence. Une grande quantité de graisse environnait l'articulation tibio-tarsienne; la tuméfaction de la peau venait d'une infiltration séreuse; nulle part on ne découvrit de foyer purulent, et la fluctuation dut être attribuée au ramollissement des tissus fibreux et séreux déjà indiqués. Quant aux os, le péroné et le tibia étaient rouges à leur extrémité tarsienne et faciles à entamer. L'articulation tibio-tarsienne, au lieu de synovie, ne contenait qu'une fausse membrane, blanche, adhérente aux cartilages, lesquels étaient blancs et sains. Aux articulations astragalo - calcanéennes, la petite facette était aussi recouverte d'une fausse membrane, mais rougeâtre et dure comme du cartilage. A la grande facette, les cartilages, blancs et sains au centre, étaient réduits à la circonférence en une pulpe rougeâtre qui laissait les os à nu. Toutes les autres articulations saines, mais les os rougeâtres et faciles à couper. La moelle des os longs était blanche.
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Voilà dans son premier degré l'irritation inflammatoire du tissu osseux, caractérisée par la rougeur et le ramollissement. Mais cette dissection détaillée nous révèle quelques circonstances remarquables; cet amas de graisse autour des articulations immobilisées, qui n'avait encore été, que je sache, signalé par personne, et avait échappé même à Brodie; cette espèce de gangrène des tendons; ce décollement du périoste sans affection de l'os sous-jacent, l'érosion des cartilages, les fausses membranes synoviales dont l'une a la dureté du cartilage, etc. Nous reviendrons sur ces phénomènes.
Obs. II. Ce même Louveau nous fournit un an après une seconde pièce pathologique. L'amputation avait été faite presqu'en désespoir de cause; car on avait
cru voir de la matière tuberculeuse dans ses crachats. Le succès en fut d'abord très-heureux; la plaie marchait assez vite à la cicatrisation et les crachats étaient devenus muqueux, opaques, et plus rares. Mais lorsque la plaie fut réduite à l'étendue d'une pièce de dix sous, il fut impossible de la fermer; bientôt le pied gauche se tuméfia; un abcès lentement formé s'ouvrit et donna issue à un pus séreux, mêlé de matière caséeuse; l'affection de poitrine revint, les crachats se teignirent de sang et Louveau périt environ un an après l'amputation. L'autopsie du moignon montra le tibia et le péroné arrondis à leur extrémité. L'ulcère répondait au canal médullaire du tibia. Ce canal était occupé dans l'étendue d'un pouce au-dessus de l'ulcère par une substance lardacée, hoinogène, d'une teinte rouge tirant sur le brun; c'était elle qui, exposée à l'air, s'était toujours refusée à la cicatrisation.
Le pied gauche disséqué donna lieu aux observations suivantes L'articulation tibio-tarsienne était remplie de pus blanc et homogène, qui avait même percé les ligamens sans toutefois communiquer au dehors; la synoviale avait absolument le même aspect que dans l'état naturel. Dans les articulations du scaphoïde avec les cunéiformes et des cunéiformes entre eux, les synoviales sont séparées par une pseudo-membrane rougeâtre, assez adhérente aux ligamens, beaucoup moins aux surfaces articulaires. Les extrémités tarsiennes du tibia et du péroné sont d'un rouge obscur, mais dures et résistant au scalpel. Même état du calcanéum et de l'astragale dans leurs trois-quarts postérieurs. La section était sèche et ne laissait aucun liquide sur la lame du scalpel. Mais dans leur partie antérieure, la rougeur prenait une teinte lie de vin; le scalpel pénétrait avec une facilité étonnante, et la lame se couvrait d'une sanie couleur lie de vin; les
cellules osseuses paraissaient agrandies, gorgées de ce liquide sanieux; et l'os était si tendre que la pression de l'ongle suffisait pour le réduire en bouillie. Tous les autres os du tarse offraient le même aspect et le même ramollissement, à l'exception du grand cunéiforme, dont la moitié antérieure était sèche, jaune, dure, résistant au scalpel. Séparée en deux avec la scie, cette portion offrit des cellules petites et presque sèches. Entre cet os et le premier métatarsien, il n'y avait plus ni ligamens ni cartilages; les extrémités articulaires étaient rugueuses, érodées, sèches et très dures. Le premier métatarsien presque tout entier offrait le même aspect à l'extérieur, jusques vers sa tête; scié longitudinalement, son canal parut rempli de pus ; mais la tête était rougeâtre et molle. Partout où l'os était ainsi pâle et sec, le périoste rouge, fongueux, imbibé de pus, en était détaché. Au côté externe de l'os, il était intimement uni à une plaque osseuse rougeâtre et facile à couper, qui recouvrait une partie de l'os gangrené et semblait le rudiment d'un os nouveau. Le périoste du second métatarsien était peu adhérent, et vers l'extrémité postérieure de l'os avait une teinte noirâtre. Vers ce point aussi, l'os était rouge et ramolli. Enfin, dans l'articulation du premier métatarsien avec le gros orteil, le cartilage qui recouvre la tête de cet os était absorbé au centre et remplacé par une pseudomembrane rougeâtre. Une autre fausse membrane également rouge recouvrait le cartilage de la phalange qui était en partie disparu à la circonférence.
Ici l'irritation inflammatoire est plus avancée dans les os du tarse que nous ne l'avions vu dans le cas précédent. Non-seulement les os sont ramollis de manière à se laisser entamer au scalpel; mais la pression de l'ongle suffit pour les écraser; les cellules dilatées sont remplies d'une sanie rouge lie de vin; c'est la seconde période de l'in
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flammation franche de l'os, que je comparerais volontier à cette période de l'inflammation pulmonaire qu'on a nommée ramollissement rouge. Ce ramollissement de l'os peut exister, comme la dissection le prouve, sans altération apparente du périoste.
Nous reviendrons d'ailleurs sur les autres particularités de cette autopsie. Il suffit pour le présent de remarquer que le pus tirait son origine première de cette articulation cunéo-metatarsienne que nous avons vu érodée, gangrénée même, sans ramollissement préalable. La théorie des ankyloses peut recevoir un nouveau jour de quelques circonstances que nous avons relatées. Dans une articulation, c'était une fausse membrane unique, adhérant aux ligamens et sans altération des cartilages ; dans une autre, deux fausses membranes coïncidant avec la disparition progressive des cartilages. Si l'on disséque des articulations où le travail soit un peu plus avancé, on trouve les cartilages plus effacés, les pseudo-membranes plus adhérentes. Enfin, quand le travail est complet, les cartilages ont disparu; les membranes adhérant aux os se sont transformées en tissu cellulaire ou fibreux, et peuvent même passer à l'état osseux quand l'irritation continue ou que l'inaction est extrêmement prolongée. Cette succession de phénomènes a-t-elle lieu dans tous les cas? Je suis fondé à le croire, n'ayant jamais vu de tissu fibreux formé immédiatement dans les ankyloses récentes. Ainsi il serait peu exact de dire avec M. Cruveilhier (1), que toutes les fausses ankyloses dépendent de la conversion des synoviales et des cartilages en tissu cellulaire. Ces adhérences anormales proviennent, et cela paraît faire loi pour tout l'organisme, d'une sécrétion anormale qui passe successivement par divers degrés d'or
(1) Essai sur l'anat. pathol., tome 1.er, pages 178 et 371.
ganisation; de plus il paraît y avoir ici absorption de la synoviale et des cartilages articulaires.
Après cette courte digression, qui n'est pas sans quelque intérêt peut-être, je reviens à mon sujet.
Obs. III.— Une amputation de jambe fut faite salle 20, lit 19, pour affection des os du tarse, dans le courant d'avril 1829.
A l'autopsie du membre amputé, je trouvai dans l'articulation astragalo - scaphoïdienne, les cartilages blancs, amincis, détachés des os dont ils étaient séparés par une couche mince de substance pulpeuse jaunâtre. Dans l'articulation scaphoïdo-cunéenne, ucun vestige des cartilages; les surfaces osseuses à nu, jaunâtres et ramollies. Ce ramollissement jaunâtre occupait le tiers postérieur des trois cunéïformes; les deux tiers antérieurs étaient à l'état de ramollissement rouge. Le scaphoïde était totalement jaunâtre, facile à entamer et même à écraser avec l'ongle, les cellules agrandies et remplies de sanie de même couleur. L'astragale offrait le même aspect en avant dans une épaisseur de deux lignes environ; plus loin il était rouge. Tous les autres os du tarse étaient rouges et plus ou moins aisés à couper.
Ce ramollissement jaunâtre me paraît être la troisième période de l'inflammation osseuse; et ce résultat de la phlegmasie n'est pas sans quelque analogie avec le ramollissement gris du poumon. On le rencontre fréquemment dans les ostéïtes articulaires, surtout dans celles qui attaquent le pied, la main ou le genou. A peine a-t-il attirě l'attention des auteurs modernes ; il paraît cependant avoir déjà frappé les anciens, quoiqu'ils fussent privés des lumières de l'autopsie. « Lorsqu'un os commence à se vicier, dit Celse, il devient d'abord gras, puis noir, ou enfin il se carie» (1). En effet, dans le ramollissement jan
(1) Trad. de MM. Fouquier et Ratier, p. 484.
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nâtre, la sanie contenu dans les cellules semble gra isser le scalpel.
Une question s'élève ici : un os dans un tel état jouit-il encore de la vie, ou est-il déjà gangréné? D'un côté, il semble qu'à une certaine période de l'inflammation, le sang abandonne la partie de l'os qui se teint en jaune, et simule, pour ainsi dire, devant elle le cercle inflammatoire. C'est ce qui existait dans les os cunéiformes et dans l'astragale. D'une autre part, le scaphoïde tout entier passé à l'état gras n'était point détaché de son périoste. A la vérité ce n'est point tout-à-coup que le périoste abandonne un os nécrosé, comme ce n'est que par degrés que l'escarre gangréneuse se détache des parties vivantes. D'après l'aspect des os, j'inclinerais donc à penser qu'ils sont dèslors irrévocablement privés de vie.
On a pu noter dans cette observation le décollement des cartilages articulaires réduits à la sécheresse et à la minceur d'une feuille de parchemin. Brodie, qui a fait un long chapitre sur l'érosion des cartilages par leur face synoviale, a glissé légèrement sur ce décollement par la face qui répond aux os. Examen fait de ses observations comparées avec les miennes, il me paraît en résulter ceci : que l'absorption des cartilages commence toujours par leur face osseuse dans l'irritation inflammatoire des os; tandis qu'elle attaque d'abord leur face synoviale dans une autre affection des os que nous étudierons tout-à-l'heure, et que je nommerais volontiers irritation ulcérative.
Après cette troisième période, arrive enfin la noirceur de l'os, à laquelle on ne refusera plus le nom de gangrène.
Obs. IV. - Le nommé Lemord, sapeur-pompier, entra au Val-de-Grâce, salle 16, lit 69, en septembre 1826, pour une coxalgie qui datait déjà de bien loin, et languit jusqu'au 7 septembre 1829. A cette époque il mourut, consumé par la suppuration et la diarrhée. L'article communiquait à l'extérieur.
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Le membre était émacié et la jambe très-infiltrée; l'articulation malade entourée de glandes tuberculeuses qui se continuaient dans le bassin et l'abdomen. Aucun vestige des cartilages; la cavité cotyloïde était largement ulcérée, percée à jour, et son fond n'était plus constitué que par le périoste pelvien épaissi et lardacé. La tête du fémur offrait une érosion analogue. La surface de ces ulcérations était noire, et cette noirceur se prolongeait à plus d'un demi-pouce dans l'épaisseur de la tête du fémur. Au-delà tout le tissu spongieux était rouge et ramolli; le périoste était légèrement tuméfié et très-peu adhérent à toute cette extrémité de l'os.
Ici la gangrène noire succédait évidemment au ramollissement rouge. Le ramollissement jaune avait-il précédé? Je ne voudrais point l'affirmer, n'en ayant pas trouvé de traces; d'ailleurs il est très-probable que la gangrène noire peut arriver après le ramollissement rouge, puisqu'elle apparaît quelquefois sans inflammation préalable, comme nous le verrons tout-à l'heure. Nous renvoyons au même lieu l'examen de ces deux questions: Si la couleur noire est essentielle à la gangrène osseuse, ou si elle est toujours due au contact de l'air.
Jusqu'ici nous n'avons suivi l'irritation inflammatoire que dans le tissu spongieux des os ; c'est que dans le tissu compact elle est infiniment plus rare. La vie y est moindre; à peine s'il reçoit du sang; si bien qu'on a pu soutenir et qu'une masse de faits semblait appuyer cette opinion, que l'os était pour ainsi dire inorganique, ne s'accroissant que par juxtà-position de nouvelles couches sécrétées le périoste extérieur. Toutefois, la pathologie surtout a démontré que le tissu compact a une vie propre, et se répare ou se détruit dans son intérieur comme le tissu aréolaire.
par
L'irritation inflammatoire n'affecte guères que de deux
façons le tissu compact; ou la gangrène s'en empare presque à l'instant, ou bien l'afflux du sang coïncide avec l'absorption du tissu osseux qui se creuse de cellules et prend l'apparence spongieuse. «Il est bien rare, dit M. Boyer, que la carie survienne immédiatement dans le corps des os longs; elle est presque toujours précédée de l'exostose. » Cette seconde proposition est vraie; la première me paraît inexacte; et je n'ai vu ni sur le cadavre ni dans les auteurs aucun fait qui prouvât que la carie, comme l'entend M. Boyer, se fût développée immédiatement dans le tissu compact. Toujours la manifestation de la carie a été précédée de symptômes antérieurs; et toujours, à l'autopsie, entre la carie et le tissu compact on trouve un tissu spongieux intermédiaire; quelquefois même, surtout dans la gangrène partielle du tissu compact, l'escarre osseuse, sans être ramollie et sans céder au scalpel, est cependant creusée de cellules comme l'épiphyse d'un os sain.
Obs. V. Chez le sujet de l'observation précédente, une des premières phalanges des doigts était le siége d'un ulcère qui laissait l'os à découvert. Une dissection attentive démontra que la portion d'os exposée à l'air, quoique continue au tissu compact et lui appartenant par sa position, était creusée de cellules; d'ailleurs elle était de couleur grise et résistait au scalpel; sa base était entourée d'un cercle de chair bourgeonnante née du tissu compact, et qui semblait être le premier pas de la nature pour l'exfoliation de la portion gangrénée.
Enfin il est encore deux autres terminaisons de l'irritation inflammatoire des os : l'une aiguë, très-rare; c'est la suppuration. Brodie en a vu quelques cas. Il raconte qu'on trouve alors « que l'os possède sa texture et sa dureté ordinaires, mais il est d'une couleur foncée et d'une odeur fétide. » (1) Selon toute apparence, dans ces cas l'irrita
(1) Brodie, traduct. de Marchant, p. 222.
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tion avait été jusqu'au ramollissement rouge et avait passé à la suppuration seulement dans l'étendue du foyer, tandis qu'alentour ses progrès avaient été enrayés par la gangrène. Mais Brodie lui-même nous fournit la preuve que les choses ne se passent pas toujours ainsi.
« Une fille était atteinte d'une affection de l'articulation illio-fémorale. La fesse était dans un état d'appauvrissement; le membre s'était racourci, et un abcès s'était ouvert sur la face externe de la cuisse; mais on observa qu'elle avait comparativement moins souffert et qu'elle se plaignait beaucoup moins qu'il n'est ordinaire dans la combinaison de ces symptômes. Elle mourut, et lorsque je fus sur le point de l'examiner, je dis aux personnes. présentes que la source de la maladie devait se trouver, non dans la surface cartilagineuse, mais dans la substance celluleuse de l'os. Les résultats de l'autopsie vérifièrent cette remarque. Les cartilages étaient ulcérés, et les os eux-mêmes détruits dans une certaine étendue; ceux-ci étaient mous; le scalpel les divisait facilement, et en coupant longitudinalement l'extrémité articulaire du fémur on vit une collection considérable de pus épais dans le col de cet os et au-dessous de la tête, qui ne s'était pas toutà-fait écoulé, ou qui s'était écoulé en transsudant à travers les cellules interposées entre la tête fémorale et la cavité articulaire. » (1)
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L'autre terminaison, plus fréquente, a besoin d'un long temps pour s'effectuer; c'est le passage, soit des exostoses primitives, soit du tissu spongieux naturel à l'état de tissu compact et même éburné. Les crânes d'aliénés en offrent souvent des exemples; ils sont d'ailleurs si communs dans les auteurs et dans les musées anatomiques qu'il serait superflu d'en rapporter.
(1) Ibid., p. 182. Le diagnostic, dans ce cas, peut passer au moins pour téméraire.
Je passe maintenant à l'examen d'un autre état pathologique, mal décrit jusqu'à présent par les auteurs, hormis peut-être par Brodie, qui en traite d'ailleurs sous la dénomination très-inexacte d'ulcération des cartilages.
Obs. VI.-Le nommé Mauvais, congédié de l'infanterie de marine, âgé de 26 ans, brun et d'un tempérament sanguin, entra le 6 février 1828 au Val-de-Grâce, où M. Broussais le traita tout l'hiver pour une inflammation chronique de l'articulation coxo-fémorale gauche. Plusieurs moxas furent appliqués et produisirent un soulagement marqué de la douleur; mais le membre resta atrophié et incapable de soutenir le poids du corps. Un an se passa ainsi, et il mangeait les trois quarts quand une violente congestion pulmonaire l'enleva en trois jours, vers le milieu d'avril 1829.
Je passe les détails relatifs à l'autopsie des viscères.-Le membre était dans l'adduction et dans la rotation en dedans, en outre raccourci de quelques lignes, en sorte que la pointe du gros orteil touchait l'articulation métatarsophalangienne du gros orteil de l'autre pied. On faisait exécuter à la cuisse les mouvemens de flexion dans une assez grande étendue; l'adduction et l'abduction étaient moindres; la rotation extrêmement bornée; infiltration de la jambe et du pied; les muscles de la fesse pâles et infiltrés; les glandes de l'aîne, converties en matière tuberculeuse, formaient une masse énorme qui se continuait avec celles du bassin et du mésentère jusqu'au pancréas qui paraissait sain. Plusieurs de ces glandes, formant une couronne complète autour de l'article, étaient en suppuration et contenaient une matière séreuse, caséïforme, comme du petit lait non éclairci. Il y avait aussi une grande quantité de graisse autour de l'article. Le sujet était d'ailleurs très-émacié.
La capsule articulaire était épaisse et contenait une ma
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tière tout à fait semblable. Le ligament rond ramolli, facile à déchirer. Plus de synoviale ni de cartilages; érosion de le tête du fémur qui est très-petite, et de la cavité cotyloïde qui est très-agrandie; les os érodés sont blancs, durs, absolument de même aspect et de même consistance que dans l'état normal. Le nerf sciatique dans l'étendue de deux pouces était gonflé, ramolli, et avait une teinte brunâtre.
Voilà un cas bien tranché d'ulcération pure et simple de l'os; nous trouvons les signes de la luxation expliqués par les pertes de substance des surfaces articulaires. Ce fait, qui arrive très-fréquemment, a porté plusieurs auteurs à nier la luxation dans les cas de coxalgie. Il est vrai que la luxation est fort rare; point assez cependant pour la révoquer en doute. Alors elle a lieu par les mêmes causes que les vraies luxations, seulement avec beaucoup plus de facilité, et se rencontre dans les mêmes points; ainsi la luxation sur l'iléum est la plus fréquente; quant aux autres, on peut lire dans Sue, (1) l'histoire d'une luxation spontanée dans la fosse ovalaire, et dans Cocchi, d'une luxation suspubienne (2).
Nous retrouvons l'amas de graisse déjà noté dans une observation précédente. La désorganisation du nerf sciati que, observée aussi dans plusieurs cas par Brodie, rendrait peut être compte des douleurs causées par la coxalgie et qui ne paraissent pas essentielles à l'ulcération osseuse. Enfin comme circonstances notables, je rappellerai les caractères du pus qui ressemble à s'y méprendre au pus des tubercules; et enfin l'état des glandes que j'ai rencontrées aussi gorgées et même fluctuantes, et qui à une certaine époque est pour moi un des symptômes les plus significatifs de la coxalgie. Les cautères ont paru avoir eu
(1) Recherches sur quelques maladies des os; à la suite de la Clinique de Desault, par Cassius.
(2) Collection de Nicétas, notes.
des effets favorables; remarque sur laquelle nous revien drons plus tard.
Comment avait eu lieu cette altération? D'après les observations de Brodie, il paraît que le cartilage s'ulcère par sa face synoviale. Je ne puis appuyer ni combattre cette opinion, n'ayant pas eu occasion de disséquer une articulation dans le commencement de la maladie; quoi qu'il en soit, on ne trouve pas la moindre trace du cartilage qui se convertit tout en pus ou est tout absorbé, comme l'épiderme dans les ulcérations cutanées. Au contraire il n'est pas rare de trouver dans le pus de très-petits fragmens osseux pareils à du gravier. L'ulcération continuant d'ailleurs après cette absorption des cartilages, la maladie attaque bien évidemment les os, malgré la dénomination qui lui avait été imposée par Brodie. L'observation suivante mettra cette assertion hors de doute.
Obs. VII- Le nommé Brocard, sous-officier sédentaire âgé de 25 ans, mourut au Val-de-Gráce au mois d'août 1829. Voici les renseiguemens que l'on put avoir sur son compte. Extrêmement adonné aux femmes et se vantant de pousser le coït jusqu'à 10 et 14 fois, fréquemment il s'était fait mettre aux arrêts pour ses absences nocturnes. Alors il accusait de violens points de côté, pour lesquels on l'envoyait à l'hôpital; et après y avoir réparé ses forces, il en sortait pour recommencer le même train de vie. C'est ainsi que depuis trois ans et demi il était venu plus de dix fois au Val-de-Grâce, et qu'il avait successivement traîné dans tous les services. On l'envoya deux fois aux eaux de Bourbonne. La seconde fois, deux ans avant sa mort, il était affecté d'ascite à la suite d'une péritonite; et il commençait déjà à se plaindre des lombes et à se courber en avant; quatre mois de séjour à Bourbonne dissipèrent l'ascite; mais la douleur lombaire persista; et enfin, entré pour la dernière fois à l'hôpital, on l'évacua des fièvreux à la salle 20 des blessés, où je pus l'examiner plusieurs mois à loisir.
Voici quel était son état en juillet 1829. Vers le tiers inférieur du dos, saillie d'une apophyse épineuse, douleur vive et persistante à quatre travers de doigt au-dessous de cette tumeur; courbure du tronc en avant; des douleurs très-variées et qui lui arrachaient des cris, parcouraient les membres inférieurs, l'abdomen et la poitrine; la respiration était anhélante; la douleur le tourmentait nuit et jour, et lui ravissait le sommeil ; tantôt couché sur le dos, tantôt sur le côté gauche, plus souvent sur le droit, quand il avait pris une position, il refusait d'en changer, même pour être pansé. Les jambes étaient faibles, mais libres et sensibles; mais les mouvemens accroissaient ses douleurs. Appétit presque nul; la vessie et le rectum faisaient bien leurs fonctions; et dans ce déplorable état nous eûmes la preuve qu'il avait encore consommé le coït avec sa femine.
On avait employé successivement moxas, vésicatoires, ventouses scarifiées; le tout sans succès. Afin de tempérer ses douleurs, on prescrivit l'opium à l'intérieur, le liniment volatil en frictions; puis on revint à un vésicatoire sur le siége même de la douleur; néanmoins elle continuait. Une incision d'un pouce de longueur fut faite avec le bistouri et entama toute la peau; il en fut soulagé deux jours entiers; puis la douleur revenant, mais avec des intermittences, il désira aller respirer l'air natal. Sa convalescence était accordée, lorsque le 20 août à une heure du matin il cessa de se plaindre pour s'endormir et à trois heures il expira.
Autopsie. Maigreur générale sans infiltration; la tête couverte de cheveux noirs et très-épais. Je glisserai légèrement sur l'examen des viscères. Le cerveau, le cervelet, le bulbe rachidien très-fermes; la pie-mère rouge et décollée en quelques points, partout ailleurs infiltrée d'albumine grisâtre et coagulée; sérosité rougeâtre dans les ventricules. L'estomac tapissé de mucosités, contracté vers le pylore;
sa muqueuse, qui parut un peu épaissie, était panachée de taches rouges et grises. Le reste du tube intestinal sain ; les ganglions mésentériques tuméfiés en divers endroits; deux petits tubercules crus et un troisième ramolli dans le rein gauche; la capsule surrénale du même côté renflée à une de ses extrémités en trois lobes blancs d'aspect et de consistance cartilagineuse.
Dans la poitrine, adhérences pleurales générales à gauche, mais faciles à détruire; et les deux tiers supérieurs du poumon occupés par des cavernes et des granulations miliaires. A droite, la cavité thoracique affaissée, aplatic, déformée; les côtes ont une forme prismatique triangulaire, surtout en arrière où le périoste n'y adhère plus. Toutefois leur aspect et leur consistance sont normales. Le poumon droit refoulé par les côtes est vide de sang et d'air à sa partie inférieure comme dans le cas d'hydrothorax; en \ haut, il contient des tubercules et des cavernes. Partout il est intimement uni à la plèvre, et celle-ci confondue avec le périoste des côtes forme une masse fibro-cartilagineuse qui a de quatre à six lignes d'épaisseur et même davantage, surtout en haut et en arrière.
Rachis. De la 6a à la 12° vertèbre dorsale inclusivement, le périoste antérieur des vertèbres est épaissi, lardacé à gauche, fibro-cartilagineux à droite; et séparé du corps de ces os par une masse de matière blanche, caséïforme, tout à fait semblable à la matière des tubercules et ramollie en quelques points. La 8 et la 10° vertèbre offrent un aspect noirâtre qui occupe une profondeur d'une ligne environ d'ailleurs la consistance est toute normale; les autres sont saines pour la couleur aussi bien que pour la consistance. Mais la 9o est rongée dans toute son épaisseur et réduite à deux fragmens, l'un supérieur ayant une ligne d'épaisseur; l'autre inférieur, un peu plus épais; leur surface érodée est dure, blanche, mêlée de stries rosées, et mouillée par la matière caséeuse qui communique
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ainsi avec le canal vertébral. Le périoste postérieur est décollé du corps de la 8° vertèbre et en partie du corps de la 10°; celle-ci présente en arrière une ulcération de quelques lignes de profondeur. Tous les fibro-cartilages intervertébraux étaient entiers et sains.
Dans ce dégât, la moelle épinière était restée entière, nullement comprimée, très consistante en haut et en bas, un peu plus molle aux environs de l'ulcération; d'ailleurs d'aspect sain. La pie-mère, depuis le milieu de la région cervicale jusqu'à la région lombaire, rouge et en partie décollée. Les nerfs sains à leur origine : plus loin entourés de substance lardacée. La neuvième paire dorsale offrait du côté droit, à sa sortie du trou de conjugaison, un renflement assez remarquable.
Les ganglions lymphatiques de la poitrine en partie mélanosés et en partie tuberculeux.
On notera dans cette observation la consistance du pus dont la partie séreuse semblait avoir été absorbée; l'état sain des fibro-cartilages et l'ulcération des os absolument primitive; la teinte noire de deux vertèbres sans accès de l'air; l'absence de toute trace d'inflammation osseuse. Le soulèvement du périoste était-il primitif ou consécutif? On peut soutenir l'un et l'autre, car le pus secrété par la face osseuse du périoste ressemble au pus osseux lui-même. Remarquez aussi, parmi les symptômes, le siége de la douleur en un autre endroit que la lésion osseuse, l'inutilité des dérivatifs cutanés, le succès quoique temporaire de l'incision de la peau tout entière.
Cette ulcération se montre aussi bien sur les cartilages que sur les os eux-mêmes; et ce n'est pas là l'unique ressemblance entre les maladies de ces deux tissus. On sait que les fractures des cartilages ont un cal osseux comme celles des os eux-mêmes.
Obs. VIII-Il mourut à la salle 6, no 5, un vieux soldat,
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homme grand, robuste, à cheveux bruns, au teint brun, tempérament bilieux. Il était maître d'armes dans un régiment, et souvent tirant à nu, le fleuret moucheté en bourre ou même sans bourre de ses élèves venait lui heurter la poitrine. Vers la fin d'août 1828, il s'aperçut d'une tumeur au côté gauche du sternum, et vint à l'hôpital. La tumeur se fit jour peu à peu par plusieurs petites ouvertures; bientôt une ancienne cicatrice provenant d'un coup d'épée à la poitrine, se rouvrit et donna lieu à une nouvelle fistule. Enfin, vers le commencement de juin 1829, il fut forcé de s'aliter, ce qu'il n'avait point fait jusqu'alors.
A cette époque, il avait la respiration gênée, toussait et crachait du pus. A chaque effort de toux, le pus sortait de la fistule la plus inférieure. Ce pus était blanc, bien lié, mais exhalant une odeur aigre insupportable. Vers la mi-juin, une tumeur parut inopinément sur une des côtes gauches; en quelques jours la fluctuation s'y fit sentir; un coup de trocart en fit sortir un pus séreux mêlé de légers flocons caséeux; l'os était à nu. Quelque temps après se formèrent sur la 2o et la 3° côtes du même côté, des tumeurs diffuses, solides, qu'on aurait dit formées par l'accroissement de ces os; elles étaient au toucher très douloureuses. Peu à peu elles devinrent fluctuantes ; l'une perça d'elle-même ; le bistouri ouvrit l'autre, il sortit un pus séro-caséeux comme de la première et sans aucune odeur. Mais bientôt il acquit l'odeur aigre des fistules primitives. Il se fit encore de nouvelles ouvertures ailleurs; la puanteur était telle qu'il fallut le panser deux fois par jour et imbiber d'eau chlorurée tout le bandage; la quantité de pus était énorme. Il mourut dans le courant du mois de novembre.
Autopsie. Sur le sternum, dix fistules réunies en trois ulcères, et de la troisième à la sixième côte, huit fistules isolées ou réunies. La peau qui, durant la vie était lisse et
rouge luisante autour de ces ouvertures, avait complète ment pâli après la mort.-La peau étant enlevée avec précaution, l'origine du grand pectoral gauche parut réduite · eu sanie d'un gris noirâtre; le premier et le deuxième muscle intercostal droit lardacés près du sternum; le troisième plus que les deux autres ; et vis-à-vis, un petit foyer avec dénudation du sternum. Les 2%, 3o, 4° et 5° côtes gauches présentent en avant des ulcérations entamant le quart et même la moitié de leur épaisseur, avec quelques points noirâtres. Mais le foyer principal était vers l'union des cinq dernières vraies côtes gauches au sternum; toutes ces articulations étaient détruites, les os à nu et ulcérés; le sternum en particulier, érodé sur ses deux faces, avait subi inférieurement une perte de substance qui l'avait divisé en deux fragmens; partout l'ulcération était d'un brun noirâtre. A la face antérieure on retrouvait le périoste sternal à compter de la quatrième côte à droite et de la troisième à gauche jusques en haut; ce périoste était adhérent à l'ordinaire, à peine altéré, et comme lardacé en quelques points. A la face interne, le sternum en était recouvert à peu près dans la même étendue; le périoste était noirâtre, mais peu altéré dans sa consistance et adhérent à l'os comme à l'ordinaire. Au-dessous de lui, l'os était blanc, d'aspect normal, semé néanmoins de légères taches noirâtres. Du reste, le pus s'était creusé un foyer à parois lardacées dans le médiastin sous le sternum revêtu de son périoste; c'est de là que venait cette énorme quantité de pus qui émergeait par les dix ouvertures indiquées. Les cartilages des cinq dernières vraies côtes gauches étaient fortement érodés et ulcérés; d'ailleurs ils avaient la blancheur et la consistance normales; on n'y voyait pas un vaisseau.
Le poumon droit était sain, seulement un peu lardacé au voisinage du sternum; le gauche tout entier était induré,
comme lar.lacé, criblé de pus, totalement adhérent aux côtes, et communiquant par plusieurs fistules avec le foyer sous-sternal.
Les altérations des autres viscères importent peu à notre sujet.
Voilà l'ulcération des cartilages passée sous silence par la plupart des auteurs. Je l'ai retrouvée encore avec des circonstances semblables sur les deux arythénoïdes dans un cas de phthisie laryngée. Dusault en a cité aussi un cas dans son Journal de Chirurgie.
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Nous avons vu sur ce malade se former ces ulcérations; pus en sortir avec les caractères du pus osseux; et alors il était inodore. Par la suite, le pus était lié et fétide. Cela provenait sans doute de ce qu'il était sécrété pour la plus grande partie par les parties molles, et qu'il était soumis non pas seulement à l'air extérieur, mais au courant sans cesse renouvelé de l'inspiration pulmonaire.
Les os étaient noirs en plusieurs points, noirâtres et comme superficiellement colorés en d'autres. Est-ce bien là, après tout, un signe de gangrène ? Quand la partie noire est sèche, cassante ou ramollie, friable, mais privée de sucs, on peut affirmer qu'il n'y a plus vie; mais dans cette simple coloration, semée ça et là au milieu d'un os sain d'ailleurs, cela peut exciter le doute. Dans l'observation précédente, il était difficile déjà de prendre ces taches noirâtres pour la gangrène. Les tissus mous n'étaient-ils pas noirâtres, même assez profondément dans celle-ci, sans qu'on pût en aucune façon accuser la gangrène? En voici un cas plus remarquable encore.
Obs. IX.--Un individu à cheveux noirs, squelette robuste et bien constitué, nous vint de la salle 21 à l'amphithéâtre. Il portait deux ulcères fistuleux, noirâtres, l'un à l'aîne gauche, l'autre à la région lombaire droite. Le premier communiquait par un large canal creusé sous le mus
cle psoas avec la face antérieure dénudée du sacrum; la dernière vertèbre lombaire était aussi dénudée; le cartilage intermédiaire disparu; les deux symphyses sacro-iliaques aussi disjointes, rugueuses, et comme superficiellement ulcérées. Tous ces os étaient d'uu noir foncé dans une épaisseur de plusieurs lignes, secs et durs, sans aucune odeur. Mais le canal muqueux accidentel lui-même avait une teinte noire ardoisée très-foncée, quoique rien dans sa texture ou son aspect n'annonçât la gangrêne. Le muscle psoas était entièrement lardacé.
L'autre ulcère communiquait avec une affection toute pareille de la crête iliaque droite. Le canal des chairs était également noirâtre. Le psoas de ce côté rempli de foyers purulens petits, nombreux, indépendans. Les pieds étaient légèrement infiltrés; on en trouva la raison dans une phlébite des veines crarales, chose presque constante dans ces infiltrations. Depuis l'origine de l'hypogastrique jusqu'à mi-jambe, ces veines étaient remplies de caillots noirs, consistans, qui prenaient une teinte un peu blanchâtre vers l'artère crurale.
Du reste les chirurgiens ont eu assez souvent occasion de se convaincre, dans la hernie étranglée, qu'il ne faut point s'en laisser imposer par la couleur noire de l'intestin.
Ce même état d'ulcération noirâtre se remarque aussi bien dans les articulations que partout ailleurs : nouvelle preuve, s'il en était besoin, que l'affection est bien propre aux extrémités osseuses et non aux cartilages.
Obs. X.-Une amputation de jambe fut faite, salle 20, dans les derniers jours de 1828, pour affection de l'articulation tibio-tarsienne. A la dissection nous trouvâmes une douzaine de trajets fistuleux allant de l'extérieur à l'articulation tibio-tarsienne, et contournant tous les tendons sans les toucher; au contraire des foyers de pus dans le bas de la jambe avaient envahi le corps des muscles.
qui était rouge, endurci, lardacé. Autour de l'articulation une couche énorme de graisse qui à elle seule formait presque toute la tumeur. Les ligamens convertis en une substance rouge et fongueuse, molle, facile à rompre. Plus de cartilage ni de synoviales. Les surfaces osseuses nues, ulcérées, dures et absolument noires.
Nous noterons ici le respect des trajets fistuleux pour les tendons et cet amas de graisse autour de l'article. Dans une autre observation, nous avons vu les tendons affectés, mais l'affection avait alors très-probablement débuté par leurs bourses muqueuses.
Obs. XI.- Un individu fut apporté à l'amphithéâtre d'une salle de médeciue. L'autopsie démontra qu'il avait succombé à une phthisie complète. Tubercules crus et cuits, cavernes, rien n'y manquait. En arrachant le lobe supérieur du poumon droit, qui avait, avec la plèvre, des adhérences de longue date, je sentis des aspérités osseuses; et y portant toute l'attention convenable, je trouvai une ulcération avec couleur noire très-foncée et consistance normale de la tête de la première côte et de la face correspondante de la première vertèbre. Chose remarquable, il n'y avait aucun vestige de pus ni d'autre sécrétion morbide.
Brodie a rencontré plusieurs de ces cas où les cartilages et les os semblaient ulcérés sans matière. Etait-ce absorption pure et simple des parties dures ou plutôt absorption du pus produit? Cette dernière opinion me semble la plus probable, surtout si on la compare avec les observations de Brodie, qui a pu diminuer le volumé des abcès de ce genre par les cautères; et de M. Larrey, qui plusieurs fois dit les avoir fait complètement résorber.
La teinte noire était ici très prononcée, quoique Weidmann enseigne que la couleur noire ne vient que du contact de l'air. Il cite à l'appui une observation assez curieuse
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d'un séquestre qui devint noir dans la partie exposée à l'air, tandis que la partie encore cachée dans le pus et les chairs était demeurée blanche. Peut-être d'ailleurs objecterait-on qu'ici il aurait pu y avoir accès de l'air par une fistale pulmonaire, ce qui, quoique peu probable, ne serait point impossible. Nous rappellerons l'observation de Brocard, où nous trouvâmes un commencement de coloration noirâtre; mais celle qui suit sera plus concluante
encore.
Obs. XII.- Un soldat de 25 à 30 ans entra salle 20, lit 12, avec un gonflement énorme du genou et des douleurs atroces qui ne lui laissaient aucun instant de sommeil. Les sangsues, les opiacés à l'intérieur et à l'extérieur, rien n'y fit; deux incisions qui intéressaient toute la peau, pratiquées par M. Gama sur les côtés de l'article, parurent apporter quelque soulagement; mais il dura peu, et le malade se décida à l'amputation qui fut faite vers le milieu de novembre.
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A l'autopsie, il apparut que cet énorme gonflement venait 1.o d'une grande quantité de graisse accumulée autour de l'article; 2°. du gonflement de la synoviale ; 3. d'un amas de sérosité purulente dans l'article. Une fistule ouverte au dehors communiquait avec un foyer dle pus situé entre le tibia et le péroné; divers autres foyers occupaient le corps des muscles de la jambe; aucun n'allait dans l'articulation même.
La synoviale était fongueuse, très-épaissie, excepté sur les surfaces esseuses; les cartilages articulaires étaient sains sur la rotule; à la partie antérieure du fémur ils étaient blancs, minces, secs, comme une feuille de parchemin; au-dessous une pulpe rougeâtre les séparait de l'os qui était blanc, dur, et ne différait pas de l'état sain; sur les condyles du fémur et du tibia, même aspect des cartilages; au dessous d'eux une pulpe rougeâtre, puis
les os ayant une teinte noirâtre assez marquée. En quelques points le cartilage avait totalement disparu; les os à nu paraissaient ramollis, offrant une teinte brune mêlée de quelques taches grisâtres et de quelques points rougeâtres. Le fémur et le tibia étant sciés selon leur longueur, je trouvai que la teinte noire avait deux à trois lignes de profondeur, et allait en s'affaiblissant, passant au gris et se confondant avec la couleur jaunâtre naturelle aux os. Le ramollissement ne s'étendait pas plus loin.
Nous retrouvons ici la graisse accumulée autour de l'article, l'érosion des cartilages par leur face osseuse; l'utilité des incisions à la peau pour calmer la douleur ; et le ramollissement rouge passé jusqu'au noir. Il n'y avait certainement aucune communication avec l'air.
D'un autre côté on se figurerait à tort que l'exposition à l'air noircit inévitablement une gangrène osseuse. Dans la V observation, l'escarre de l'os était grisâtre quoique mise à nu depuis long-temps. Le cas suivant, en nous montrant une nouvelle forme de la gangrène du tissu osseux, prouve que la couleur noire ne lui est point nécessairement inhérente (1).
Obs. XIII.- Un malheureux soldat fut placé dans la salle 16, lit 4, pour un ulcère cancéreux sous la mâchoire. L'ulcère saignait à chaque pansement et répandait une odeur tellement insupportable qu'enfin il fallut évacuer le malade dans une salle isolée. L'engorgement des glandes et la profondeur du mal défendaient de songer à aucune opération. Après avoir langui long-temps, il mourut.
L'ulcère qui avait débuté par la peau avait ensuite envahi la branche et tout le côté droit de l'os maxillaire.
(1) Nous venons d'en voir récemment à l'Hôtel-Dieu un exemple bien plus remarquable. Un séquestre fort étendu du tibia exposé à l'air depuis très-long-temps, était anssi blanc en ce point que dans la portion cachée dans les chairs.
Cet os était gris-jaunâtre, friable, sec, et s'en allait en fragmens dès qu'on le touchait. Les dents contiguës au tissu mortifié n'avaient nullement souffert.
On pourrait dire que c'était là une des faces du cancer de l'os, puisque le mal ne provenait que de l'empiètement d'un ulcère cancéreux. Mais ce mot de cancer est luimême si vague et s'applique à des affections si diverses qu'il ne saurait trouver place en anatomie pathologique.
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Quelle qu'en fût la cause, il y avait mort de l'os, gangrène; seulement avec des circonstances dépendant de la maladie primitive.
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Jusqu'à présent nous n'avons guère parlé que de la gangrène survenue après l'inflammation ou l'érosion, et non de la gangrène isolée de toute maladie de l'os antérieure. C'est ce dernier point qui a été le mieux étudié: l'histoire des séquestres a été travaillée sous tous les aspects. Mais comme alors le plus souvent on n'a pu faire l'étude anatomique des séquestres qu'après un long temps durant lequel il avait subi de nombreuses influences, nous rapporterons un cas bien tranché de sphacèle osseux complet.
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Obs. XIV Une femme de 40 ans entra à l'hôtel-Die'i le 15 juillet 1832, pour une gangrène commençante de la jambe droite. M. Dupuytren reconnut une artérite de
la fémorale et même de l'iliaque de ce côté; cinq saignées répétées à courts intervalles n'arrêtèrent que faiblement les progrès du mal; et quand la malade succomba le 19 août suivant, toute la jambe était sphacélée, et la gan
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grène montait déjà au tiers de la cuisse.
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Je passe sous silence les détails de l'autopsie qui n'ont point trait à mon sujet. Le tibia et le péroné étaient d'un blanc pâle, grisâtre, la moelle de même couleur; le périoste aussi adhérent que dans l'état naturel.
Il semblerait dès lors que l'os est réduit à l'état cadavé
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rique pur; il faut toutefois admettre une différence, signaléc surtout par la faculté de l'os sphacélé de noircir au contact de l'air. Nous avons déjà rappelé le cas cité par Weidmann; et les observations analogues ne sont point rares dans la science.
Le sphacèle, ou la nécrose, comme on voudra, attaquait à la fois les épiphyses et la diaphyse des os. Mais hors des cas d'une gangrène générale, cette gangrène sèche, sans inflammation, là nécrose enfin, peut-elle atteindre isolément le tissu spongieux ? La chose est désormais hors de doute. J. L. Petit avait déjà vu la rotule entière ainsi frappée de mort (1); M. Blandin a cité un fait analogue pour l'olécrane (2); M. Cruveilhier a vu une nécrose du calcaneum (3); et il y a trois ans, M. Roux a été obligé de dégager par une opération un séquestre partiel de ce même os. J'ai vu à la Société anatomique une pièce présentée par M. Blandin où presque tous les os du tarse étaient tout à fait secs, noirs, durs; le périoste adhérant encore en plusieurs points, Enfin j'ai eu occasion de traiter dans les salles de chirurgie de l'hôpital Ordinacki à Varsovie, un de ces malheureux soldats de Grochow, qui avait eu les orteils gelés en bivouaquant dans la neige. Les orteils étaient tombés ; les têtes des cinq métatarsiens étaient dénudées, noires, dures et brillantes comme l'ébène ; la séparation s'en fit attendre plusieurs mois.
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Je ne veux point accumuler davantage les observations anatomiques. Il importe maintenant d'en tirer quelques conséquences pour l'histoire pathologique du tissu osseux, et d'abord de rechercher la cause de la confusion qui règne à ce sujet et dans les mots et dans les choses, et chez les chirurgiens des âges antérieurs et dans les écrits des modernes. Ce sera le sujet d'un autre article.
(2) Mal. des os, t. II, p. 481.
(2) Séance publique de la Société anatomique ; 1829, p. 17. (3) Ibid.
MEDECINE ÉTRANGÈRE.
Altérations des reins qui se manifestent pendant la vie par la présence d'un excès d'albumine dans l'urine; par J. CRAUFURD GREGORY, M. D., médecin de l'Infirmerie royale d'Edimbourg (1). ( III.° article. )
D. Cas dans lesquels les malades sont sortis de l'hôpital soulagés ou guéris en apparence.
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Obs. XLVI Elisabeth M Cabe, âgée de 18 ans, entra à l'infirmerie le avril 1831 9 pour douleur continuelle dans les reins, qui augmentait par la pression et par les mouvemens d'inspiration. Urine rare, œdème aux pieds et aux mains, nausées, mais pas de vomissemens; peau chande, pouls dur et donnant 1 20 pulsations par minute. Cette affection, que la malade attribuait à un refroidissement subit, s'était déclarée sept jours auparavant par une douleur dans le dos qui fut suivie d'une diminution de la quantité d'urine et d'un commencement d'œdème. Les douleurs lombaires continuèrent malgré l'application de nombreuses sangsues, mais elles diminuèrent, et disparurent même complètement, après une saignée du bras qui donna douze onces de sang couenneux; il en fut de même de l'œdème. Le 12 l'urine, qui était devenue plus copieuse, donnait un précipité floconeux très-abondant par la chaleur, et sa pesanteur spécifique était de 1019; le 13 elle était moins coagulable et sa pesanteur spécifique n'était plus que de 1015; enfin le 15, sa coagulabilité n'existait plus; sa pesanteur spécifique était de 1016, et sa quantité
(1) The Edinburgh Med. and Surg. Journal, janvier 1832. V. les deux premiers extraits, tome XXVIII, p. 184, et tome XXX, p. 374.
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était presque naturelle. La malade sortit le 19 ne souffrant plus, et ne conservant qu'un peu de fréquence du pouls. Deux jours après elle rentra à l'hôpital; elle s'était de nouveau exposée au froid, et les douleurs lombaires avaient reparu plus violentes que jamais et avec elles la coagulabilité de l'urine, dont cependant la quantité était presque naturelle et la pesanteur spécifique de 1022, 5. Des ventouses scarifiées sur les lombes firent cesser les douleurs. On administra à la malade de la crême de tartre, la scille et les laxatifs; et sous l'influence de ces moyens, l'urine dont la quantité ne dépassa guère la limite naturelle, devint d'une couleur très claire; sa coagulabilité diminua progressivement et sa pesanteur spécifique resta variable entre 1010, 5 et 1017. Elisabeth sortit une seconde fois en apparence guérie le 16 mai; mais le 27 du mois suivant elle revint pour la troisième fois, présentant les mêmes symptômes que précédemment; seulement l'urine n'était plus albumineuse, elle était peu foncée en couleur, assez abondante et d'une pesanteur spécifique variable entre 1008 et 1023. De nouvelles ventouses scarifiées, un vésicatoire et quelques autres moyens firent encore disparaître les accidens, et elle sortit le 20 juillet. M. Gregory n'a plus entendu parler de cette fille; mais il ne doute pas que tôt ou tard la maladie ne reparaisse plus grave et ne mette un terme à ses jours.
Obs. XLVII. - John Sinclair, âgé de 40 ans, pêcheur, fut admis à l'infirmerie le 14 mai 1830 avec un œdème considérable des jambes qui s'étendait jusqu'aux genoux, qui existait depuis six mois environ, et qu'il attribuait à un refroidissement qu'il avait éprouvé étant à la mer. Le malade ne se plaignait d'aucune douleur et n'offrait aucun symptôme fébrile, ni aucun signe d'affection du cœur ou du foie. La quantité d'urine avait considérablement diminué; mais elle devint en peu temps très abondante par l'em
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ploi de la crême de tartre. Le 15 ce liquide, examiné avec soin, était très - albumineux ;sa densité était de 1101. L'œdème diminua rapidement, et le 19 le malade sortit guéri.
Obs. XLVIII. - Mrs Laird, âgée de 63 ans, fut prise, après s'être exposée au froid et à l'humidité, d'une douleur à la partie antérieure de la poitrine, avec toux, expectoration, un peu de dyspnée et quelques palpitations. Une quinzaine de jours après l'apparition de ces symptômes il survint un gonflement œdémateux de la figure et des mains, accompagné de douleur continuelle dans la région lom+ baire, diminution de la sécrétion urinaire, nausées et vomissemens peu fréquens. Elle fut reçue à l'infirmerie le 19 mai 1830. A cette époque l'œdème de la face et des mains avait disparu, mais il avait envahi les jambes. La partie inférieure de l'abdomen était gonflée, mais sans fluctuation distincte. L'urine, d'une couleur foncée, était très-rare, d'une pesanteur spécifique de 1025, et par la chaleur, fournissait un précipité floconneux trèsabondant. La respiration était rapide, le pouls irrégulier sous le rapport de sa force et de sa fréquence. L'auscultation ne laissait aucun doute sur l'existence d'une affection catarrhale; mais il n'y avait aucun signe de maladie du cœur. On mit en usage la crême de tartre, la digitale et la scille, et sous l'influence de ce traitement, l'œdème disparut graduellement; la respiration devint facile et rẻgulière et la sécrétion de l'urine très-abondante. Le 25, la quantité de ce liquide était de 10 livres et il ne coagu. lait plus par la chaleur; le 27, l'œdème avait presque complètement disparu; le 12 juin, l'urine, qui avait repris sa couleur naturelle, était revenue à sa quantité ordinaire, et la malade sortit guérie.
Obs. XLIX. - Margaret Campbell, âgée de 40 ans, entra à l'infirmerie le 3 mars 1829. Elle présentait un
gonflement du ventre avec fluctuation obscure et un œdème des jambes, qui dataient d'une dixaine de jours. L'urine était rare, d'une couleur rougeâtre depuis l'invasion de la maladie qui avait commencé par des douleurs dans la région lombaire. En outre cette femme se plaignait de vomissemens, d'une toux fréquente avec expectoration abondante, et présentait plusieurs des signes de la phthisie pulmonaire. Au moment de son admission, son urine coagulait par la chaleur, et cette coagulabilité persista plus ou moins forte pendant le séjour de la malade dans les salles de M. Gregory. Sous l'influence de la crême de tartre, l'urine devint beaucoup plus abondante et tous les symptômes d'hydropisie diminuèrent graduellement ; le 12 ils avaient entièrement disparu, et le 28, la malade sortit dans un état très-satisfaisant, mais présentant encore plusieurs signes de phthisie.
Obs. L.-Mary Ewart, âgée de 32 ans, fut prise, deux mois avant son admission à l'infirmerie le 12 février 1830, de nausées et de vomissemens à la suite d'une constipation opiniâtre. Au moment de son entrée, le ventre était énormément tuméfié; mais ce gonflement paraissait tympanique et sans fluctation distincte. Il n'existait pas d'œdème; les évacuations alvines étaient nulles, et la malade se plaignait de flatuosités et d'autres symptômes dépendant d'un état dyspepsique et hystérique. L'urine était très-peu abondante, foncée en couleur et fortement coagulable par la chaleur; le 21 sa couleur était plus claire et l'application de la chaleur ne fit que la troubler un peu; sa pesanteur spécifique était de 1013, 5. Le 27 elle était devenu de nouveau très-coagulable. On employa alternativement la scille et les laxatifs, et le gonflement de l'abdomen diminua graduellement à mesure que l'urine devint plus abondante. Le 2 juin, Mary Ewart sortit dans un état très-satisfaisant.
Obs. LI -Thomas Forrest, âgé de 45 ans, ouvrier, entra le 18 décembre 1829 à l'infirmerie, présentant ungonflement de l'abdomen avec fluctuation manifeste, œdème des extrémités inférieures, un peu de toux et de gêne dans la respiration. L'urine était peu abondante, d'une conleur foncée, très-albumineuse et d'une pesanteur spécifique de 1025; le pouls fréquent et plein, mais sans indice de maladie de cœur. Une saignée de douze onces et l'emploi de la crême de tarire et de la scille, et plus tard de la digitale, augmentèrent la quantité d'urine qui cependant ne dépassa pas l'état naturel, et diminuèrent peu à peù l'œdème. Le malade sortit le 10 janvier 1820, ne conservant plus qu'un peu de dureté et de ballonnement de l'abdomen. LII Obs. Margaret Kay, veuve, âgée de 60 ans, éprouvait depuis deux mois de la douleur dans la région du sternum, de la dyspnée, de la toux avec expectorătion peu abondante, lorsqu'elle entra à l'infirmeric le 24 juillet 1831. La malade rapportait ces accidens à l'action du froid et à une fatigue excessive. Le ventre était gonflé, mais sans fluctuation, et il existait un peu d'œdème aux mains et aux pieds. L'examen de la poitrine ne laissa aucun doute sur l'existence d'une affection catarhale. Le pouls était fréquent, plein et dur. On pratiqua une saignée de seize onces et on administra une solution de tartre stibié, avec beaucoup d'avantage. L'urine était le lendemain assez abondante, d'une pesanteur spécifique de 1010, et se troublait par l'application de la chaleur. Le 20 l'œdème avait disparu, et quoique la toux persistât que le pouls conservât de la fréquence, la malade qui se disait guérie sortit d'après sa demande.
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L'auteur fait observer que c'est seulement la faible pesanteur spécifique de l'urine qui l'a porté à ranger çette observation avec les autres; car ce liquide était à peine albumineux et d'ailleurs les symptômes existans ne lais
saient aucun doute sur la présence d'une inflammation des organes thoraciques.
LIII Obs. Catherine Reid, mariée, âgée de 40 ans, fut admise à l'infirmerie le 9 août 1831, se plaignant d'une douleur très-forte dans la région lombaire et augmentant par la pression, d'un sentiment de constriction tout autour du ventre et d'élancemens passagers qui se propageaient dans le bassin et dans les cuisses. L'abdomen, vers l'ombilic et l'hypochondre droit, était d'une sensibilité extrême, un peu distends, mais sans fluctuation distincte. D'ailleurs constipation opiniâtre, langue sale, pouls presque naturel. Ces accidens dataient d'environ cinq mois, et la malade les attribuait à la fatigue qu'elle avait éprouvée en portant un lourd fardeau à une assez grande distance, fatigue qui fut suivie d'une métrorrhagie très-abondante, qui se renouvela plusieurs fois et s'accompagna d'un œdème des pieds et des mains. Au moment de son entrée, les symptômes d'hydropisie avaient presque complètement disparu. L'urine était rare, peu foncée en couleur, d'une pesanteur spécifique de 1016, et se troublait par la chaleur. Des ventouses scarifiées à la région lombaire, des sangsues sur l'abdomen, enlevèrent les douleurs qui ne reparurent plus; mais des nausées, des vomissemens et une diarrhée abondante qui persista pendant environ un mois malgré l'emploi de l'opium à des doses assez élevées, vinrent retarder la guérison. Pendant tout ce temps l'urine resta peu abondante, et examinée un jour avec attention on trouva qu'elle était d'une couleur jaune paille très-claire, d'une pesanteur spécifique de 1009, qu'elle n'était plus coagulable quoiqu'elle fournît encore un précipité floconneux par les additions du sublimé corrosif, et que sa quantité pour vingt-quatre heures n'était que d'une livre. On employa la crême de tartre à la dose
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d'une demi - once par jour, et l'on vit promptement augmenter la quantité d'urine jusqu'à quatre livres. Sa couleur devint très-claire et sa pesanteur spécifique variable entre 1006 et 1008. En même temps les vomissemens et la diarrhée cessèrent, et le 24 septembre la malade sortit très soulagée. Son urine ce jour-là était redevenue un peu coagulable.
Cette femme revint le 5 octobre, présentant tous les symptômes précédemment indiqués excepté l'œdème, et fut placée dans les salles du professeur Christison. Le 7, la quantité d'urine était de deux livres par jour, d'une couleur pâle, un peu coagulable par la chaleur et beaucoup plus par le sublimé. Elle sortit en bon état de santé le 28 du même mois.
Les observations précédentes ont été recueillies par M. Gregory dans son service à l'infirmerie d'Édimbourg. Les treize qui vont suivre lui ont été communiquées par le professeur Christison.
LIV Obs. Jane Sidney, agée de 21 ans, nɔn mạriée, éprouvait depuis près de cinq ans des douleurs dans la région lombaire, et depuis deux ans des douleurs dans le bas-ventre revenant par intervalles et s'accompagnant d'un sentiment douloureux après l'émission des urines. Elle entra à l'infirmerie vers la fin d'août 1829. L'urine variait en quantité de une à deux livres par jour; sa pesanteur spécifique était de 1017, 5; elle présentait un dépôt muqueux très abondant, et après l'avoir filtrée sa couleur était très-pâle et elle coagulait fortement par la chaleur.
La malade resta à l'hôpital jusqu'au milieu d'octobre et fut renvoyée guérie. Les douleurs de reins et la dysurie reparurent plusieurs fois pendant le traitement, qui consista en plusieurs évacuations sanguines par les sangsues et les ventouses scarifiées, et dans l'emploi de la
scille, de l'opium et de la crême de tartre. Ces moyens, et surtout les premiers, eurent un plein succès contre les douleurs lombaires, mais ne déterminèrent jamais une augmentation sensible de la sécrétion urinaire.
LVe Obs. Alison Murray, âgée de 38 ans, fut admise vers le milieu de décembre 1829, pour une affection catarrhale; mais un examen attentif fit reconnaître tous les symptômes d'une maladie organique des reins; c'est-à-dire, une douleur sourde dans la région lombaire, une sécrétion d'urine s'élevant à sept livres par jour, sans que la malade fit usage d'aucun diurétique; une couleur très-rouge de ce liquide qui était fortement coagulable, et dont la pesanteur spécifique n'était que de 1008; du reste, pas d'œdème ni de gonflement de l'abdomen. Cependant, en questionnant la malade on apprit que deux ans auparavant elle avait eu une hydropisie avec gonflement considérable des membres, du ventre et de la face, accompagnée d'une diminution très-grande de la sécrétion de l'urine, et qui persista pendant environ quinze jours. Des ventouses scarifiées firent cesser complètement les douleurs, les symptômes de l'affection catarrhale disparurent et, après un séjour d'une quinzaine de jours, elle quitta l'hôpital dans un état de santé très satisfaisant; seulement l'urine était encore un peu plus abondante que d'ordinaire et conservait un peu de coagulabilité et une pesanteur spécifique moindre que dans l'état sain.
•LVI. Obs. Catherine Murray, âgée de 28 ans veuve, était affectée depuis un an d'une maladie grave de l'appareil urinaire, lorsqu'elle entra à l'infirmerie vers la fin de janvier 1831. Toutes les deux minutes cette femme éprouvait une douleur violente vers la partie postérieure du bassin, qui la forçait à expulser l'urine contenue dans la vessie. Les menstrues avaient été longtemps irrégulières et avaient complètement cessé depuis
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sept mois environ. La malade était dans un état de maigreur et de faiblesse musculaire extrême; le pouls était fréquent et vif, cependant l'appétit était bon, et les digestions naturelles. La quantité d'urine variait de 64 à 96 onces par jour; elle était quelque fois teinte de sang, coagulait très-manifestement par la chaleur et avait une pesanteur spécifique de 1014. Le cathétérisme ne fit découvrir aucune pierre dans la vessie. Le traitement mis en usage consista dans l'application répétée de sangsues à la région lombaire, puis dans l'ouverture d'un cautère dans la même partic; en outre on employa chaque soir un suppositoire opiacé, et de temps en temps quelques légers purgatifs. Ces moyens produisirent un soulagement marqué; les douleurs en urinant devinrent supportables et la micturition beaucoup moins fréquente. Vers le milieu de février, les règles parurent, mais n'amenèrent pas de changement dans l'état de la malade; seulement l'urine devint un peu plus coagulable et sa pesanteur spécifique tomba à 1013. Quelques frissons suivis de sueur, mais sans accélération du pouls, se manifestèrent ensuite. Vers la fin de février, on résolut d'essayer l'emploi du mercure et on administra un grain et demi de calomel trois fois par jour. A peine cinq doses avaient-elles été prises, que la fétidité de l'haleine annonça la salivation qui se manifesta en effet avec une grande violence. On la combattit facilement par l'application des sangsues sous la mâchoire et par des garga rismes dans lesquels entrait à hautes doses l'acétate de plomb. Pendant la salivation la micturition diminua ; la quantité d'urine s'éleva de 4 à 6 livres par jour; vers la fin ce liquide, dont la pesanteur spécifique était de 1014, prit une couleur rouge de sang et se montra fortement coagulable par la chaleur. Le 6 mars, la salivation avait presque cessé ; l'urine s'élevait à 32 onces
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par jour, coagulait encore abondamment, mais était rendue toutes les deux heures seulement et sans douleurs. L'amélioration continua, et le 11 juin, la malade sortit dans un état de santé très-satisfaisant; seulement l'urinc était encore coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1012.
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Obs. LVII.-Catherine Keith, âgée d'environ 30 ans, mariée, avait été sujette, depuis deux ans, à des dérangemens des fonctions digestives, à de la dysurie, à des hémorrhoïdes, et à des gonflemens œdémateux des jambes. Elle fut admise à l'infirmerie, vers la fin de novembre 1829, dans l'état suivant : douleurs ordinairement sourdes, mais quelquefois aiguës, dans la région lombaire et dans le creux de l'estomac, augmentant après l'ingestion des alimens et que le vomissement dissipait; pas d'œdème, amaigrissement très-grand, pouls fréquent et faible. Après son entrée, la malade rendait à peine quatre onces d'urine dans les vingt quatre heures, et elle était quelquefois des journées entières sans uriner une seule fois. L'urine déposait un sédiment abondant d'un rouge brique; sa composition chimique ne fut pas examinée. Le 2 décembre, après de vives douleurs de reins et pendant l'écoulement des règles, la malade rendit par l'arètre une très-grande quantité de sang légèrement coagulé, et pendant deux jours le liquide évacué de la vessie ressemblà beaucoup plus à du sang qu'à de l'urine. Cet écoulement amena un soulagement très-marqué. Le 5, l'urine était d'une couleur brune-rougeâtre peu foncée, un peu boueuse, très-coagulable, d'une pesanteur spécifique de 1010, et en quantité moindre que dans l'état de santé. On appliqua des sangsues et des ventouses scarifiées aux lombes; on administra la scille et l'opium, la rhubarbe et la magnésie et plusieurs autres remèdes, et on obtint une amélioration progressive. L'urine revint
graduellement à sa quantité naturelle; sa coagulabilité di-minua, et le 14 elle avait une couleur presque naturelle, se troublait seulement un peu par la chaleur, avait une pesanteur spécifique de 1017, 5; et pour 24 heures s'élevait à 32 onces. Le 21, elle était de 22 onces, et sa pesanteur spécifique était montée à 1,025. Vers cette époque on observa, le soir, un peu d'œdème au bas des jambes; mais ce symptôme, qui paraissait et disparaissait suivant l'état des urines, fut toujours très-peu consirable. On joignit la digitale à la scille et on commença l'administration du calomel qu'on fut obligé de cesser au bout de cinq jours à cause d'un commencement de salivation. Malgré l'usage des diurétiques, la quantité d'urine diminua de nouveau peu à peu jusqu'à quelques onces dans la journée; les douleurs lombaires et tous les autres symptômes reparurent. Il s'y joignit une douleur vive dans la région iliaque droite, une micturition très-douloureuse et des nausées presque continuelles. Trois nouvelles applications de ventouses scarifiées et l'addition de la crême de tartre aux diurétiques déjà employés, rétablirent encore une fois le cours des urines; mais la quantité de ce liquide resta très-variable, de 8 ɔnces à 6 livres par jour, et sa pesanteur spécifique de 1010,5 à 1030. La dernière fois qu'on l'examina, le 22 mars, sa quantité était naturelle, sa couleur normale, ne coagulant plus du tout, et sa pesanteur spécifique de 1025. Quelques dérangemens des fonctions digestives retardèrent encore la guérison de la malade qui sortit enfin bien rétablie le 4 mai 1830. "
Obs. LVIII. Christian Gray, âgée de 40 ans, d'une constitution pléthorique et menant une vie très dissipée, entra, le 30 novembre 1830, à l'infirmerie, pour s'y faire soigner d'une hydropisie avec symptômes inflammatoires graves. Elle rapporta qu'après avoir éprouvé pendant trois
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semaines ou un mois une très-grande gêne dans la respiration, elle avait été prise, quelques jours avant son admission, de céphalalgie, de vertiges, d'étourdissemens, de tintemens d'oreilles, d'épistaxis, de gonflement emphysémateux de la région sous-maxillaire et des membres, et eufin d'un gonflement marqué de l'abdomen. Au moment de son entrée à l'hôpital, elle était dans l'état suivant pouls dur et donnant 96 pulsations par minute; peau chaude, face colorée, urine d'une couleur rouge cerise, d'une pesanteur spécifique de 1018, 5, un peu coagulable par la chaleur, et en quantité ordinaire. On pratiqua une saignée de vingt-six onces au bras, ce qui amena un soulagement immédiat, une diminution de l'enflure hydropique et un changement de couleur de l'urine qui, au bout de quelques heures, se montra d'une couleur jaune et laissant déposer un sédiment briqueté trèsabondant qui se dissolvait par la chaleur. Le lendemain la pesanteur spécifique de l'urine était de 1020, sa quantité de trois livres pour la journée; elle était devenue un peu coagulable. Au bout de deux jours, la dyspnée et le gonflement hydropique ayant augmenté, et la quantité d'u rine diminué, on revint à la saignée, qui, comme la première, fut suivie d'une amélioration très-manifeste et du rétablissement du cours des urines. Le 8 décembre, l'urine s'élevait à 48 onces par jour; elle était très-légèrement coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1013,5; trois jours après elle déposait un sédiment briqueté, ne coagulait pas du tout par la chaleur. Le 17, malgré l'emploi de la digitale et de la scille, le gonflement du ventre augmenta un peu; une troisième saignée fut pratiquée, qui procura un peu de soulagement. On ajouta aux autres diurétiques la crême de tartre à doses fractionnées. Jusqu'au 4 février l'état de la malade resta à peu près stationnaire; l'urine, d'une couleur naturelle et non
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coagulable, varia dans cet intervalle, de 1018, 5 à 1019 sous le rapport de sa pesanteur spécifique, et de 48 à 88 onces sous le rapport de la quantité. A cette époque l'ascite augmenta de nouveau, quoique la quantité d'urine s'élevât à 96 et 112 cnces par jour; le pouls devint fréquent, 100 pulsations par minute. On fit une quatrième saignée du bras suivie de soulagement très-manifeste. Pendant les cinq semaines suivantes, l'état de la malade continua à s'améliorer, et elle reprit des forces et un peu d'embonpoint. On observa dans cet espace de temps que le sulfate de magnésie, à la dose d'une once tous les deux jours, avait une action diurétique beaucoup plus grande que tous les autres moyens employés jusqu'alors. La quantité de l'urine était de six livres tous les jours où la malade prenait ce sel, et de trois livres seulement les autres jours. Vers le milieu de mars, une violente attaque de rhumatisme, qui nécessita l'emploi d'une cinquième saignée et l'administration de l'ipécacuanha et de l'opium, vint retarder la convalescence, qui marcha ensuite lentement, et la malade sortit de l'hôpital vers le milieu d'avril dans un état satisfaisant. L'auteur de cette observation (M. Christison) fait observer que le sang fourni par les cinq saignées faites à cette femme se montra couenneux à un degré qu'il n'avait jamais observé, excepté dans quelques cas analogues d'hydropisie dépendans d'une maladie des reins.
Obs. LIX.- Isabella Gaylor, âgée de 28 ans, fut admise à l'infirmerie au milieu de décembre 1830. Depuis cinq ans environ les règles étaient supprimées et remplacées par une leucorrhée très-abondante. Un an avant son admission, la malade avait eu une violente attaque de rhumatisme dans les membres, et six mois après elle commença à ressentir une vive douleur dans la région lombaire; quelque temps après, un œdème se manifesta
dans les jambes et s'étendit progressivement au ventre et aux parois de l'abdomen. Au moment de son entrée à l'hôpital, le gonflement œdématcux était peu considérable, mais il existait de la leucophlegmatie, de la sensibilité l'épigastre, une douleur déchirante dans les lombes, des nausées après les repas, un état d'indifférence, d'oppression et d'accablement général. L'urine, quoiqu'on n'eut fait usage d'aucun diurétique, s'élevait à environ dix livres par jour, et pendant tout le séjour de cette femme à l'infirmerie, sa quantité ne fut jamais moindre de sept livres. D'abord elle était modérément coagulable, très-peu colorée et d'une pesanteur spécifique de 1007. Une saignée, des sangsues sur le bas-ventre et quelques laxatifs amenèrent une grande amélioration dans les douleurs lombaires et épigastriques. Après la saignée, l'urine devint très-fortement coagulable, mais peu à peu cette coagulabilité diminua, et sa pesanteur spécifique s'éleva à 1009 et 1010. Vers le milieu de janvier, une fièvre continue qui se déclara, obligea à revenir à la saignée; mais la maladie se termina par une transpiration très-abondante. L'œdème et la tuméfaction du ventre, qui avaient entièrement disparu depuis trois semaines, se montrèrent de nouveau, quoique la quantité d'urine continuât à être de dix livres par jour. Cependant ces symptômes se dissipèrent de nouveau au bout de quelques jours et ne reparurent plus. La malade sortit soulagée, mais non guérie, vers le milieu de mars.
Obs. LX.-Jane Weir, âgée de 25 ans, entra à l'iofirmerie le 23 novembre 1830, avec un œdème des extrémités inférieures, un aspect leucophlegmatique, une douleur dans la région lombaire et beaucoup de fréquence du pouls. Sa santé générale, du reste, était bonne; seulement il y avait une suppression des règles depuis quinze mois. L'urine était pâle, très-abondante, modérément
coagulable, et d'une pesanteur spécifique de 1010,5. On employa la saignée, puis l'opium et la scille, et le 2 décembre la malade sortit guérie; seulement l'urine, dont la quantité était de 128 onces par jour, était encore coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1009,5.
Obs. LXI.-William Graham, âgé de 45 ans, était de retour depuis un an en Ecosse, après avoir servi 29 ans aux Indes Orientales, lorsqu'il fut pris, après s'être exposé au froid et à l'humidité, au mois de février 1831, d'un gonflement hydropique général accompagné de micturitions très-douloureuses avec urines rares et sanguinolentes. Au bout de seize jours, il vint se faire soigner à l'infirmerie. Outre les symptômes que nous venons de signaler, il se plaignait encore de toux et de maux de tête; son pouls était plein et un peu dur, mais non fréquent, et il offrait une leucophlegmatie, générale. La quantité d'urine était d'environ 36 onces par jour; elle était fortement coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1020,5. Le traitement consista en deux fortes saignées, et dans l'emploi de la digitale et de la crême de tartre. Ces moyens n'eurent aucune action sur la sécrétion urinaire, mais duisirent jusqu'à seize selles aqueuses très-abondantes par jour, sans que le malade en ressentit la moindre incommodité. Les symptômes de la maladie disparurent graduellement, et cet homme sortit guéri vers la fin d'avril. Le sang des deux saignées ne présenta presque pas de couenne inflammatoire, et la pesanteur spécifique du sérum ne fut que de 1024. Après chacune de ces saignées, là densité de l'urine augmenta de deux, mais sa coagulabilité resta la même.
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Obs. LXII. Daniel Dornan, âgé de 55 ans, était depuis trente ans sujet à des affections hydropiques, et depuis un an il s'était manifesté des signes d'une maladie des organes thoraciques. Au moment de son admission à
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l'infirmerie, vers la fin de février 1831, il avait un catarrhe pulmonaire très-violent avec emphysème, uue ascite peu considérable et beaucoup d'œdème aux jambes et aux bras; l'urine très-coagulable, d'une couleur à peu près naturelle, avait une pesanteur spécifique de 1020, et ne s'élevait qu'à 10 onces par jour. On pratiqua une petite saignée, et on administra tous les jours la crême de tartre qui produisit des évacuations alvines aqueuses très-abondantes et un peu d'augmentation dans la sécrétion de l'urine. Les symptômes de l'hydropisie ne tardèrent pas à disparaître, ainsi que ceux de l'affection pulmonaire. Onze jours après son entrée, la quantité d'urine était de 44 onces par jour; sa pesanteur spécifique était de 1018, et elle n'était plus du tout albumineuse. Cinq jours après l'urine s'éleva à 60 onces par jour, et sa pesauteur spécifique à 1020. Au bout d'une quinzaine de jours, cet homme sortit presque entièrement débarrassé de son catarrhe pulmonaire et guéri de son hydropisie.
Obs. LXIII.-James Macpherson, âgé de 49 ans, était atteint, depuis plusieurs années, de faiblesse et de douleur dans les reins, lorsqu'il se présenta, le 13 mars 1831, à l'infirmerie, dans l'état suivant: anasarque générale, mais peu considérable; distension tympanique de l'abdomen, sensibilité dans la région épigastrique; sensation de faiblesse dans les lombes; urine un peu plus abondante que dans l'état habituel, d'une pesanteur spécifique de 1015 et légèrement coagulable. On ent de suite recours à l'administration de la crême de tartre, et sous l'influence de ce moyen la quantité d'urine s'éleva bientôt à 160 et 180 onces par jour. Examiné le 22 mars, ce liquide fut trouvé à peine coagulable et d'une pesanteur spécifique de 1012. Trois semaines après le malade sortit dans un état de santé très-satisfaisant.
Obs, LXIV. Robert Phin, âgé de 56 ans, entra à
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l'infirmerie le 17 mars 1831; il présentait des symptômes d'une hypertrophie du cœur, de catarrhe pulmonaire, d'engorgement du foie et d'hydropisie générale, qui dataient déjà de plusieurs années. L'urine, peu abondante, était haute en couleur, d'une pesanteur spécifique de 1023, et légèrement coagulable. Sous l'influence de la crême de tartre et de la digitale, la sécrétion urinaire augmenta en quelques jours jusqu'à 100 et 160 onces par jour, et les symptômes d'hydropisie disparurent trèspromptement. Après un séjour de six semaines, le malade sortit de l'hôpital dans un état très-satisfaisant.
Obs. LXV.-John How, âgé de 20 ans, fut admis à l'infirmerie le 12 mars 1831, pour s'y faire soigner d'une hypertrophie du cœur considérable, compliquée d'hydropisie. L'urine était d'une couleur naturelle, d'une pesanteur spécifique de 1016 et très-coagulable. On fit une saignée au bras, qui procura beaucoup de soulagement, puis on administra la digitale qui porta la quantité d'urine à 160 onces par jour. Il sortit notablement soulagé le 2 avril. Le sang de la saignée était très-couenneux; le sérum était opalin, manquait d'albumine, et sa pesanteur spécifique était de 1024 seulement.
L'espace nous manque pour donner ici, comme nous en avions l'intention, les remarques que les observations précédentes ont suggérées à M. Gregory. Ce résumé sera l'objet d'un quatrième et dernier article dans notre prochain numéro.
REVUE GÉNÉRALE.
MOIS
NOTICE SUR LA DYSENTERIE Qui a régné a Anvers pendanT LES DE NOVEMBRE ET DÉCEMBRE 1831, JANVIER ET FÉVRIER 1832. Par le docteur Gouzée, médecin principal à Anvers, membre de la commission de surveillance médicale de la province, etc. Une dysenterie d'un caractère assez grave a régné l'hiver dernier dans plusieurs provinces de la Belgique. Le mémoire de M. Fallot, qui vient d'être publié en partie dans les Archives, fait connaître les circonstances au milieu desquelles cette maladie s'est développée à l'hôpital militaire de Namur, et les nuances qu'elle y a présentées. Il m'a paru que des détails sur celle qui s'est montrée à Anvers ne seraient pas sans intérêt, d'autant plus que j'ai essayé pour la combattre l'emploi d'un moyen particulier qui a produit d'heureux résultats.
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Il n'est pas hors de propos de dire un mot de la constitution atmosphérique avant et pendant cette épidémie. Je pense à la vérité que des qualités inappréciables de l'air, ócculta aeris diathesis, selon l'expression de Sydenham, donnent naissance aux maladies épidémiques ; mais ces maladies sont puissamment influencées par les vicissitudes de l'atmosphère, et il est utile d'en tenir compte.
De fortes chaleurs avaient régné pendant le mois d'août 1831. Tout le mois de septembre fut humide et froid. En octobre et au commencement de novembre, le temps redevint sec et beau; les malades étaient peu nombreux, les maladies ne présentaient rien de remarquable. A la fin de novembre les pluies froides revinrent, et avec elles parurent de nombreuses diarrhées. Tout le mois de décembre fut froid et humide; à cette époque, les inflammations de la muqueuse du gros intestin furent très-fréquentes, graves, rebelles souvent funestes. La maladie parut à son plus haut degré d'intensité à la fin du même mois et au commencement de janvier. Plus tard, quelques jours de froid sec semblèrent la faire diminuer; mais elle éprouva, à la fin de janvier, une récrudescence très-marquée, coïncidant avec le retour d'une température froide et humide. Les mois de février, mars et avril furent presque constamment secs et froids, et le flux dysentérique ne se montra plus que rarement. La maladie acquit alors une nuance plus légère, et se confondit bientôt avec des cas plus ou moins tranchés de cholérine, lesquels précédèrent l'apparition du choléra.
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C'est au commencement de décembre que je vis les premiers cas de dysenteric, et les circonstances qui en accompagnèrent le développement sont assez intéressantes pour les rapporter ici.
Le nommé Vannonkelen, soldat du 9. de ligne, étant sorti vers le milieu de novembre de l'hôpital militaire de Bruxelles, où se trouvaient beaucoup de malades affectés de colites, pour rejoindre son corps, retomba malade en route, et revint dans sa famille à Eeckeren, village à deux lieues nord d'Anvers. Il eut des selles abondantes, quelques vomissemens, et il mourut deux ou trois jours après son arrivée. Bientôt après, sa sœur aînée tomba malade, présenta les mêmes symptômes, et succomba au bout de huit jours de maladie. Dans l'intervalle, une autre sœur, âgée de quatorze ans, devint malade à son tour, et mourut de même en neuf jours de temps. Ces faits éveillèrent à juste titre l'attention de l'autorité; on redoutait l'apparition du choléra, et la commission médicale de la province fut chargée d'aller faire une enquête sur les lieux. Nous nous y rendîmes le 6 décembre. Cette famille habitait une maison petite, isolée, éloignée du village d'un quart de lieue environ. La dernière malade venait de succomber. Nous y trouvâmes encore sept personnes entassées dans une petite chambre basse, humide, n'ayant pour boisson que de l'eau bourbeuse; l'une d'elles, âgée de sept à huit ans, commençait à ressentir des coliques et de la diarrhée.
Les renseignemens que nous prîmes, l'examen du malade encore existant, l'autopsie du cadavre de la jeune fille que nous allámes faire le lendemain, me convainquirent que c'était une colite dysentérique, et non le choléra, comme on le craignait. En effet, plusieurs militaires entrèrent bientôt après dans mon hôpital, présentant les mêmes phénomènes, et mon opinion, qui avait été partagée par les autres membres de la commission, se changea ainsi en certitude.
Avant de dire un mot de ces phénomènes, il n'est pas inutile de faire remarquer la facilité avec laquelle cette maladie s'est communiquée et propagée dans cette famille. On voit également, dans le mémoire de M. Fallot, que la dysenterie s'est promptement répandue dans l'hôpital militaire de Namur peu après l'arrivée des dysentériques de Louvain. Sans toucher à la question de la contagion, qui est trop ardue, on doit, ce me semble, inférer de ces faits qu'il faut éviter soigneusement d'établir des communications entre des dysentériques et des hommes bien portans ou d'autres malades, surtout quand, dans ces deux derniers cas, les lois les plus importantes de l'hygiène ne peuvent être observées.
Cette famille fut isolée par mesure de prudence. Elle eut encore
deux malades qui se rétablirent. La dysenterie ne se montra pas dans le reste du village.
A Anvers et dans ses environs, la maladie n'exerça pas de grands ravages, si ce n'est dans des cas semblables à celui dont je viens de rapporter des détails, où les lois de l'hygiène ne pouvaient pas être rigoureusement suivies. Elle se montra assez fréquente et grave à l'hôpital militaire, et c'est là que je l'ai observée. Je crois inutile de grossir cette notice d'histoires particulières longues et détaillées, qui ne sont le plus souvent, dans ce cas, que des répétitions fastidieuses d'un petit nombre de faits ; je vais passer aussitôt aux traits les plus tranchés de l'histoire générale de la maladie, considérée dans sa plus grande simplicité. Je terminerai toutefois par deux observations pour faire connaître avec quelques détails un moyen thérapeutique que j'ai souvent employé avec succès.
La maladie s'est fréquemment déclarée à la suite d'un refroidissement, de l'exposition au froid humide, d'une indigestion ; elle attaquait particulièrement les personnes faibles; cependant les constitutions fortes n'en étaient pas à l'abri.
Des selles liquides accompagnées de tranchées sont bientôt suivies de déjections sanglantes, incessamment répétées, accompagnées de coliques vives, de pesanteur et de sentiment de brûlure à l'anus; le sang disparaît peu à peu, et au bout de quelques jours les selles, toujours liquides, deviennent brunes, jaunâtres, moins abondantes, mais extrêmement fatigantes par les coliques et le besoin qu'elles suscitent à chaque instant; l'impression du froid, les lavemens les plus doux, l'usage du lait, de boissons sucrées, de liquides trop abondans, paraissent les augmenter; jusqu'au dernier moment elles ont lieu avec conscience; les premiers jours la langue est blanchâtre, mais elle reprend bientôt sa couleur naturelle; il y a peu de soif, souvent au bout de quelques jours le désir de prendre des alimens se prononce; les dents, les gencives, les lèvres sont nettes, humides; point de douleur abdominale au tact. Le pouls est faible, fréquent dans les premiers temps; il devient petit, entièrement nul les derniers jours, lorsque la faiblesse est à son comble. La chaleur de la peau est d'abord normale, plus tard la peau est plutôt froide que chaude. La face n'offre d'abord rien de remarquable; mais quand la maladie se prolonge et tend à une terminaison funeste, elle devient pâle, terreuse, les yeux s'enfoncent dans les orbites; en même temps Ja maigreur fait des progrès et va jusqu'au dernier degré du marasme. Les facultés intellectuelles demeurent intactes jusqu'au dernier moment; durant les derniers jours, le malade, ressemblant à un squelette, se plaint d'un profond sentiment de faiblesse, sent sa fin prochaine et s'éteint comme une lampe que le combustible finit insensiblement d'alimenter.
La durée de la maladie a été constamment longue. Dans les cas graves elle a été de vingt à quarante jours et plus. Des selles moins fréquentes, plus consistantes, avec cessation des coliques, ralentissement du pouls, retour des forces, annonçaient le plus souvent la diminution de la maladie.
La langue, les gencives, les lèvres, qui conservent presque leur état normal, le peu de soif, le désir de prendre des alimens, l'absence de chaleur morbide à la peau, la conservation intacte des facultés intellectuelles annonçaient assez que la maladie n'existait pas dans l'estomac et les intestins grêles, et la présence des autres signes suffisait pour la faire regarder comme une irritation étendue à la men brane muqueuse du gros intestin. C'est d'après ces données que J'avais porté un jugement sur la nature de la maladie qui s'était déclarée près du village d'Eeckeren, et plusieurs nécroscopies l'ont
confirmé.
En effet les cadavres des personnes qui succombèrent à la maladie dans son état de simplicité, outre un état d'émaciation extrême, offrirent constamment les seules lésions suivantes : la bouche et l'œsophage étaient dans leur état naturel; l'estomac était sain et ne présenta que dans quelques cas des taches superficielles, rosées ou d'un brun clair, sans dégénérescence de la muqueuse; les intestins grêles offrirent parfois des arborisations légères, et souvent ils contenaient des vers lombrics: alors la muqueuse dans les points correspondans était d'un rouge brun, et les ganglions mésentériques voisins étaient tuméfiés. Le gros intestin était le siége de lésions profondes et d'autant plus graves qu'on l'examinait plus en descendant vers l'anus. La membrane muqueuse était épaissie, d'abord rouge, puis brune, puis noire, couverte d'ulcérations arrondies, superficielles, de plus en plus nombreuses et répandant une odeur gangreneuse infecte; souvent cet intestin dilaté dans un endroit, était considérablement rétréci et endurci dans d'autres. Les plaques de Peyer, à la fin de l'intestin grêle, ne présentèrent jamais de lésion
sensible.
Chacun sait qu'on a recours, dans ces maladies, aux applications de sangsues à l'anus ou sur le trajet du colon, aux adoucissans, aux cataplasmes, aux opiacés, etc., joints à une diète sévère. J'ai remarqué toutefois que lorsqu'on n'avait pu traiter la maladie dans son principe et qu'elle était déjà parvenue au degré hémorrhagique, les déplétions sanguines affaiblissaient le malade sans améliorer son état et n'empêchaient pas qu'elle ne parcourût ses périodes comme si l'on n'avait rien fait (1). J'ai cru voir encore que le sucre et les sirops, le lait et ses préparations lui étaient contraires.
(1) M. Dance, dont la science déplore si justement la perte ré
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Un moyen qui m'a très-souvent réussi, même dans des cas qui paraissaient désespérés ; c'est l'application endermique de l'acétate de morphine sur le trajet du gros intestin. Les observations suivantes feront connaître l'emploi et les effets de cette médication.
Obs. Ire. Duyé, fusilier au 5e de ligne, âgé de 21 ans, d'une bonne constitution, ayant la pean blanche et fine, est tourmenté depuis trois à quatre jours de coliques et de diarrhée. Ces accidens s'étant aggravés, il est forcé le 23 décembre 1831 d'entrer à l'hôpital.
Ses selles sont de sang pur, répétées à chaque instant, accompagnées de coliques vives, de pesanteur et de sensation de brûlure à l'anus, la langue est muqueuse, il a peu de soif; le pouls est petit et fréquent, la chaleur normale; il se plaint de froid et d'un sentiment pénible d'affaissement.
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Des applications de sangsues à l'anus, des boissons adoucissantes, des cataplasmes émolliens sur l'abdomen, des lavemens d'amidon laudanisés, des frictious ammoniacales sur le ventre ne produisirent pas d'amélioration. Les selies restèrent sanglantes jusqu'au 29, époque ou elles devinrent brunâtres et très-fétides.
Le 3 janvier, le malade est pâle, faible, amaigri; les selles sont toujours liquides et très-fréquentes, le ventre affaissé laisse apercevoir an toucher des tumeurs dures, mobile et indolentes. (1) Le sentiment de faiblesse est extrême. Deux longs vésicatoires sont appliqués aux deux côtés de l'abdomen, sur le trajet du colon. Toute -autre médication est suspendue.
Le 4, l'état du malade est entièrement le même. Un demi-grain d'acétate de morphine est étendu de chaque côté sur le derme denudé, puis recouvert d'un emplâtre de diachylum gommé.
Le 5, sommeil, calme, diminution du nombre des selles.
Cette application fut réitérée quatre fois, une fois tous les deux jours, et l'amélioration fut prompte, progressive, persistante. Le 8 jour après la première application, les selles étaient redevenues
cente et prématurée, avait fait, dans un mémoire plein d'intérêt, inséré dans les Archives, la même remarque pour les fièvres graves, typhoïdes, les gastro-entérites intenses, les dothinentérites, qui ne sont le plus souvent que l'inflammation de la muqueuse de la partie du tube digestif au-dessus du gros intestin, et j'ai eu un grand nombrc d'occasions de vérifier la justesse de son observation.
(1) Ces duretés ne sont autre chose que des tumeurs stercorales qui restent fixées dans le lieu qu'elles occupent malgré les désordres qui les entourent. Les médecins qui ont porté leur attention sur ce phénomène, qui n'est pas sans intérêt, ont dû commc moi en acquérir la preuve dans leurs recherches sur les cadavres.
naturelles, l'appétit était prononcé. On accorda peu à peu des alimens, la convalescence fut bientôt assurée et Duyé sortit le 6 février en état de reprendre son service.
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Obs. II. Simons, fusilier du 5e de ligne, âgé de 22 ans, d'une constitution faible, ayant la diarrhée depuis quatre jours, entra à l'hôpital le 3 janvier selles extrêmement frequentes, sanglantes, accompagnées de coliques `viyes, de ténesme; ventre souple, légèrement sensible à la pression; enduit blanchâtre à la langue, soif légère; pouls fréquent, chaleur normale, sentiment de faiblesse. On emploie les adoucissans, les cataplasmes émolliens, une diète absolue, et plus tard on a recours au laudanum, etc., mais sans succès.
Le 15, les selles sont devenues insensiblement jaunâtres, mais elles sont toujours liquides, copieuses, très-fréquentes et accompagnées de tranchées; le sentiment de faiblesse et l'amaigrissement augmentent, le ventre est affaissé. (Deux vésicatoires sont placés sur le trajet du colon comme dans l'observation précédente).
Le 16, l'état du malade n'a éprouvé aucun changement par l'action scule des vésicatoires. (Application endermique de l'acétate de morphine comme dans le cas précédent).
Le 17, le malade est calme, les selles et les coliques ont diminué. Le 18, il n'y a eu que six selles dans les vingt-quatre heures, mais il se plaint d'ischurie, dépendant probablement de l'absorption des cantharides. (Même application d'acétate de morphine avec addition de deux grains de camphre en poudre très-fine. Quant au régime on a accordé d'abord du jaune d'œuf mêlé à de l'eau tiède, aujourd'hui on le donne dans du bouillon).
Le lendemain l'ardeur d'urine avait disparu; le 20, il n'avait eu que deux selles dans les vingt-quatre héures. Les forces reviennent, les selles reprennent de la consistance, les coliques ont entièrement cessé. A la fin de janvier il était en pleine convalescence.
Pour m'assurer si l'amélioration obtenue ne provenait pas uniquement de la résolution produite par le vésicatoire, j'ai tardé plusieurs fois deux jours avant de saupoudrer le derme d'acétate de morphine, et l'état du malade restait le même. Ce n'était que sous l'influence de ce sel appliqué ensuite que l'amendement avait lieu.
Il faut observer que dans les cas qui viennent d'être rapportés, je n'ai jamais eu recours à ce moyen dans les premiers temps de la maladie, mais plus tard, lorsque loin de céder aux opiacés et à l'influence d'une médecine expectante hygiénique, elle restait stationnaire, ou montrait même quelque tendance à une terminaison.
Dans deux cas j'ai augmenté la dose d'acétate de morphine jusqu'à deux grains pour chaque application, mais c'était des cas désespérés, et la mort a bientôt eu lieu, soit parce que le narcotique absorbé a
enrayé les mouvemens vitaux déjà extrêmement faibles, soit plutôt à cause des progrès de la maladie.
Le régime exige les plus grandes précautions dans les maladies du tube digestif en général et dans les phlogoses du gros intestin en particulier. L'abstinence des alimens doit être complète les premiers jours; mais plus tard il arrive un temps où il est nécessaire de soutenir les forces du malade par un peu de nourriture, tout en évitant soigneusement d'augmenter l'irritation. Il faut alors, dans les cas qui nous occupent, permettre l'usage de substances nutritives qui sont promptement absorbées sans exiger un grand travail digestif et sans laisser de résidu. Il m'a paru que le jaune d'œuf, délayé dans l'eau, ou dans le bouillon, ou légèrement cuit, selon le cas, faisait très-bien atteindre ce but. J'ai déjà dit que le lait s'est montré uuisible; j'ai observé plusieurs fois que quelques cueillerées de riz-aulait, ou de lait coupé d'eau-de-riz produisirent une rechûte. Il est inutile d'ajouter que les mêmes soins ont dû être continués pendant la convalescence, et qu'on n'accordait des alimens plus solides qu'avec la plus grande prudence et pour ainsi dire en tâtonnant.
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MALADIE CONVULSIVE, REMARQUABLE PAR SA FORME, REVENANT CHAQUE JOUR PAR ACCÈS PÉRIODIQUES DOUBLES, TRIPLES OU MÊME QUADRUPLES L'UN DE CES ACCÈS COINCIDANT AVEC LE LEVER DU MALADE, ET L'AUTRE AVEC LE COUCHER DU SOLEIL ; obs. par Dance.-Un jeune homme, âgé de 22 ans, habitant les environs de Liége appartenant à une honnête famille, se rendit à Paris, dans le mois de mai 1825, pour y prendre les conseils des hommes de l'art, au sujet d'une affection nerveuse convulsive qui le tourmentait depuis quelques années. Il s'adressa d'abord à M. Husson, médecin de l'Hôtel-Dieu, qui eut la bouté de me faire part de la singularité de cette affection et me fournit l'occasion de l'observer par moi-même. Le 16 mai je me rendis dans la soirée auprès de ce malade; il avait l'air de jouir de la meilleure santé et se livrait tranquillement à la conversation avec un de ses amis, lorsque tout-àcoup, à huit heures moins un quart précises, il semble se déplacer de la chaise sur laquelle il était assis et nous rend témoin des phénomènes suivans; mouvement subit du membre supérieur droit dont la main va frapper avec force sur la cuisse du même côté, et se relève incontinent pour se porter en croisant la poitrine au devant de l'épaule gauche; même mouvement du membre supérieur gauche qui va frapper pareillement avec la main sur la cuisse correspondante et se relève aussitôt en se portant vers l'épaule droite. De ces mouvemens résultent quatre chocs qui se succèdent pour ainsi dire en cadence avec une régularité admirable; le premier et le deuxième tiennent à la percussion de la main droite, puis de la gauche sur chaeune des cuisses correspondantes, le troisième et le quatrième dépendent
également de la percussion de la main droite sur l'épaule gauche ; puis de la main gauche sur l'épaule droite. Ces mouvemens ont quelque chose de convulsif et d'involontaire; ils sont d'abord tellement précipités qu'on a peine à les suivre des yeux; au bout de deux minutes et demie ils se ralentissent en conservant leur symétrie, ils cessent enfin pendant une seconde; alors le malade fait une profonde inspiration, et aussitôt les mouvemens recommencent d'abord très-rapides, bientôt ils se ralentissent de nouveau et se suspendent encore après une minute et demie; alors nouvelle inspiration profonde, et aussitôt nouvelle invasion dans les mouvemens qui suivent Ja même marche, mais dont la durée est de plus en plus courte, et qui terminent enfin l'accès après cinq minutes environ. Immédiatement après, le malade quitte sa chaise, se promène avec rapidité dans l'appartement, étend ses bras comme pour se déroidir et reprend son calme ordinaire. Cet accès se compose, comme on le voit, de trois temps distincts, séparés par une courte suspension dans les mouvemens, la durée de chacun d'eux va graduellement en diminuant de longueur, jusqu'au dernier qui est le plus court de tous. Pendant cet accès le malade éprouve un léger vertige, toutefois sans perdre connaissance; il entend les bruits extérieurs, mais ne peut répondre à aucune question et ne conserve qu'un souvenir confus de ce qui frappe alors ses sens; ses traits sont immobiles et non convulsés; il semble occupé à voir ses bras se mouvoir en cadence: aussi a-t-il dit que plus d'une fois surpris dans un lieu public par un accès, les passants se moquaient de lui et croyaient qu'il se livrait à ces mouvemens par une sorte de jeu.
Voici maintenant les renseignemens tout aussi extraordinaires que je tiens de ce malade et d'un jeune médecin (M. Delacharlerie), qui l'a observé plusieurs fois dans son pays: jusques en 1823 sa santé n'a éprouvé aucun dérangement; il n'a jamais eu aucune affection cutanée, dartreuse ou vénérienne, n'est point adonné aux femmes ni aux boissons spiritueuses, il est issu de parens sains. A l'âge de 17 ans il a été sujet à une épistaxis périodique qui s'est supprimée spontanément dans le mois de décembre 1823; peu de temps après il fut pris d'une insomnie prolongée, et plus tard d'une grande fièvre (dite ataxique) avec délire, qui se prolongea pendant neuf jours. C'est à la suite de cette fièvre que le malade tomba la première fois dans les accès convulsifs dont nous venons de parler. Mais ils avaient alors. un autre type et un autre caractère que ceux d'aujourd'hui ; ils étaient longs et irréguliers, s'accompagnaient de perte de connaissance, de prostration du corps et d'écume abondante à la bouche. Sous cette forme, ils ont duré quatre mois, après lesquels ils ont pris un caractère régulier et absolument semblable à celui que j'ai décrit. Ces
accès reviennent trois fois dans la journée; un le matin, au moment même où le malade se lève, un autre, juste à midi, et le troisième le soir au coucher du soleil; le premier et le dernier s'accommodent toujours au lever du malade ou au coucher du soleil et en suivent les variations. Depuis le 10 janvier 1825, le malade ayant éprouvé un vif chagrin de la mort d'un de ses frères, un accès nouveau s'était ajouté aux précédens, il revenait à dix heures précises du matin. Ces quatre accès ont ainsi duré deux mois et demi avec une constante régularité. Au bout de ce temps, l'accès de 10 beures du matin a cessé spontanément; enfin, il y a onze jours, celui de midi a pareillement cessé après une route de vingt lieues que le malade a fait à pied, d'après le conseil de son médecin; en sorte qu'il n'existe plus aujourd'hui que l'accès du matin et celui du soir. Un autre renseignement non moins singulier que les précédens et dont j'ai vérifié plusieurs fois l'exactitude, c'est que le nombre des chocs imprimés par chaque main aux cuisses et aux épaules est exactement le même pour chaque accès correspondant. Ainsi, l'accès du matin se compose toujours de 110 chocs successifs sans repos intermédiaire; celui du soir, qui est divisé en trois temps, comme il a été dit, fournit également 110 chocs dans le premier temps, 60 à 65 dans le second et 30 à 35 dans le dernier ; celui de 10 heures du matin n'était que d'un seul temps et donnait 70 chocs; celui de midi ressemblait exactement à celui du soir. En rapportant de pareilles choses, on peut être taxé de trop de crédulité, mais j'ai pour garant de ces faits plusieurs médecins recommandables, et entre autres M. Husson, qui ont visité le malade à diverses reprises. Une dernière circonstance, dont il est bon de faire mention, c'est que le mala le est averti de l'arrivée de ses accès non-seulement par leur périodicité constante, mais encore par une sorte d'aura qu'il désigne sous le nom de frémissement qui part du bout des pieds et se propage rapidement jusqu'aux épaules seule. ment; dès qu'il éprouve cette sensation il s'assied, sans quoi il tom. berait par terre, comme cela lui est arrivé plusieurs fois. On n'a jamais essayé de réprimer ses mouvemens pendant l'accès, il affirme que cette contrainte le jetterait dans un état pius pénible et lui ferait éprouver des convulsions plus grandes; on a eu recours aux saignées, aux bains, à l'usage de l'assa fœtida, de la valériane, de la belladone, de l'opium, tous ces moyens ont échoué. M. Husson a fait prendre, le 16 et le 17 mai, immédiatement avant l'accès, une potion antispasmodique fortement éthérée, et après ces mêmes accès 10 gr. de sulfate de kinine: même insuccès.
Le 18 mai, à huit heures moins un quart précises du soir, accès en tout semblable à celui dont j'ai parlé, le nombre des chocs est conforme à celui qui a été indiqué. Le 19, 5 heures du matin, j'ai
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trouvé le malade couché; à peine était-il levé, n'ayant eu le temps quede passer un caleçon, il a été pris d'un accès comme les précédens, mais ne se composant que de 110 chocs successifs. Les jours suivans j'ai fait les mêmes remarques tant pour l'accès du matin que pour celui du soir.
Au commencement de juin, le malade s'est rendu à l'Hôtel-Dieu à ma prière; plusieurs de nos anciens collègues internes dans cet établissement, entre autres MM. Menière, Leloutre, King, Johe ont été témoins de l'accès de huit heures du soir. Depuis cette époque je n'ai pas revu ce jeune homme qui, après l'essai infructueux de plusieurs moyens, est retourné dans son pays, emportant les avis de plusieurs médecins. Un conseil tout naturel qui lui a été donné, est celui de rester couché pendant plusieurs jours de suite.
MM. Esquirol et Villermé auxquels M. Husson a fait part de cette singulière affection, ont pensé qu'elle se rattachait à la chorée ; il semble toutefois, en se fondant sur les commémoratifs, et spécialement sur l'existence d'un aura, qu'elle a plus de rapport avec l'épilepsie qu'avec la chorée; ayant d'ailleurs succédé à des attaques réelles de cette première maladie. Quoi qu'il en soit, cette observation trouvera peut-être quelques incré lules (malgré les témoignages dont nous l'avons environnée) tant elle paraît extraordinaire! La forme particulière des mouvemens convulsifs qui étaient bornés aux membres supérieurs, le nombre exact de ces mouvemens, tant pour chaque accès correspondant que pour chaque temps du même accès; leur retour périodique à dix heures du matin, à midi, au lever du malade, au coucher du soleil : tout cela semble une histoire faite à plaisir, ou plutôt une jonglerie dont nous aurions été dupe. Comment concevoir en effet que le lever du malade, le coucher du soleil aient en quelque part dans le retour de ces accès? A cela je répondrai qu'un fait bien constaté ne doit point être révoqué en doute, par cela seul qu'on ne le conçoit pas, et que vouloir subordonner sa croyance à la connaissance intime d'un phénomène serait tomber à tous momens dans un scepticisme sans fin. Ce n'est pas d'ailleurs la première fois qu'on a observé l'influence des astres sur le retour périodique de certaines affections nerveuses; ainsi J. Frank cite (1), d'après Wodel, l'histoire d'une jeune fille épileptique qui éprouvait un accès à chaque nouveau quartier de la lune. Et quidem tam exacto calculo ut ipso momento quadræ lunaris et inscia sæpe penitùs hujus mutationis in cœlo, rhythmum lunarem in suis paroxysmis explicaret. Nasse rapporte (2) avoir gnéri un jeune homme épileptique
(1) J. Frank, Praxeos medico, tome IV, page 322.
· (2) Meckel, Archiv. de physiol., Hal. 1826, page 132.
qui n'éprouvait des accès que dans les ténèbres et jamais à la lueur du jour ou d'une lumière artificielle. Quandiù candela totas per noc tes arderet, nunquam dormiens morbo prehendebatur; quò primum vero lux nocte quádam extingueretur, constantissimus erat cpilepsiœ reditus. Ces faits sont assurément tout aussi extraordinaires que celui que j'ai rapporté et n'en méritent pas moins une pleine confiance; ils n'étonneront point au reste ceux qui ont réfléchi aux bizarreries sans nombre que présentent les maladies nerveuses. (Observ. tiréc des manuscrits de Dance.)
ENORME DILATATION AVEC HYPERTROPHIE DES DEUX VENTRICULES;
par le docteur Hope. - R. C.***, âgé de 36 ans, carrossier, d'une haute taille, mais amaigri et affecté de jaunisse, fut admis à l'hôpital Saint-George, le 19 août 1829. Son état était le suivant: ascite; œdème considérable des jambes; dyspnée exaspérée par tout mouvement; toux; battemens violens des carotides; développement variqueux et ondulations des veines jugulaires; impulsion du cœur plus forte et plus étendue qu'à l'état normal; pouls vibrant mais sans dureté et médiocrement plein; peau visqueuse; langue blanche; diarrhée, évacuations couleur d'argile; urines rares et foncées. Le foie est augmenté de volume. Cet homme est malade depuis deux ans; il attribue sa maladie au chagria. Celle-ci a commencé par une diminution de la respiration et la perte de l'appétit. L'hydropisie apparut pour la première fois, il y a six mois, et la peau est jaune depuis cinq ou six semaines. Il dit qu'il est sujet à des attaques. Toute la région précordiale rend un son mat. L'impulsion du cœur repousse le cylindre avec force, et se termine par une secousse; elle est perçue sous une plus grande étendue qu'à l'état normal; on la sent à l'épigastre. Les bruits du cœur sont plus forts, et le premier est plus court qu'à l'ordinaire. Au-dessus des clavicules, il y a une légère impulsion accompagnée d'un très-faible tremblement cataire (purring tremor) et d'un bourdonnement qui n'est ni fort, ni âpre.
A
- Pendant la première semaine, il eut trois attaques, qui consistèrent dans une stupeur, accompagnée de légères convulsions, respiration stertoreuse et suivie de sommeil; la dernière dura deux heures. L'hydropisie avait beaucoup diminué; mais il mourut d'épuisement (exhausted) le 18.o jour après son admission.
Autopsie. Le cœur avait le double de sa grandeur normale, et comme il appartenait à un homme très-grand, il était énorme. Le ventricule gauche aurait pu admettre un gros limon, et ses parois avaient trois quarts de pouce d'épaisseur. Le ventricule droit était parcillement affecté, mais à un moindre degré. Le tissu musculaire était pâle et un pcu ramolli. Les valvules et l'aorte étaient intactes. Le thorax contenait quatre pintes de liquide. Les poumons étaient
gorgés de sérosité. La muqueuse des bronches était injectée et d'une couleur rouge-foncée. Le foie avait deux fois sa grosseur ordinaire; il était d'un jaune d'ocre foncé. Le cerveau était sain, mais il y avait de la sérosité sous l'arachnoïde. Le degré remarquable d'hypertrophie avec dilatation, présenté par ce sujet, était indiqué manifestement par l'étendue de la matité du son à la région précordiale, sans sigues d'hydro-péricarde; par l'énergique répulsion du cœur, et par la force des deux sons. La prédominance de la dilatation sur l'hypertrophis, empêchait le pouls d'être aussi dur et aussi incompressible qu'il l'eût été dans le cas d'hypertrophie seule. Les battemens, la vibration et le bourdonnement particulier des grosses artères, qui avaient lieu chez ce sujet, sont des phénomènes qui ne sont pas rares quand une grande quantité de sang est poussée dans les vaisseaux avec une force morbide. On peut les distinguer des phénomènes semblables qui résultent d'une dilatation ou d'une autre maladie de l'aorte, par la dureté du son et la vigueur de l'impulsion qui sont plus grandes dans ces dernières maladies. (Treatise on the diseases of the heart.)
HYPERTROPHIE CONSIDÉRABLE DU CŒUR; MALADIE DES VALVULES Aor= TIQUES; ADHÉRENCE GÉNÉRALE DU PÉRICARDE; RHUMATISME AIGU. — Par le docteur Hope. - John Copas, âgé de 24 ans, jardinier, de taille moyenne, robuste, d'une pâleur cadavérique, fut admis à l'hôpital Saint-Georges, le 14 décembre 1829, se plaignant de douleurs rhumatismales générales, aggravées par la chaleur et la transpiration; œdème très-léger des jambes, visage un peu boufi; palpitations; réveils en sursaut; les battemens du cœur ne sont pas sculement sensibles à la main, mais visibles dans toute l'étendue de la surface antérieure de la poitrine, et particulièrement à l'épigastre. La région précordiale donne un son très-mat; pouls à 120, plein, fort et régulier, mais compressible. Le malade avait souffert d'un rhumatisme aigu, huit ans auparavant, et depuis ce temps n'avait jamais été exempt de palpitations. On ne l'ausculta pas; il mourut au bout de vingt-quatre heures, après une hémoptysie très-abondante. — Autopsie.—Adhérence générale du péricarde, au moyen d'une fausse membrane mince et dense. Le cœenr avait trois fois son volume normal; l'augmentation portait principalement sur le ventricule gauche, dont les parois avaient un pouce et demi d'épaisseur, et dont la cavité était plus étendue en capacité que la plus grosse orange. Le ventricule droit était pareillement malade, mais à un moindre degré. Les valvules aortiques étaient épaissies, rendues inégales, informes, par une sorte de dégénération en une matière opaque, jaunâtre, en partie cartilagineuse, en partie steatomateuse. Cette altération avait donné lieu à la séparation des extrémi
tés angulaires des valvules de leurs insertions; de telle sorte que n'étant plus adhérentes que par leur centre, elles gissaient dans l'intérieur de l'artère, privées de point d'appui, pour s'opposer au Comme la refoulement du sang de l'aorte dans le ventricule. dilatation était excessive, il est probable qu'elle provenait, au moins en partie, d'un ramollissement suite de péricardite : cette dernière datait de loin, comme l'attestait la nature de la fausse membrane. On diagnostiqua cette adhérence d'après l'état de dilatation, d'après la circonstance de rhumatisme et de péricardite antécédente, et d'après le mouvement remarquable de l'épigastre, probablement occasionné par la rétraction, comme le docteur Sanders le suppose. La compressibilité du pouls provenait-elle de la facilité avec laquelle le sang pouvait refluer dans le ventricule? L'hémoptysie s'explique très-bien par l'état du cœur ; car la pression de la colonne de sang qui refluait vers le ventricule gauche avait précisément le même effet qu'un obstacle au passage de ce sang du poumon dans la circulation artérielle; tandis que le ventricule droit hypertrophié poussait dans la circulation pulmonaire une trop grande quantité de ce fluide; delà, une transsudation forcée du sang des vaisseaux ténus du poumon dans les cavités aériennes. C'est ainsi que l'apoplexie pulmonaire et l'hémoptysie se lient plus souvent à un obstacle à la circulation dans le cœur gauche, accompagné de l'hypertrophie du ventricule droit, qu'à toute autre lésion de cet organe. (Treatise on the diseases of the Heart.)
SUIVIE
ANÉVRYSME DE L'ARTÈRE FÉMORALE; LIGATURE DE L'ILIAQUE, Hans Jacob, âgé DE LA GUÉRISON; par le docteur Br. Cooper. de 40 ans, avait passé la plus grande partie de sa vie dans la marine; en 1809, il fut traité pour une dysentérie à l'hôpital naval de Deal; en 1825, il fut retenu dans celui de Bombay par la fièvre; depuis ce temps, il s'était bien porté.
Le 2 avril dernier, étant employé à pomper, et faisant de grands efforts, il éprouva dans la cuisse gaúche: comme si le membre était enlevé en entier par un coup de feu. Aussitôt, il lui fut impossible de s'appuyer dessus, et une douleur cruelle se fit sentir dans les deux tiers inférieurs de cette cuisse, et le long du mollet jusqu'à la malléole. Quatre ou cinq jours après, une tumeur se développa à la partie interne et antérieure de la cuisse, environ à deux pouces au-dessous du ligament de Poupart; alors la douleur s'effaça, elle reparut aussitôt qu'il voulut s'appuyer sur le membre malade. A cette époque la tumeur alongée, étroite, offrant des pulsations, avait la grosseur de son pouce; elle demeura deux mois stationnaire; mais l'exercice renouvela la douleur et donna lieu à un gonflement cedémateux de sa jambe. Pendant les trois dernières se
mais
maines, la tumeur s'accrut rapidement, la douleur devint vive surtout autour du genou, et le malade fut admis à l'hôpital de Guy le 16 juillet 1831. - A la partie interne de la cuisse est une tumeur plus étendue en travers que de haut en bas, située au-dessous du ligament de Poupart; sa circonférence est ferme; sa partie centrale, plus proéminente, renferme un corps liquide; on peut la diminuer considérablement par la pression; ses pulsations sont manifestes ; la peau n'a rien perdu de sa couleur, mais elle est traversée par de grosses veines qui entourent le membre jusque vers la hanche. Tout le membre est considérablement gonflé; sa température augmentée, et la jambe œdémateuse. La santé générale est fort altérée; perte d'appétit, des forces et du sommeil; le pouls bat 66 fois, il est régulier; la face exprime la souffrance.
―
Le 17, on fit prendre un purgatif, et le 19, après une nuit tranquille; le pouls naturel, donnant 84 pulsations; la langue humide et nette; la peau fraîche, et l'intestin suffisamment évacué, on procéda à la ligature de l'artère iliaque externe. - Une incision sémi-lunaire fut faite depuis un pouce au-dessus et en dehors de l'anneau abdominal externe jusqu'à un pouce en dedans de l'épine antérieure et supérieure de l'os coxal; la concavité de cette incision était dirigée en haut vers l'abdomen. Le but de cette incision était de mettre à découvert le tendon du muscle oblique externe, mais il fallut plusieurs coups de bistouri pour y réussir à cause de l'épaisseur des parties qui le recouvraient. Ce tendon ayant été divisé dans le sens de la première incision, fut soulevé par un aide pour mettre à découvert l'anneau interne; mais les fibres de l'oblique externe, considérablement développées au point où elles naissent du ligament du Poupart, le cachaient entièrement; il fallut passer au-dessous d'elles une sonde cannelée, et les diviser avec un bistouri boutonné. Le cordon spermatique et l'anneau interne furent mis à nu, et tandis qu'un aide écartait le premier en haut et en dedans, le doigt indicateur de la main droite fut introduit dans le dernier pour séparer le péritoine des vaisseaux iliaques, en l'attirant en haut vers l'abdomen. Le fascia qui unit la veine iliaque à l'artère en dedans, fut séparé pour faire place à l'aiguille qui fut introduite sur ce dernier vaisseau de dedans en dehors, armée d'une ligature de soie plus large du double qu'à l'ordinaire, afin d'éviter une séparation trop prompte des deux bouts de l'artère. Avant de serrer la ligature le vaisseau fut examiné avec soin, et on écarta une petite branche du nerf spermatique qui rampait près de lui. Aussitôt les pulsations de la tumeur cessèrent, celle-ci diminua de près d'un tiers. On réunit les bords de la plaie à l'aide de la suture, d'un emplâtre agglutinatif et d'un appareil approprié. L'opération toute entière dura douze
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116-120
minutes. Dans la journée, de la douleur se fit sentir dans le lieu de l'opération, le membre perdit de sa chaleur, qui fut rappelée par l'application de flanelles chaudes et de bouteilles d'eau chaude. Un peu d'opium calma l'agitation, mais le soir la jambe était légèrement engourdie. Le lendemain, il n'y avait plus guère de douleur que dans la plaie, due au mouvement imprimé par la respiration aux parois abdominales, et à la pression sur le ventre; le pouls, de 78 s'éleva à 100 pulsations; la tumeur a diminué de moitié. Alternative de sommeil et d'agitation. La douleur a disparu; la langue est humide et uette. Après l'administration de quatre onces de vin blanc, la température de la peau s'est élevée, celle du membre malade est devenue plus forte qu'à l'état normal; la douleur s'étend de la plaie vers les lombes ; point de selles depuis l'opération. Quinze gouttes de teinture d'opium et trois gros d'huile de ricin sont administrés vers le soir. Le pouls est à 96, la langue humide, la température du membre naturelle, le malade est bien, il s'endort. Le 3. jour, l'œdème de la jambe se dissipa, la cuisse revint à son volume ordinaire ; nul battement ne se faisait sentir dans la tumeur; une légère douleur superficielle et circonscrite existait dans la région iliaque gauche; un écoulement séreux eut lieu par la plaie; le pouls s'éleva le soir à 102 pulsations. Le 4. jour, après une bonne nuit, tous les symptômes étant favorables, la plaie fut pansée; le même écoulement séreux peu abondant fut remarqué; le soir, plus de douleur, Le 5. jour, le malade avait passé une bonne nuit; les selles étaient naturelles ; le pouls à 76 pulsations, plein, mais compressible; la langue était humide, la température du membre naturelle; la douleur avait disparu. Le 6. jour, il se trouvait parfaitement bien. L'écoulement de la plaie, plus abondant, présentait des qualités normales; le pouls naturel était à 72 pulsations. Depuis ce moment, la plaie a continué à marcher vers la cicatrisation. Il a pourtant, dans sa convalescence, été atteint, sans cause apparente, d'une violente inflammation du testicule droit, qui n'a cédé qu'au bout de huit jours à un traitement antiphlogistique. Une semblable inflammation se développa ensuite dans le testicule gauche, mais elle fut moins opiniâtre. Il est maintenant dans un état parfait de convalescence. La ligature s'est détachée le 22. jour après l'opération. (London Med. and Phys. Journal, janvier 1832.)
OPHTHALMIE Sur-aigue épidémique traitée avec succès par l'alun. Il est une ophthalmie qui, dans l'Inde, se développe souvent sur un grand nombre d'individus à la fois, et dont l'invasion, la marche, les symptômes et la nature offrent de singuliers rapprochemens avec les accidens du choléra-morbus. Cette ophthalmie, nommée Dord-d'œil par les créoles, arrive, dit le D. Souty, dans l'espace de quelques heu
res, au plus haut degré d'intensité. La douleur est intolérable, c'est la sensation continue de la brûlure. La conjonctive est de la couleur du sang artériel; quelquefois elle devient violette; son tissu semble boursoufflé, pâteux, il y a souvent chémosis; toujours larmoiement considérable au début, exaltation de la sensibilité de la rétine, et de là, impossibilité de supporter les plus faibles rayons de lumière. Peu d'heures après l'invasion du mal, on voit s'établir une sécrétion d'un mucus blanchâtre, épais, visqueux, qui ulcère la conjonctive et la cornée s'il séjourne entre les paupières, qui excorie la peau autour de l'orbite, si on néglige les soins de propreté. Parfois la douleur est si forte qu'elle jette les malades dans de véritables aecès de phrénésie, surtout s'ils sont d'un tempérament nerveux ; les accidens sont plus modérés chez les enfans et les sujets d'une constitution lymphatique. A l'apparition de cette ophthalmie épidémique, je crus en triompher par les antiphlogistiques employés largement, hien que déjà je me fusse convaincu, tant aux Antilles que dans l'Inde, de la nécessité de n'appliquer qu'avec réserve, avec de grandes modifications, aux maladies de ces climats, les divers modes de traitement qui, en Europe, attestent chaque jour l'excellence de la doctrine physiologique. J'observai, dès les premiers jours, que les saignées, les sangsues, les collyres émolliens, ne parvenaient jamais seuls à produire de l'amélioration, et que l'amendement des symptômes n'était dû qu'aux purgatifs drastiques et aux révulsifs à la peau que j'employais après les évacuations sanguines. Diverses observations m'ayant fait reconnaître, en outre, le danger de laisser arriver la maladie à la période que je nommerai de suppuration, je voulus enrayer sa marche, et dès le début, je secondai l'action des révulsifs par l'usage de collyres avec l'acétate de plomb, le sulfate de zinc et le laudanum. Je réussis parfois, mais ces astringens ne sont pas assez actifs. Les Indiens, frappés du danger de l'expectation, emploient des moyens perturbateurs, mais qui souvent aggravent le mal. C'est ainsi que des mestris instillent, dans les yeux affectés, un mélange de poivre, de suc de feuilles de tamarin et de jus de citron, ajoutant ensuite de la noix de galle torréfiée pour former une sorte de pâte (vulgairement nommée patou), qu'ils appliquent autour des paupières.
L'épidémie continuait lorsque j'entendis parler des merveilleux ef- ‹ fets de l'alun de roche pour calmer instantanément les douleurs et arrêter le cours de la maladie. L'action de ce mélicament me paraissant rationnelle, j'en fis faire l'essai devant moi, de la manière dont les créoles ont l'habitude de l'employer, et j'affirme que ses bons effets sont si prompts, si assurés, qu'il ne m'est venu à l'idée ni de chercher un autre mode de traitement, ni d'apporter la moindra
modification dans le procédé généralement adopté. En voici la des-
cription fidèle. On prend un morceau d'alun que l'on frotte pendant
8 à 10 minutes dans un vase un peu rugueux et contenant du blanc
d'œuf. On verse ensuite le mélange dans un morceau de mousseline
que l'on attache de manière à former un petit sachet. Le malade
ayant la tête renversée en arrière, on écarte les paupières et l'on ins-
tille dans les yeux, en pressant le sachet, quelques gouttes d'albu-
mine et d'alun. Le malade a soin de tenir les yeux fermés et au bout
de quelques instans il peut supporter le jour, tant le soulagement est
prompt! Il convient de réitérer souvent cette instillation, toutes les
demi-heures ; moins souvent, si l'ophthalmie n'est pas intense. On ap-
plique d'ailleurs le médicament dans toutes les périodes de la maladie.
La conjonctive pâlit, s'affaisse, et revient à con état normal; la sup-
puration ne s'établit pas, ou si elle existe on la voit diminuer rapi-
dement, et en 24 ou 48 heures, plus ou moins, suivant la docilité
du malade à éviter l'éclat de la lumière, cette cruelle ophthalmie a
tout à fait disparu. Je pourrais détailler bien des observations dans
lesquelles la guérison a suivi une marche aussi prompte, aussi ré-
gulière que celle que je viens de décrire. Je me contenterai de citer.
M. l'administrateur Ducler et ses enfans, actuellement en France,
qui ont éprouvé les merveilleux effets de ce traitement. J'ajouterai
à ces guérisons celles obtenues à bord, dans ma traversée de l'Inde
à l'île Bourbon, sur la femme de M. l'ingénieur en chef de Pondi-
chéry, sur un officier marchand passager, que des sangsues n'avaient
point soulagé, et sur un enfant de M. Ducler qui deux jours avant
notre débarquement à l'île Bourbon, se désolait d'être aveugle pour
l'arrivée, et qui était débarrassé de son ophthalmie au moment où
nous vîmes la terre. (Extrait du rapport de M. Souty à M. le mi-
nistre de la marine, sur le choléra-morbus observé dans l'Inde. Paris,
1832,
in-8°.
NÉCROSE DE LA MOITIÉ GAUCHE DE LA MACHOIRE LNFÉRIEURE.
Obs. par le docteur A. Pingeon, de Dijon. Sur la fin de 1829, on m'amena un enfant d'environ trois ans, qui, depuis à-peu-près dix-huit mois, souffrait de la moitié gauche de la mâchoire inférieure. Son habitude est charnue et scrofuleuse, la lèvre supérieure et les ailes du nez offrent un développement disharmonique; il existe des ganglions sous-maxillaires, le ventre est très-gros. L'examen de la mâchoire fait reconnaître une nécrose qui paraît atteindre toute l'étendue de la moitié gauche de cet os, et déjà, à plusieurs reprises, des dents de ce côté sont tombées, et des portions du séquestre sé sont détachées. J'engage les parens à confier cette expulsion à la nature et à se borner à soumettre l'enfant à un régime restaurant, et surtout anti-scorbutique.
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Au printemps de 1830, on ramène cet enfant. Le séquestre est devenu mobile, mais il est encore trop fortement fixé pour être détaché en entier; les pinces n'en séparent que les portions les plus antérieures. Il s'est formé à l'angle de la mâchoire une fistule par laquelle s'écoule un liquide sanieux très-fétide, et la mâchoire, ainsi que la joue de ce côté, se sont tuméfiées, au point de produire une difformité très-apparente. Du reste, même habitude extérieure. (Anti-scorbutiques, bains, frictions réitérées avec une pommade d'hydriodate de potasse ; application, au-dessous de la mâchoire, de quatre sangsues, répétée tous les huit ou dix jours; lotions dans l'intérieur de la bouche avec une éponge imbibée d'eau de mélilot miellée. )
Le 1. mai, l'os nécrosé est devenu plus mobile; son extrémité antérieure s'est soulevée et blesse la commissure des lèvres et la joue, où elle a déterminé, à la partie interne, des ulcérations, très douloureuses dans divers points; son extrémité, saisie avec de bonnes pinces, est à-peu-près ébranlée; et après des tentatives réitérées nous parvenons à détacher la moitié postérieure de cette portion de mâchoire, comprenant son condyle entier et l'angle de cet os dépourvu de l'apophyse coronoïde. Cette portion nécrosée, située ext térieurement à l'os nouveau, si elle comprenait entièrement la branche condyloïdienne de la mâchoire, ainsi que semble l'attester la pièce pathologique, n'a dû atteindre que la moitié la plus extérieure du corps de la mâchoire; puisque plus intérieurement, et après l'avoir enlevée, on voit des tubercules osseux qui ne sont réelment que les dents qui ont acquis un volume double de celui qu'elles ont dans l'état normal (Mêmes moyens.)
Depuis, j'ai revu cet enfant. La fistule s'est entièrement cicatrisée, la joue s'est affaissée, et la difformité, qui résultait de son gonflement, dissipée ; les dents ont également diminué de grosseur, et une nouvelle mâchoire gauche jouissant des mêmes mouvemens que la première, en attestant les ressources de la nature, ne permettra pas, à un âge un peu plus avancé, de reconnaître la perte éprouvée. (Mém. de l'Acad. des sciences, arts et belles-lettres de Dijon, ann. 1831, 2.o, 3.o et 4.o livr., p. 35 (1).)
(1) Ce recueil estimable contient plusieurs mémoires et observations intéressantes, entr'autres un mémoire par M. le docteur Vallot, sur de prétendus vers intestinaux et sur d'autres animaux, rendus, dit-on, par des malades.
Académie royale de Médecine. (Septembre.)
Séance du 28 août.-M. Husson fait un rapport au nom d'une commission sur l'inauguration du buste de Portal daus la salle des séances. Il conclut que le réglement de la société s'y oppose formellement, et qu'une telle proposition ne peut être faite que cinq ans révolus après la mort d'un membre. A cette occasion le rapporteur rappelle que Corvisart, Percy et Hallé sont dans le cas de recevoir cet honneur.
Sur la demande de M. Renauldin si l'on s'occupe du remplacement de Portal comme président d'honneur, M. Marc prend la parole et dit qu'il accepterait cette haute distinction si elle lui était conférée par le vœu de l'Académie, mais qu'il la refuserait s'il y était nommé par ordonnance. Il propose, en conséquence, d'écrire au ministre pour demander l'abolition de l'ordonnance qui nomme président d'honneur le premier médecin du roi. Il pense que ce privilége pourrait avoir de graves inconvéniens en appelant au fauteuil un premier médecin qui ne serait pas même membre de l'Académie. La proposition est adoptée.
M. Itard fait, au nom d'une commission, un rapport d'après lequel l'Académie décide que le titulaire qu'elle doit nommer à la place de Coutanceau, Bagneris et Geoffroy appartiendra à la section de pathologie, et que le nombre des candidats à présenter sera le plus grand possible, c'est-à dire six.
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ELECTRICITÉ MÉDICALE. — M. Thillaye fait un rapport favorable sur l'établissement de M. Lemolt pour l'application de l'électricité au traitement des maladies. Il décrit les différens appareils qui y sont réunis et les divers procédés qui y sont suivis ; il termine en demandant la création d'une commission pour suivre les expériences de M. Lemolt sur des malades qui lui seront confiés. L'Académie nomme membres de cette commission MM. Deneux, Husson, Guéneau de Mussy, Delens, Récamier, Marjolin, Bricheteau et Itard.
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EMPLOI DE L'ALUN DANS LES MALADIES CANCÉREUSES. – M. Guéneau de Mussy donne lecture d'une lettre de M. Jacquot, de Saint-Dié, relative à l'efficacité de l'alun contre les maladies cancéreuses. Ce médecin avait déjà adressé en 1831 deux mémoires sur ce sujet à l'Académie, sur lesquels M. Récamier avait été chargé de faire un rapport. Dans sa lettre, l'auteur rapporte de nouveaux faits à l'appui de son opinion, et il annonce avoir trouvé, dans une certaine douleur du pied, un signe caractéristique et distinctif des affections can
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121-125
céreuses de l'utérus. La lettre est terminée par une observation de guérison d'un engorgement de la prostate par l'administration de l'alun à l'intérieur, à la dose de 8 à 16 grains. M. Récamier, auquel est renvoyée cette communication, et qui se propose de faire incessamment sou rapport, dit qu'il a tenté plusieurs fois ce moyen dans des cas de cancer utérin dont la nature n'était pas douteuse. Il a obtenu quelques améliorations, mais pas de guérison. Il a aussi essayé l'emploi d'une solution d'alun animée d'un peu d'alcohol canphrée dans les cancers du sein et en a obtenu de très-bons effets: enfin employé dans quelques cas de gastralgie, ce moyen lui a parfaitement réussi.
TORSION DES ARTÈRES.-M. Fricke, chirurgien en chef de l'hôpital général de Hambourg, adresse la note suivante sur ce moyen d'arrêter les hémorrhagies. « Peu de temps après que M. Amussat eut publié ses essais sur la torsion, je m'empressai de les renouveler, et je suis charmé de pouvoir déclarer ici n'avoir pas eu depuis lors à regretter son emploi. Dans le grand hôpital de Hambourg, il se présente annuellement de 350 à 400 opérations, et depuis trois ans que, non seulement là, mais encore dans ma pratique privée, j'emploie la torsion des artères; je l'ai pratiquée plusieurs fois à toutes les artères, à peu d'exceptions près, même à la crurale, au point où elle dépasse le ligament de Poupart, et à l'axillaire, sans suites dangereuses, telles que hémorrhagies, suppuration, etc. Un trèsgrand nombre de médecins étrangers et du pays ont été témoins de l'application de la torsion, et un grand nombre de ceux de Hambourg l'emploient maintenant avec succès. L'opération de la torsion selon M. Amussat, comparée à la mienne, est un peu plus compliquée, mais aussi plus sûre. Avec ma pince à laquelle je n'ai fait subir que quelques changemens peu importans, on saisit l'extrémité de l'artère coupée en la tordant jusqu'à ce que, par le déchirement d'un petit morceau de la membrane, l'on ait acquis la certitude que la torsion a réussi. Je l'ai pratiquée de cette manière plus de mille fois. » L'auteur termine en faisant remarquer qu'on ne doit pas attribuer 'à la torsion quelques accidens secondaires qui se manifestent quelquefois, et il pense que M. Amussat a rendu un immense service à la chirurgie en faisant connaître ce procédé ingénieux qui, dans quelques cas, ne peut être remplacé par aucun autre.
Séance du 4 septembre. MOMIFICATION. MM. Capron et Albert, pharmaciens à Chaillot, annoncent que, par des procédés de leur invention, ils sont parvenus à faire une momie qu'ils demandent à exposer publiquement. Une commission, composée de MM. Larrey, Oudet, Caventou, Ribes et Pariset sont chargés d'examiner ce tràvail, qui intéresse vivement la salubrité publique.
VACCINE.-M. Bousquet donne lecture d'un mémoire intitulé: Dw degré d'importance des boutons de la vaccine, considérés dans leur rapport avec l'effet préservatif de la vaccine. D'après de nombreuses expériences, l'auteur pense que l'éruption du bouton, nécessaire peut-être au diagnostic, ne l'est nullement comme préservative de la variole. Il pense que l'effet préservatif est dû seulement au changement qui s'opère à l'intérieur de l'organisation, soit par la réaction fébrile, soit de toute autre manière; car d'une part il a vu des sujets vaccinés à dix, douze ou quinze reprises, n'avoir aucune éruption, offrir seulement quelques symptômes fébriles et être ensuite exempts de toute contagion variolique ; d'autre part, il a ouvert au quatrième jour des boutons dont la matière communiquait déjà la vaccine, les a cautérisés profondément et détruits avec le nitrate d'argent, et plus tard ces individus n'ont pas eu la variole en s'y exposant, et il n'a pu une seconde fois développer chez eux la vaccine. Il conclut de ces faits que, comme il y a des varioles sans éruptions, variolæ sine variolis, il y a aussi des vaccines bonnes et préservatives sans boutons.
Cette lecture donne lieu à une controverse animée. Le point de doctrine est vivement contesté par les uns et chaudement défendu par d'autres.
Séance du 11 septembre.-Influence des émanations putrIDES DANS LE CHOLÉRA.—M. Double, au nom de la commission du. choléra-morhus, fait un rapport sur cette importante question. Lorsque le choléra parut à Blois, un médecin de cette ville ne vit pas sans crainte que les ouvriers en dépavaient les rues pour les nettoyer; il craignait que ces terres remuées ne donnassent naissance à des émanations funestes aux cholériques, observation qu'il pensait avoir déjà été faite à Paris. Il écrivit en conséquence au préfet, et ce dernier transmit ces lettres au ministre qui les renvoya à l'Académie pour décider la question. Des recherches nombreuses étaient nécessaires pour arriver à cette solution M. Double s'y est livré avec un soin extrême; il décrit tous les travaux qui ont été faits en ce genre à Paris dès l'origine et pendant la durée du choléra; il les a suivis de rue en rue, dans les différens quartiers; il en donne toutes les dimensions, indique la nature des terres que l'on a creusées à différentes profondeurs pour y établir des canaux ; et d'après les relevés faits dans les arrondissemens, il fait voir que les habitans des rues où ces travaux ont été exécutés, ainsi que les ouvriers qu'on y a employés, ont été sans comparaison, plus ménagés que tous les autres. Il appuie cette remarque, et sur les expériences faites récemment par M. Parent-Duchâtelet et par l'observation faite à Montfaucon, où l'on s'occupe des travaux les plus insalubres, et où cependant
très-peu d'ouvriers ont été atteints. De ces faits M. Double conclut que les émanations que laissent échapper les matières animales ne sont pas à beaucoup près aussi dangereuses qu'on l'avait supposé jusqu'ici, et que, même en temps d'épidémie, les remuemens de terres qui auraient pour résultats de multiplier ces émanations peuvent être faits sans péril; ce qui, toutefois, ne saurait lier les mains de l'administration, lorsque des circonstances particulières la mettraient dans la nécessité de différer des entreprises de cette nature. Après une discussion assez vive, l'Académie décide que les conclusions de ce rapport seront exprimés en termes moins affirmatifs. Cependant la rédaction définitive en est confiée à M. Double, et le rapport et ses conclusions mis aux voix sont adoptés.
Séance du 18 septembre. CHOLERA MORBUS. M. Guéneau de Mussy lit une lettre de M. Mitivié, relative à la non-contagion du choléra-morbus. Une femme qui nourrissait a été gravement atteinte de cette maladie, et n'a pas cessé d'allaiter son enfant qui n'a pas été malade. M. Rullier à cette occasion, cite plusieurs cas semblables; deux de ces malades ont guéri, une troisième a succombé; toutes trois ont donné le sein à leurs enfans, les deux premières pendant toute la maladie et la troisième jusqu'à deux heures avant sa mort. Les enfans n'ont pas été malades.
EMPLOI DU HUACO. M. François communique à l'Académie l'extrait suivant d'une lettre de M. Chabert, médecin en chef de l'armée mexicaine. «< Au moment où j'ai appris que le choléra-morbus était arrivé jusqu'à Paris, je m'attachais à constater l'efficacité du huaco dans le traitement de la fièvre jaune. Si le choléra vient jusqu'à nous, j'essayerai contre lui le même moyen ; je vous invite à m'imiter. Je vous envoie un échantillon de quelques livres de cette plante. Le huaco est une liane aromatique, amère, sudorifique. Voilà sa propriété essentielle. On l'emploie en décoction, en teinture spiritueuse. Elle a une action prompte et presque miraculeuse contre la morsure des serpens venimeux. C'est à cause de cela que je l'administre dans la fièvre jaune. Dès la troisième ou quatrième tasse de la décoction de cette plante, la peau, loin de se réfroidir, s'échauffe, et la transpiration s'établit; je la donne à petites doses de demiheure en demi-heure. S'il y a défaillance et refroidissement, j'ajoute 25 à 30 gouttes et même une cuillerée à café de la teinture alcoholique .Je me sers aussi de la décoction en lavement, et de la teinture en frictions sur la colonne vertébrale et les extrémités. » A cette occasion M. François annonce qu'il a essayé le huaco sur un cholérique, et qu'il y a espérance de succès.
Séance du 25 septembre
SUBLIME CORROSIF DANS LA SYPHILIS. M. Emery fait au nom de la commission des remèdes secrets, un rap
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port sur la méthode syphilitique dulcifiée de M. Ollivier. Il résulte des nombreuses expériences faites par la commission, qui avaient pour objet de déterminer dans quel état se trouvait le mercure dans les diverses combinaisons que M. Ollivier lui fait subir, que dans chaque préparation, soit biscuits, sirop, pastilles, etc., on trouve que le deuto-chlorure de mercure est changé en proto-chlorure, mercure doux, tellement divisé qu'il devient soluble. (1) Le rapporteur annonce que, chez les nombreux malades auxquels les préparations de M. Ollivier ont été administrées, aucun n'a éprouvé les accidens qu'entraîne toujours l'emploi du sublimé; que ces préparations sont préférables à toutes les autres pour les constitutions débiles et délicates; que les combinaisons de M. Ollivier sont le résultat de dix années de travaux; qu'il a fourni gratuitement dix mille biscuits tant pour les expériences que pour divers malades auxquels on les a administrés. D'après ces motifs, il propose au nom de la commission d'appliquer à M. Ollivier le bénéfice des décrets de 1810 sur les remèdes secrets, et d'engager le gouvernement a acheter les formules de M. Ollivier pour qu'elles soient publiées, moyennant douze cents francs de rentes sur le grand livre Après une longue discussion, l'Académie décide que la commission fera un nouveau rapport sur ce point dans la prochaine séance.
Académie royale des Sciences.
Séance du 27 août. M. Thénard fait un rapport favorable su les observations adressées par M. Payen, relativement à la propriété qu'ont les solutions aqueuses alcalines de s'opposer à l'oxydation du fer et de l'acier. Il suffit, pour obtenir ce résultat (dont les avantages pourront être facilement appréciés par les chirurgiens) de tremper le métal dans de l'eau de chaux pure ou même étendue d'une fois son poids d'eau ordinaire, ou encore dans une solution aqueuse de potasse caustique contenant seulement un deux-millième de cet alcali. Les carbonates alcalins et le borax produisent le même effet, mais seulement à des doses plus fortes, de manière que si l'eau, chargée de potasse caustique, dans la proportion indiquée plus haut, avait le contact de l'air, à mesure que l'alcali se carbonaterait, le fer ou l'acier qui y serait plongé pourrait s'oxyder. Séance du 4 septembre. M. Flourens est élu candidat pour la
(1) Nous ne comprenons pas ce que le rapporteur entend par ces mots devient soluble. Nous ne savons pas sur quoi s'appuie cette assertion.
place de professeur d'anatomie humaine, vacante au muséum d'histoire naturelle par la mort de Portal.
L'ordre du jour appelle l'élection d'un membre honoraire en remplacement de M. Henri de Cassini. M. Desgenettes est élu. Séance du 17 septembre. M. de Humboldt adresse, de Berlin, une lettre contenant la copie d'un passage d'une autre lettre que lui a écrite de Buenos-Ayres, le 7 mai dernier, M. Bonpland. Ce célèbre naturaliste annonce, entre autres faits intéressans pour la science, que ses collections renfermeront deux espèces nouvelles de convolvulus dont les racines jouissent de toutes les qualités bienfaisantes du salep, et trois écorces très-amères, provenant de trois espèces nouvelles d'un genre qui appartient à la famille des simaroubées. Ces écorces ont le goût du sulfate de quinine, et agissent de la manière la plus heureuse dans les dysenteries et autres dérangemens gastro intestinaux. Bonpland ajoute que, s'il pouvait encore obtenir à Buenos-Ayres des renseignemens sur l'efficacité des ces écorces, d'après les essais qu'on en pourrait faire à Paris, il tâcherait, avant son départ, de faire des dispositions pour en fournir nos hôpitaux.
MM. Capron et Boniface Albert annoncent qu'ils ont trouvé un moyen expéditif de conserver les corps humains sans préparation externe, sans altération des traits du visage et sans retrancher aucune partie. L'opération se fait dans huit jours. Ils demandent à mettre sous les yeux de l'Académie un squelette ainsi préparé.
M. Tanchon dépose un paquet cacheté. M. Couerbe en fait autant pour un manuscrit contenant des recherches chimiques.
On procède à l'élection d'un candidat pour la chaire d'histoire naturelle, vacante à l'école de pharmacie. M. Guibourt obtient la majorité des suffrages.
On passe ensuite à l'election pour la place laissée vacante au Collége de France par la mort de M. Cavier.-M. Elie de Beaumont ayant obtenu la majorité, est déclaré candidat de l'Académie pour la chaire vacante.
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Séance du 24 septembre. ACCOUCHEMENS LABORIEUX. - M. Baudelocque, neveu, soumet au jugement de l'Académie un nouvel instrument qu'il a inventé pour terminer quelques-uns des accouchemens les plus difficiles. Cet instrument est un double crochet mousse à lame cachée, et est propre à couper en un instant, par morceaux, le trone de l'enfant mort pendant le travail de l'accouchement laborieux. Un mémoire, joint à l'envoi de l'instrument, indique les cas dans lesquels il paraît devoir être employé. Ce travail, étant présenté comme le complément d'un premier travail du même auteur sur le broiement de la tête de l'enfant mort, est renvoyé aux commissaires qui ont jugé la première partie, MM. Boyer et Duméril.
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ÉLECTRICITÉ MÉDICALE.
M. Fabré Palaprat adresse un instrument qu'il propose de substituer pour les frictions électriques aux brosses en crin ou aux brosses en fils de laiton terminées par de petites boules de plomb employées jusqu'à présent pour ces frictions. Ces deux sortes de brosses offrent, dit l'auteur, le très-grand inconvénient de ne pouvoir être bien nettoyées et de porter sur la peau d'un second malade les matières souvent malfaisantes qu'elles ont détachées de la peau d'un premier. L'instrument qu'il propose n'apas ce désavantage; il se compose d'un vase métallique creux dont la forme et la grandeur varient selon la partie qui doit être soumise à son action, et dans lequel, d'après les indications qu'on a à remplir, on introduit un liquide plus ou moins chargé de calorique. Le vase est fermé par un bouchon de métal à vis, terminé par un manche de verre. Il est mis en communication avec le sol ou avec une machine électrique au moyen d'une chaîne de métal. On recouvre le vase d'une chemise d'étoffe plus ou moius épaisse, plus ou moins douce au toucher. et dont, si cela est jugé utile, une des surfaces extérieures peut être formée d'un tissu à pinceaux de crin, de blaireau, de laine, etc. D'après la nature du tissu et la forme de la chemise, et selon les indications, on détermine à volonté avec cet appareil, ou des simples courans ou des jets d'étincelles plus ou moins excitantes, qui, en stimulant la peau, y produisent une sorte d'urtication que l'on proportionne à l'état du malade, et en même temps une friction peu différente de celle qu'on pourrait obtenir des brosses ordinaires. Les chemises de l'instrument, qu'elles soient unies ou à pinceaux, doivent, après chaque opération, être soumises au lavage et à l'action du chlore; de cette manière, l'on est certain de ne transmettre à la peau aucune malpropreté ni aucune espèce de virus, lorsqu'on employe les enveloppes de l'appareil pour frictionner de nouveaux malades.
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L'électro-thermophore, c'est le nom que l'auteur donne à cet instrument, renfermant ou pouvant renfermer une substance d'un degré de température déterminée, l'on a, outre l'avantage du frottement mécanique, celui d'agir en même temps sur la partie affectée, et par le moyen de l'électricité et par le moyen du calorique, portés l'un et l'autre, selon l'indication, depuis le degré le plus faible jusqu'à un degré très-élevé.
M. Payen dépose les résultats de ses recherches sur la formation de l'acide sulfurique, et de plus un paquet cacheté contenant la description d'un procédé pour la conservation des viandes alimentaires. L'auteur s'est proposé de remplir les conditions suivantes, qu'il considère comme étant de rigueur pour une complète solution du problème: 1° le poids de la substance utile et des agens préser
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vateurs doit être peu considérable; 2° cette matière organique si altérable doit être pour longtemps garantie d'altérations, même sous l'influence de températures variées; 3o la saveur agréable ne doit pas être sensiblement modifiée; 4° l'arôme que produit la coction, comme l'ont démontré les expériences de M. Chevreul, ne doit pas être libre de se dégager avant le moment où l'on fait usage de la viande alimentaire; 5° les agens et les procédés de conservation doivent être peu coûteux et facilement applicables dans différentes localités; 6° l'emballage et l'arrimage des produits doivent être faciles et peu dispendieux.
ANATOMIE COMPARÉE. M. Geoffroy-Saint-Hilaire présente un mémoire, intitulé: Observations sur la concordance des parties de l'hyoïde dans les quatre classes d'animaux vertébrés, accompagnant, à titre de commentaire, le tableau synoptiqne où cette concordance est figurativement exprimée.
VARIÉTÉS.
Réclamation.
D'après un arrêté de la préfecture du département de la Seine, en date du 2 juin 1806, basé sur la loi du 19 ventosc an xi, les places de médecins vérificateurs des décès étaient données depuis cette époque aux plus anciens des médecins des bureaux de bienfaisance, en considération de leurs services gratuits.
Sur la foi de cet engagement de l'administration, les médecins des bureaux de bienfaisance s'attendaient, à une époque plus ou moins avancée de leur pénible carrière, à une espèce de retraite, que quelques uns seulement parvenaient à obtenir, la mort seule dépossédant ceux qui avaient les places dont il s'agit.
L'arrêté que nous citons, rendu sous M. Frochot, a tellement été respecté pendant la longue administration de M. de Chabrol que, dans le douzième arrondissement, un médecin déjà ancien dans le bureau de bienfaisance, s'étant fait nommer par intrigue à une place de médecin vérificateur des décès qui revenait à M. Devilliers, par son rang d'ancienneté, le préfet, par une délibération du 19 avril 1825, cassa au bout de quinze mois sa nomination, qui était contraire à cet arrêté, et nomma M. Devilliers.
M. de Bondy, qui ne se croit engagé ni par l'arrêté de M. Frochot, ni par la conduite équitable de M. de Chabrol, vient de nommer, dans le dixième arrondissement, à une place de vérificateur des décès
que le titulaire, démissionnaire par arrangement, n'avait obtenu que par son ancienneté; M. de Bondy, disons-nous, vient de nommer dans cet arrondissement un jeune homme à peine reçu docteur, qui n'appartient à aucun établissement de bienfaisance, mais qui appartient par alliance à un des chefs de bureaux de la préfecture de la Seine.
Vaines ont été les réclamations faites auprès du préfet, soit par les tiers lésés, soit par les maire et adjoints de l'arrondissement, etc. Vaines aussi ont été de pareilles réclamations adressées au ministre compétent!..
Il nous reste, à nous tiers intéressés, à en appeler, comme d'abus, au conseil-d'état, et dans tous les cas à l'opinion publique par la voie de pétitions adressées aux chambres.
Un des plus anciens des médecins du Bureau de
Bienfaisance du X. arrondissement.
BIBLIOGRAPHIE.
Traité pratique, théorique et statistique du choléra-morbus de Paris, appuyé sur un grand nombre d'observations recueillies à l'hôpital de la Pitié; par J. BOUILLAUD, professeur de clinique médicale à la Faculté de Médecine de Paris, etc. Paris, 1832, in-8. pp. xv1-426. Prix, 6 fr. 50 cent. Chez J. B. Baillière.
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Le traité que vient de publier sur le Choléra-Morbus de Paris M. le docteur Bouillaud, devait attirer l'attention des médecins. L'importance du sujet et la position de l'auteur imposent à la critique le devoir d'un examen sérieux.
Quoique ce traité soit matériellement divisé en trois parties, il n'en contient réellement que deux: des faits, c'est-à-dire toutes les observations particulières, quelle qu'ait été l'issue de la `maladie; des inductions tirées de ces faits, c'est-à-dire l'histoire générale de la maladie, résumée de toutes les observations.
Ce sont là aussi les deux points de vue généraux sous lesquels l'ouvrage doit être examiné.
Les observations particulières qui sont contenues dans la première et la troisième parties du traité, et qui constituent les faits sur lesquels s'appuie la description générale, sont au nombre de 97; car il faut retrancher du nombre 102, adopté par l'auteur, les cinq observations de maladies étrangères au choléra qui forment la troisième -section des observations de guérison.
Cette collection de faits est la plus considérable qui ait été jus'qu'alors publiée. Elle a d'autant plus de valeur qu'elle contient les procès-verbaux de 50 ouvertures de cadavres.
En général les symptômes ont été recueillis avec soin, et les altérations anatomiques étudiées avec intelligence. Toutefois ces observations laissent quelque chose à désirer.
Le défaut de renseignemens précis sur l'époque de l'invasion de la maladie et sur les circonstances antécédentes, était inévitable dans beaucoup de cas et ne peut être imputé à l'auteur; mais il n'en est pas moins fâcheux, car ces renseignemens ont une grande valeur quand il s'agit de généraliser les faits. D'autres imperfections relatives à la description des altérations anatomiques auraient pu être évitées. Les principales méritent d'être signalées.
Souvent l'altération dont la muqueuse était le siége a été seulement indiquée par le mot injection. Cette expression beaucoup trop vague peut induire en erreur sur la nature de la lésion; car elle est employée également par l'auteur pour représenter deux états fort différens, celui du tube digestif à l'extérieur et celui de la membrane muqueuse. Le plus grand inconvénient de son emploi, c'est que cette expression ôte aux faits qu'elle désigne toute valeur pour ceux qui contestent la nature inflammatoire des lésions du tube digestif dans la première époque du choléra. Une autre remarque plus importante est celle-ci : Il ne paraît pas que le cerveau ait été examiné avec toute l'attention nécessaire, ou au moins que son état ait été constaté avec toute l'exactitude désirable.
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Dans le plus grand nombre de cas où les malades ont succombé avant la réaction, M. Bouillaud n'a rien trouvé à noter sur l'état de l'encephale. Sur un grand nombre de cas (1), dans les mêmes circonstances, j'ai constamment trouvé un engorgement très-considérable de l'encéphale. Les vaisseaux veineux et artériels étaient pleins de sang noir, la substance grise avait une teinte violacée, et la substance blanche divisée par le scalpel, se couvrait d'une multitude de gouttelettes de sang noir, dont on augmentait le nombre et le volume par la pression.
Cette lésion m'a paru tellement constante que je la considère comme caractéristique de la première époque du choléra avec affaiblissement de la circulation, et que je suis porté à croire à son existence dans les cas analogues qui font partie des observations de M. Bouillaud, quoique cet observateur n'en ait pas fait mention.
(1) Le résultat des observations et des recherches faites par M. le D. Foville et moi, sur 78 malades, a été publié quelques jours avant l'ouvrage de M. Bouillaud.
Enfin des observations du traité, il résulterait que le développement des plaques de Peyer serait beaucoup moins fréquent que celui des follicules de Brunner. J'ai observé le contraire, et j'ai eu occasion, en outre, de constater dans ces plaques divers degrés d'altération qui paraissent avoir échappé à M. Bouillaud.
La classification des faits n'est pas sans influence sur les inductions générales qu'on en peut déduire. Cette classification est loin d'être irréprochable dans l'ouvrage de M. Bouillaud.
Les observations ont été distribuées en plusieurs groupes.
Dans la section qui comprend les 50 observations de choléra suivi de mort, les cas de choléra simple forment trois catégories. La première comprend les cas dans lesquels la mort est survenue presque immédiatement après l'entrée ou après 24 heures de séjour au plus. Les observations de cette catégorie portent toutes le titre de choléra asphyxique foudroyant.
La seconde catégorie comprend les cas dans lesquels la mort n'est survenue que plus de 24 heures après l'entrée des malades, sans apparition des symptômes typhoïdes. Les observations de cette catégorie sont appelées simplement asphyxiques, excepté l'observation 26, dans laquelle le choléra est dit demi-asphyxique.
Ces deux catégories sont arbitraires et fondamentalement défectueuses. Prenant pour limite des classes la durée, ce n'était pas la durée du séjour à l'hôpital, qui est quelque chose d'accidentel et de fortuit, mais la durée réelle de la maladie qui devait servir à établir un rapport de coordination entre les faits.
Ce vice fondamental dans la classification des observations a conduit l'auteur à des rapprochemens forcés et à des inductions qui manquent de rigueur.
Dans la première catégorie se trouvent rapprochés des cas de choléra dont la durée a varié de 12 heures à 4 jours; dans la seconde, des cas dont la durée a varié de 36 heures à 5 jours. Et comme tous les cas de la première catégorie ont été appelés asphyxiques foudroyans, tandis que ceux de la seconde sont seulement asphyxiques, il en résulte cette bizarrerie qu'un cholera qui a duré 4 jours (observation 17) est considéré comme foudroyant, tandis que des choléra qui ont amené la mort en 36 ou 37 heures (obs. 24 et 25) sont simplement asphyxiques et non foudroyans.
Mais ce qui est plus grave, cette classification vicieuse a détourné l'auteur du véritable point de vue sous lequel il devait étudier les faits, la durée réelle de la maladie, et par suite elle lui a fait négliger une considération fort importante, le rapport des lésions organiques avec cette même durée. Ces conséquences fâcheuses se feront vivement sentir dans la description générale.
La troisième catégorie, comprenant les cas dans lesquels la mort est
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survenue pendant la réaction typhoïde, n'offre pas les mêmes inconvéniens, parce que l'époque à laquelle apparaissent les phénomènes morbides ainsi qualifiés est naturellement en rapport avec la durée de la maladie et le degré correspondant des altérations organiques., Une différence fondamentale, la complication avec une autre maladie, justifie la réunion des observations de choléra-morbus compliqué dans une même catégorie qui est la quatrième. Toutefois ce groupe aurait dû être rattaché aux autres par un rapport commun qui eût rendu tous les faits comparables Ce rapport naturel était la durée.
On trouve dans cette catégorie des complications du choléra, 4 cas d'affections chroniques des organes abdominaux, 8 cas d'affections des organes thoraciques, un cas d'affection des organes encéphaliques. Ces observations intéressantes prouvent qu'une maladie actuelle ne préserve pas du choléra. Mais les complications du choléra offraient une question d'un grand intérêt que M. Bouillaud n'a pas abordée, et dont la solution aurait pu être jusqu'à un certain point obtenue des faits que lui-même a observés : je veux parler de la complication du choléra avec des affections aiguës du tube digestif.
Plusieurs des altérations pathologiques constatées à la Pitié, dans la muqueuse digestive, après une durée du choléra de moins de 48 heures, sont de nature à faire croire que ces altérations doivent être rapportées à une durée plus longue et par conséquent à une inflammation aiguë préexistante; et cela avec d'autant plus de raison que dans ces cas l'invasion du choléra avait été précédée par un trouble des fonctions digestives ayant duré plusieurs jours (notamment Obs. 24 et 25). Si M. Bouillaud avait cherché à apprécier la succession des altérations pathologiques dans son rapport avec la durée de la maladie, il aurait été conduit à reconnaître que les traces d'inflammation par lui observées dans l'estomac et les intestins chez plusieurs cholériques doivent être attribuées à un travail inflammatoire préexistant à l'invasion du choléra. Je reviendrai sur cette question importante.
Les observations de choléra-morbus suivi de guérison, rejetées par l'auteur à la fin de l'ouvrage pour en constituer la troisième partie, sont intéressantes; elles sont au nombre de 47: 25 appartiennent au choléra grave, 22 au choléra léger.
Telles sont les remarques principales que m'a suggérées l'examen attentif des faits qui forment la partie fondamentale de l'ouvrage de M. Bouillaud. L'exposé didactique et théorique qui est résumé de ces faits doit reproduire les inexactitudes qu'ils contiennent, et surtout mettre en relief les conséquences de l'analyse défectueuse qui a présidé à leur classement. C'est ce qui va ressortir de l'examen de la deuxième partie du traité qui porte ce titre : Histoire ou description
générale du choléra-morbus de Paris. Elle se compose subdivisées en un grand nombre de chapitres ou d'articles.
de
7 sections
Dans la première section, l'auteur traite de la cause spécifique du choléra-morbus et de ses causes adjuvantes et occasionelles ; de la date de l'invasion de cette maladie; de son mode de développement et de propagation. Rien autre chose dans cette section que ce qui se retrouve partout. La cause spécifique est ignorée; les causes occasionnelles sont celles de toutes les maladies en général; la question du mode de propagation est tranchée par la non importation et la non contagion, sans que la discussion offre rien de remarquable pour les argumens ni pour les faits.
La deuxième section est consacrée à l'exposition et à l'appréciation des symptômes et au diagnostic.
L'auteur ne distingue avec raison que deux espèces de choléra, le grave et le léger. Pourquoi donc n'avoir pas sacrifié à cette vue fort juste tout le fatras de dénominations spécifiques employé pour désigner les cas particuliers? Choléra asphyxique foudroyant, asphyxique, semi-asphyxique, sub-asphyxique, algide, sub-algide, grave, intense, cyanique, cholérine, choléra de moyenne intensité, sub-intense, léger; et toutes les combinaisons possibles de ces qualifications avec le mot typhoïde!
L'auteur divise le choléra grave en deux périodes: celle des grandes évacuations gastro-intestinales ou de l'irritation sécrétoire de la membrane folliculeuse des voies digestives, et celle de la réaction avec ou sans développement de l'état typhoïde.
Les symptômes qui précèdent l'invasion du choléra, soit qu'ils en constituent les prodrômes, soit qu'ils appartiennent à une affection préexistante du tube digestif, n'ont pas trouvé place dans cette description. Ces symptômes ont pourtant de l'importance; seuls ils peuvent expliquer, par leur nature et leur durée, la gravité des lésions trouvées dans le tube digestif chez des malades qui avaient succombé peu de temps après l'invasion du choléra proprement dit.
Les symptômes de la maladie à dater de cette invasion, sont en général bien exposés. Cependant ceux qui, suivant l'expression de l'auteur, sont fournis par l'exploration des appareils de l'intelligence, des sensations et des mouvemens, dans la première période, me paraissent manquer d'exactitude.
L'intelligence est intacte, dit M. Bouillaud. Si par là il faut cntendre seulement qu'il n'y a pas de délire, l'observation est vraie. Mais il n'en faudrait pas conclure que les fonctions de l'encéphale ne sont pas notablement troublées. En effet d'après la description même de M. Bouillaud, il y a chez les cholériques dans la première période, découragement, sinistres pressentimens ou indifférence pour leur état, (différences qui, suivant l'auteur, tienpent aux particuliarités de
tempérament et d'organisation cérébrale), tendance marquée à l'assoupissement; vue émoussée, vertiges, étourdissemens, éblouissemens. Si à ces symptômes on ajoute la difficulté de fixer l'attention des malades, la lenteur et la briéveté de leurs réponses, que l'auteur a omis de constater, on est conduit à reconnaître un trouble profond dans les fonctions de l'encéphale. L'anatomie pathologique prouve que ce trouble coïncide avec l'engorgement remarquable du cerveau qui n'a pas attiré l'attention de M. Bouillaud.
L'exposition des symptômes laisse encore à désirer une appréciation exacte da rapport de succession qui les lie, rapport qui malgré son importance a été généralement négligé par l'ruteur.
Dans l'appréciation des symptômes, M. Bouiilaud a fait un usage judicieux de la connaissance des lois physiologiques.
Il rapporte les symptômes de l'appareil digestif à une congestion sanguine active, et les symptômes des autres appareils à un affaiblissement de la circulation et de l'action organique. Et il subordonne la lésion des fonctions de la circulation, de la respiration, la calorification et de certaines sécrétions, aux phénomènes abdomi naux représentés principalement par les grandes évacuations cholériques.
de
Ce sont là les idées fondamentales de la doctrine professée par M. Broussais, auxquelles les observations et les inductions de M. Bouillaud viennent prêter leur appui.
La 3me section est consacrée à l'exposition et à l'appréciation des lésions rencontrées chez les individus qui succombent au choléra-morbus ; lésions qui eonstituent les caractères anatomiques de cette maladie. M. Bouillaud a conservé la division en deux périodes adoptée par lui pour les symptômes..
Dans un premier article où sont exposées les lésions anatomiques rencontrées chez les choleriques qui succombent dans la période des grandes évacuations intestinales, ces lésions sont en général énumé`rées et caractérisées avec exactitude.
Mais dans ce résumé des observations particulières, se remarquent les conséquences de la classification vicieuse des faits.
On se tromperait singulièrement, dit l'auteur, si l'on pensait que chez tous les individus qui succombent rapidement, dans l'espace de 12, 24, ou 48 heures par exemple, on ne rencontre jamais qu'une rougeur à peine marquée, une injection très-médiocre.
Je pense qu'on se tromperait bien davantage, si l'on attribuait à une maladie qui a duré seulement 12, 24 on 48 heures des désordres tels que quelques-uns de ceux que M. Bouillaud a rangés dans une même catégorie, sans tenir compte de la durée réelle de la maladie et des affections préexistantes, et sous prétexte que les malades auraient succombé 12, 24 ou 48 heures après leur entrée à l'hôpital.
Ce qui est vrai et ce qui peut être conclu même des observations publiées par M. Bouillaud, c'est que les altérations organiques sont successives dans le choléra comme dans les autres maladies, et que leur intensité de développement est en raison de la durée de la maladie.
Dans les véritables cas de choléra foudroyant, c'est-à-dire, quand un individu qui n'était nullement malade et qui surtout n'avait pas de diarrhée, est enlevé en un petit nombre d'heures au milieu des symptômes les plus graves du choléra, le tube digestif dans toute sa longueur n'offre d'autres altérations que les suivantes : engorgement général du systême vasculaire, couleur rose, hortensia, lilas, violacée de la muqueuse de l'estomac et de l'intestin grêle, souvent pâleur blafarde de celle du gros intestin, développement des plaques de Peyer et des follicules de Brunner. Cette coloration uniforme, due à un engorgement général, n'est interrompue que par un petit nombre de plaques pointillées, disséminées et très-petites.
Dans les cas où il y avait avant l'invasion du choléra proprement dit, trouble des fonctions digestives et particulièrement diarrhée, suivant la durée de ces symptômes morbides, on trouve des traces d'inflammation plus ou moins considérables dans l'estomac, dans l'intestin grêle et notamment dans le gros intestin, altérations dont l'origine est plus ancienne que l'invasion du choléra.
A dater de cette invasion, les altérations du tube digestif qui appartiennent au choléra, et qui consistent d'abord dans la congestion générale et la coloration uniforme de la muqueuse, passent rapidement, il est vrai, mais successivement à des modifications d'intensité dans la couleur et de forme dans l'injection, et peuvent arriver au ramollissement et même à la gangrène, après avoir passé par l'injection pointillée, arborisée, ecchymosée, infiltrée, etc.
Cette succession des altérations en raison de la durée de la maladie a été méconnue par M. Bonillaud. Elle est indispensable à connaître, pour concevoir la marche de la maladie. Elle est importante par les conséquences qu'on en peut déduire pour les indications therapeutiques.
Enfin elle peut seule expliquer, comment des observateurs ont pu dire avec vérité que dans certains cas le tube digestif a été trouvé chez des cholériques, exempt de rougeur dans toute sa longueur.
Cette absence de rougeur est un fait qui a frappé beaucoup d'observateurs en France et à l'étranger; je l'ai moi-même observé plusieurs fois.
Ce n'est pas en niant ce fait incontestable qu'on peut combattre avec succès l'argumentation qui s'appuie sur lui pour contester la nature de la congestion dont le tube digestif est le siége dans la
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première époque du choléra. Mais en établissant ce qui est la vérité et ce qui a échappé à beaucoup d'observateurs, que dans cette première époque où il n'y a pas à proprement parler de rougeur inflammatoire, c'est-à-dire ni plaques, ni pointillé, ni arborisations, etc. toute la muqueuse est pourtant le siége d'une congestion qui a aug menté son épaisseur, et qui lui donne une teinte hortensia uniforme, qu'en même temps les follicules agminés et isolés ont pris un développement considérable, et que c'est à cet état de la muqueuse que corespond la super-sécrétion caractéristique.
Ces caractères anatomiques, qui sont réellement ceux de la première époque du choléra, sont les seuls dont on puisse tirer des inductions pour apprécier la nature de la congestion de la muqueuse, et ils sont suffisans pour qu'on soit en droit d'en conclure que cette congestion est active.
Une analyse exacte des faits observés par M. Bouillaud, aurait pu le conduire à ce résultat qui me paraît concilier les assertions contradictoires des observateurs, sur l'état du tube digestif dans la première époque du choléra.
On peut remarquer dans la description d'ailleurs exacte donnée par M. Bouillaud des liquides que renferme le tube digestif, la défaut d'analyse que j'ai signalé dans son appréciation des autres caractères anatomiques. Les rapports qui existent entre les qualités de ces liquides, la durée de la maladie et la lésion de la muqueuse avec laquelle ils sont en contact n'ont pas été exactement déterminés,
Ainsi le liquide caractéristique blanc appartient à la première époque du choléra et correspond à la congestion générale de la muqueuse avec développement des follicules.
Le liquide plus ou moins coloré par le sang appartient à une époque un peu éloignée, et correspond à cet état inflammatoire plus prononcé de la muqueuse. Cette coloration varie d'intensité à peu près comme les altérations de la membrane. Et si les faits ont prouvé à M. Bouillaud, ce qui est vrai, que ce liquide coloré peut exister dans la partie inférieure, cela tient à ce que l'inflammation marchant ordinairement avec plus de rapidité dans la partie inférieure et particulièrement dans les derniers pieds de l'iléum et le cœcum à une même époque ces dernières parties peuvent être plus profondément altérées que les autres.
Les liquides colorés par la bile appartiennent à une époque encore plus éloignée, celle où la super-sécrétion intestinale a cessé pour faire place à l'inflammation.
M. Bouillaud n'a pas saisi ce rapport de succession,
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